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Les magiciens du lac à l’Ermitage

8 avril 2014

André et Gilberte Ravessoud ont quitté leurs roulottes en fin de semaine dernière. Pour aborder une nouvelle étape de leur vie dans un appartement protégé.

Gilberte et André Ravessoud abordent une nouvelle vie.

Gilberte et André Ravessoud abordent une nouvelle vie.

«Je ne reviendrai plus dans la roulotte. Ni même ici… Je ne veux plus revoir ce coin. Mais il y a en aura un autre.» La voix étreinte par l’émotion, André Ravessoud prend congé de cette rive gauche de la Thièle, qui a son embouchure offre une large perspective sur le lac, à l’extrémité de la rue du Parc. Avec son épouse et inséparable complice Gilberte, ils ont vécu cinquante-deux années dans ce qui était, dès le départ, le port d’attache des «Andreals», ces magiciens hors norme qui ont ravi des milliers de spectateurs dans toute l’Europe.

Le pas a été difficile à franchir, mais André est un homme raisonnable. Avec l’âge et les possibles complications de santé, il fallait opérer cette transition. Depuis la fin de la semaine dernière, les Magiciens du lac, comme les surnomment leurs amis, ont emménagé à l’Ermitage.

«Je suis content d’être revenu chez nous avec ma jambe. J’ai passé pas loin de la grande sortie », explique André. En effet, une grave infection, vécue comme un cataclysme, a failli lui coûter une amputation. Pratiquement guéri, «le miraculé en bonne santé» est prêt à affronter une nouvelle vie.

La vie à deux

André se réjouit d’ailleurs, une fois bien installé, de préparer un spectacle pour les locataires du voisinage. Et il compte aussi revenir une fois ou l’autre à l’Aula Magna.

Avec Gilberte bien entendu, sa complice de toujours, dans les cheveux de laquelle il passe tendrement sa main : «En cinquantesix ans de mariage, on s’est jamais quitté une heure de temps.» D’ailleurs, les amis du couple ont fait le taxi durant le séjour d’André au CHUV. «On s’est découvert des amis qu’on aurait pas pensé à ce degré», expliquent les deux amoureux.

André et Gilberte apprennent désormais à se partager un nouvel espace. «Dans la roulotte, on doit toujours tenir compte de ce que l’autre va faire.» André se connaît plein de défauts et rend hommage à sa compagne : «Elle est merveilleusement bordélique et elle est extrêmement tolérante de toutes sortes de choses.» Pas de doute, ces deux-là étaient nés pour s’entendre. Cela fait longtemps qu’ils nagent dans un océan de tendresse.

En Normandie Les roulottes des «Andreals» pourraient prendre la route de la Normandie. «J’en ai fait cadeau à un magicien. Mais s’il connaît des problèmes pour les importer, alors je les mettrai en vente, en faveur de bonnes oeuvres», explique André.

 

«Les Andreals» ont ravi les familles et des grands de ce monde avec des tours réalisés avec passion

Une vie totalement dédiée à l’illusion et à la magie

Une dernière pose devant les roulottes.

Une dernière pose devant les roulottes.

«On a eu la chance de gagner notre vie avec notre passion durant plus de quarante ans !» André et Gilberte Ravessoud sont reconnaissants. Et pourtant, le succès, il a fallu le conquérir.

Enfant d’Yverdon, André devait avoir un métier, un vrai lui disait son père. Il a ainsi suivi une formation de mécanicien. Mais le démon de la magie a vite repris le dessus. A tout juste vingt ans, en 1951, il décrochait son premier contrat à La Chaux-de-Fonds. Le temps d’une illusion. «Après, je suis retourné laver les vitres», ajoute-t-il.

Il demande ensuite un congé de deux semaines pour assurer un spectacle à Zurich. L’agente lui fait miroiter d’autres engagements… mais il faut être deux ! «Il m’a envoyé une lettre de quatre pages pour me faire apprendre les tours par coeur», explique Gilberte, encore amusée. A l’époque, elle était vendeuse à Neuchâtel. «Elle avait un salaire assuré», ajoute André.

Pas pour longtemps, les deux décident de faire définitivement la paire et font une tournée en Irlande avec un cirque familial : «On a fait deux cents places, deux spectacles par jour, mais on savait pas où on était.»

La reconnaissance

Le premier prix, dans la catégorie des grandes illusions, lors du Congrès mondial de la magie, à Liège (Belgique), lance définitivement «Les Andreals». Les propositions affluent. Ils ont droit aux honneurs de nombreuses télévisions, de la TSR à la BBC.

Ils jouent en privé pour l’anniversaire d’un petit garçon et le lendemain devant 4000 personnes au Palais des Sports de Barcelone. Leur célébrité leur vaut également, dans les années soixante, d’avoir le privilège de présenter leurs tours au roi d’Arabie Saoudite, en convalescence à Lausanne. «Il voulait un spectacle tous les soirs. Madame Pasche, du Tabaris (cabaret lausannois) a pensé à nous.

Un garde nous surveillait. Une petite danseuse passait avant nous. C’était assez fou. Parce que, quand on avait été engagés, on ne savait pas que c’était pour lui. On nous avait demandé d’aller au Beau Rivage Palace pour un convalescent…» André et Gilberte ont partagé une autre passion : la course à pied. Le palmarès d’André est éloquent : 250 épreuves, 5 marathons internationaux, Sierre-Zinal, Morat-Fribourg 22 fois… et même le tour du lac de Neuchâtel. Pas mal pour une carrière débutée à 49 ans !

Isidore Raposo