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Au coeur de l’enquête sur un triple crime

19 octobre 2012

Le journaliste grandsonnois Michel Bory, allias l’inspecteur Perrin, profite de la retraite pour décortiquer les opérations d’enquête et les procédures qui ont conduit à la condamnation de L. pour le meurtre de sa mère, d’une amie de celle-ci, et d’une soeur dont le corps n’a jamais été retrouvé. L’affaire a défrayé la chronique.

Michel Bory a momentanément mis l’inspecteur Perrin au vert, le temps d’entrer au coeur de l’enquête sur le triple crime de Vevey.

Il est des affaires qui marquent durablement l’opinion publique. Du crime de Maracon -deux jeunes filles assassinées-, qui n’a jamais été élucidé, en passant par la sauvagerie du sadique de Romont et l’affaire de la bière au cyanure -un pharmacien a été condamné pour avoir empoisonné son associé-, ces dossiers comportent leur part d’ombre, tant il est vrai que les acteurs de la chaîne pénale, arrivant après les faits, parviennent rarement à reconstituer exactement le scénario d’une affaire forcément improbable. Une mission d’autant plus impossible que le ou les auteurs livrent rarement -encore faut-il qu’ils en soient capables- le déroulé mental qui a guidé leur action.

Au-delà des faits et des constats scientifiques et techniques, enquêteurs, parties au procès et autorités de jugement en sont réduits à interpréter. En tenant compte bien entendu des déclarations des uns et des autres, avec toutes les imperfections résultant d’une mémoire plus ou moins fidèle.

Alors que l’inspecteur Perrin s’acheminait vers une paisible retraite -il prépare en réalité un nouveau roman-, Michel Bory s’est plongé corps et âme dans l’affaire L., connue aussi comme le triple crime de Vevey.

Depuis le procès

En réalité, l’inspecteur Perrin était à la recherche d’inspiration lorsque, en 2008, il a suivi le premier procès. Saisi par le doute, il a réalisé qu’il peinerait à romancer et a finalement opté pour une enquête qui devait être le plus complète possible.

Une rencontre avec l’ancien chef de la Police de sûreté l’a convaincu de poursuivre une quête originale puisqu’elle consistait, avec l’aval des autorités concernées, à refaire le parcours avec les enquêteurs et autres acteurs.

Une condition a bien évidemment été posée, et respectée: rien ne devait être publié avant que le jugement soit définitif et exécutoire. Ce qui est le cas.

Le journaliste Michel Bory a donc abandonné pour un temps l’habit de l’inspecteur Perrin. Il a rencontré inspecteurs, juge d’instruction, procureur général et avocat de la défense. Avec pour résultat un livre qui va sans doute aider le lecteur à comprendre comment, dans une affaire aussi grave, fonctionnent la police et tous les acteurs de la chaîne pénale.

Et Perrin a franchement pris du plaisir: «Un roman aurait impliqué un scénario machiavélique. Là, j’étais libéré. J’ai suivi l’enquête et les moments du procès comme un chroniqueur.»

Une conviction

Michel Bory s’est aussi intéressé à la prime jeunesse de l’auteur du crime, enfant adopté par une famille aisée de la Riviera. Au point qu’il considère que son abandon par ses parents biologiques à l’âge de cinq ans l’a sans doute marqué à vie et peut avoir joué un rôle dans le drame.

Au terme de ce travail minutieux -le lecteur a même droit à une retranscription authentique des propos échangés lors de la reconstitution-, le journaliste Michel Bory a rejoint le verdict de l’autorité de jugement. Et il a écrit -la lettre figure à la fin du livre- à l’intéressé pour lui conseiller de plaider coupable.

Un revirement certes difficile à opérer, mais qui lui permettrait sans doute d’obtenir une sanction moins lourde.

Isidore Raposo