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Des heures bloqués à la douane pour venir en aide aux migrants

16 octobre 2015

Nord vaudois – L’association Human’s Nation, qui a notamment récolté des vêtements dans la région, a été jusqu’au bout d’un parcours du combattant pour réchauffer des réfugiés syriens passant par la Serbie.

L’équipe pensait être de retour en Suisse lundi, mais elle a pris un jour de retard à cause des douanes. © Petar Mitrovic et Sandra Borer

L’équipe pensait être de retour en Suisse lundi, mais elle a pris un jour de retard à cause des douanes.

«Mais que pouvons-nous faire?» Cette question en tête, après avoir été touchés par les images des migrants syriens, des Romands ont décidé d’agir. Ils ont fait connaissance par les réseaux sociaux, avant de se réunir autour de l’association Human’s Nation. Neuf d’entre eux sont partis à la rencontre des exilés, vendredi passé, avec des camionnettes pleines de vêtements chauds à offrir. Après cinq jours passés sur les routes, les membres de ce convoi humanitaire sont de retour d’un voyage «en enfer».

Eliana Alvarez (à dr.) distribue des vêtements chauds. © Petar Mitrovic et Sandra Borer

Eliana Alvarez (à dr.) distribue des vêtements chauds.

«A la base, le photographe Petar Mitrovic voulait aller à la rencontre des réfugiés dans le cadre d’un projet photo, en apportant quelques dons», explique Sandra Borer, de Châbles, qui a découvert le projet par Facebook. Mais l’image a finalement été mise de côté, au profit de l’aide humanitaire. Des appels aux dons de vêtements chauds ont été lancés, durant le mois de septembre, au nom de l’association, dans toute la Suisse romande. Cinq tonnes d’habits ont ainsi été récoltées pour les réfugiés syriens. «On a reçu des centaines de mails, alors qu’on avait déjà suffisamment de choses. C’était difficile de dire non», lance Sandra Borer, qui s’est occupée de récolter les vêtements dans le Nord vaudois, notamment à Yvonand et à Yverdon-les-Bains.

Après avoir tout trié et empaqueté, quatre véhicules ont été chargés vendredi dernier. Le convoi s’est mis en route vers midi, en direction de la Croatie, pour rejoindre ensuite la Serbie. «Nous avons contact avec d’autres associations, qui nous indiquaient où étaient les camps», précise Sandra Borer.

Mais après les embouteillages et les contrôles des douanes volantes, les choses se sont compliquées davantage, dimanche matin, entre la Croatie et la Serbie, à quelques kilomètres seulement de l’objectif fixé. «Nous avons attendu 12h dans le no man’s land, entre les deux frontières. Il ne se passait rien…», lance Katja Weber, venue rendre visite à Sandra Borer, le lendemain de leur retour, qui n’en revient toujours pas de ce qu’elles ont vécu. Le petit groupe avait pourtant préparé tous les formulaires nécessaires avant son départ pour pouvoir passer les douanes. «On n’aurait pas dû remplir les questionnaires et juste payer le bakchich attendu, ça aurait été plus rapide», ajoute-t-elle.

C’est seulement en début de soirée que le convoi parvient à entrer en Serbie, après avoir payé «un café à 100 euros» aux douaniers, et à condition de revenir dédouaner la marchandise qu’il transportait le lendemain matin. Une personne les attendait vers Sid, en y allant, les membres de Human’s Nation dévalisent trois boutiques d’alimentation pour distribuer des vivres aux réfugiés.

Une nuit en enfer

Après avoir arpenté un chemin de campagne, le convoi est arrivé à destination vers 20h, sous la pluie. «Il n’y avait pas de camp, il s’agissait en réalité d’un checkpoint. Il y avait quelques tentes, dont certaines aux couleurs d’ONG, mais la plupart étaient vides. Des autocars déchargeaient des gens et des centaines de personnes marchaient vers un tunnel fait en bâches de plastique, pour attendre un autre bus, explique Sandra Borer. Les gens avaient froid, des enfants étaient pieds nus, alors que d’autres étaient en tongs». «Ils étaient épuisés et en état de choc. Certains demandaient où ils pouvaient dormir, mais ce n’était pas possible ici… En voyant ça, l’image qui vous vient, c’est celle de la déportation des juifs, ajoute Katja Weber, les larmes aux yeux. C’était vraiment une nuit en enfer.»

Le petit groupe de Suisses est conscient qu’il n’a pas le droit de vider ses camionnettes, mais vu la misère qu’ils ont en face d’eux, il craque. Les membres de Human’s Nation distribuent la nourriture, et la moitié de leurs vêtements, jusqu’à deux heures du matin. «C’était silencieux, et les gens étaient très humbles. Chacun attendait calmement son tour», fait remarquer Katja Weber.

Lundi matin, le convoi retourne à la douane. Le but était de dédouaner et de rapporter ce qui restait au point de passage des migrants. Mais les ennuis reprennent et il reste bloqué à la douane. «La seule solution pour pouvoir repartir a été d’apporter nos dons à la Croix rouge croate. Nous nous sommes rendus à leur dépôt et là, au lieu de voir des gens s’activer pour apporter des vivres à ceux dans le besoin, à quelques kilomètres seulement, il n’y avait rien qui bougeait. Juste un homme qui mangeait sa pizza en nous regardant décharger… Nous avons l’impression d’avoir été rackettés», regrette Katja Weber.

C’est avec un sentiment d’impuissance et en se demandant où sont les ONG que la petite équipe est rentrée en Suisse, mardi soir. «Il y a un état d’urgence et on a été bloqués dans notre démarche alors que nous voulions juste apporter de l’aide. Si au moins les douaniers avaient ouvert tous nos cartons et vérifié la marchandise pour des questions de sécurité… on aurait compris, mais on nous a mis des bâtons dans les roues sans raison», regrette Katja Weber. Bien que choquées par ce qu’elles ont vu et vécu, les deux femmes ne baissent pas pour autant les bras. «Nous pensons y retourner d’ici quelques semaines. Et si c’est trop compliqué d’amener des vêtements, nous irons acheter sur place des vivres pour les distribuer», conclut Sandra Borer.

www.humansnation.com

Muriel Aubert