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L’amour absolu de Linda Vialatte
©Simon Gabioud

L’amour absolu de Linda Vialatte

7 décembre 2016 | Edition N°1887

Football – La présidente d’YF a livré une partie de son histoire et de celle du foot féminin aux membres du Club des Milles, hier, à Bonvillars.

Linda Vialatte pointe la photo de son enfance, parmi les footballeurs. ©Simon Gabioud

Linda Vialatte pointe la photo de son enfance, parmi les footballeurs.

«Tout a commencé sur le terrain des Tuileries-de- Grandson, juste à côté de chez moi», glisse Linda Vialatte, à l’heure d’évoquer le passé et, plus particulièrement, sa relation passionnelle avec le football, en montrant une photo d’équipe où elle pose au milieu des joueurs, dont son père, Claude, dans les années 60. «La seule chose que j’ai toujours voulu faire, c’est jouer au foot.» Elle, la fille, «l’amoureuse absolue» du ballon rond, la pionnière.

Le combat de la présidente du FC Yverdon Féminin ne date pas d’hier. Les membres du Club de Milles, club de soutien d’Yverdon Sport -les garçons, donc-, réunis hier au Domaine La Boulaz de Bonvillars pour leur rencontre mensuelle, en ont découvert les dessous.

«J’ai aussi fait de la danse, poursuit Linda Vialatte. Mais en rentrant à la maison, j’enfilais les souliers pour aller au terrain.» Elle n’est pas seule dans son cas. En Valais, Madeleine Boll -fille du créateur de la toute première ligue féminine en Suisse- devient la première joueuse licenciée «par erreur » avec les juniors du FC Sion. Jusqu’à ce que l’Association suisse de football (ASF) ne découvre, en 1965, qu’elle est une fille, et lui retire le droit de jouer. En 1970, l’équipe nationale dispute, en Italie, une Coupe du monde non reconnue par la Fifa. Il y a encore du chemin à faire…

De son côté, la Nord-Vaudoise fait ses débuts en équipe avec les Colinettes d’Echallens, seule formation féminine de la région, dont sa maman deviendra, ensuite, présidente. La section féminine d’Yverdon Sport est, pour sa part, créée en 1985. Entre-temps, Linda Vialatte a arrêté le football. Mais son frère, Bruno, la pousse à aller voir ce qui se passe au Stade Municipal. Elle arrive au club en 1987. «Et voilà, je suis toujours là», lance celle qui en est devenue l’emblème.

Rêves et prémonitions

Plus âgée que la plupart de ses camarades -des filles de 15 à 17 ans pour la majorité-, elles est une des seules à avoir le permis. «J’emmenais mes coéquipières au match avec le bus de l’entreprise de mon papa. Au retour, on rêvait un peu et on se disait que, peut-être, un jour on deviendrait championnes de Suisse ou qu’on soulèverait la Coupe.» Il a fallu du temps, mais il s’agissait bien là d’une prémonition.

En 2010, Yverdon Féminin est installé (il y a eu un précédent passage éclair lors de la saison 2000- 2001) en LNA depuis quatre ans. Le club draine toutes les meilleures joueuses de Suisse romande. L’équipe dirigée par Alain Béguin décroche une place en finale de la Coupe de Suisse. A Wohlen, face à Young Boys, les Yverdonnoises s’imposent au terme des prolongations. Un exploit gravé à jamais dans la mémoire et le cœur de Linda Vialatte. «Dans ces moments, j’ai repensé à toutes ces années, des Tuileries à Echallens», confie-telle, ô combien reconnaissante envers sa famille qui l’a soutenue. «Les filles n’ont pas à avoir peur de faire du foot. Moi, je ne me suis jamais posé la question.» Une année plus tard, YF a répété pareil exploit, à nouveau devant YB, pour ses deux plus beaux succès à ce jour.

Le foot féminin a fait bien du chemin depuis ses débuts en Suisse. L’an passé, l’équipe nationale a participé à sa première Coupe du monde officielle au Canada. Dans quelques mois, elle prendra part à l’Euro, pour lequel elle s’est qualifiée avec brio. Cette année, 27 000 joueuses foulent, chaque week-end, les pelouses du pays. «Malgré cela, à l’ASF, c’est toujours une branche du football de base qui gère celui des dames. Seulement deux personnes s’en occupent, tonne Linda Vialatte. C’est dire si la lutte pour la reconnaissance de notre football est encore importante.» Un combat quotidien pour un football qui, à ses yeux, «véhicule des valeurs un peu perdues » par son pendant masculin.

Manuel Gremion