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Un fervent défenseur d’une rive sud sauvage se retire

16 janvier 2017 | Edition N°1913

Nord vaudois – Michel Antoniazza quittera, début février, son poste de collaborateur scientifique de l’Association de la Grande Cariçaie. Le parcours du biologiste spécialisé en ornithologie est intimement lié à la protection de la nature sur la rive sud du lac de Neuchâtel. Rencontre, à Champ-Pittet, avec ce véritable passionné.

Vidéo: Lila Erard

Si les jumelles restent un outil indispensable à l’ornithologue, la connaissance des cris des oiseaux joue un rôle crucial dans leur étude, particulièrement dans des zones difficiles d’accès comme les marais, relève Michel Antoniazza. ©Michel Duperrex

Si les jumelles restent un outil indispensable à l’ornithologue, la connaissance des cris des oiseaux joue un rôle crucial dans leur étude, particulièrement dans des zones difficiles d’accès comme les marais, relève Michel Antoniazza.

Résumer la carrière de Michel Antoniazza demande, inévitablement, de se plonger dans le passé tumultueux de la Grande Cariçaie, dont il a suggéré le nom. Cette impressionnante zone de marais située sur la rive sud du lac de Neuchâtel a été le théâtre d’un bras de fer entre partisans de la nature et des infrastructures routières et touristiques, de la fin des années 1970 à Expo.02, notamment. Avant de jouer un rôle prépondérant, en tant que biologiste, dans ce conflit, c’est en qualité de cow-boy ou d’indien que le Tapa-Sabllia arpentait les bords du lac dans ses jeunes années. «Nous avions créé des chemins secrets dans les roseaux. L’hiver, le niveau du lac était très bas, un peu comme maintenant, et des patinoires naturelles se formaient entre les bancs de sable de la Baie d’Yvonand», se souvient-il.

Son père, adepte de la pêche et de la cueillette des champignons, lui avait déjà transmis la fibre naturaliste, mais l’ornithologie a véritablement fait irruption dans la vie de Michel Antoniazza à travers le petit écran. «Le déclic s’est produit en regardant une émission où des jeunes baguaient des oiseaux. Mon intérêt n’était pas que scientifique, il y avait aussi l’aspect de la capture», précise le Nord-Vaudois.

©Michel DuperrexEmile Sermet, ancien enseignant à l’école secondaire d’Yverdon-les-Bains et président du cercle ornithologique de la Cité thermale, le prend sous son aile. Les trois frères Antoniazza se passionnent pour le monde des oiseaux et c’est auprès d’une autre fratrie que le trio élargit sa palette de connaissances autodidactes. «Les Yverdonnois Jean-Claude et Michel Muriset, ainsi que Jean-Jacques Mauron avaient un peu le même âge. Je m’étais beaucoup renseigné sur les passereaux. Grâce à eux, j’ai découvert les limicoles (ndlr : de petits échassiers) et les canards aux Vernes», relève le quasi retraité de 65 ans.

Membre du Groupe des jeunes de Nos Oiseaux, Michel Antoniazza passe son permis de baguement à la station ornithologique de Sempach à 19 ans, avant celui de conduire. «Il y avait une cinquantaine de peaux d’oiseaux différentes à identifier et nous n’avions droit qu’à une seule erreur. J’ai réalisé un sans-faute», se souvient le biologiste.

Les oiseaux plutôt que les os

©Michel DuperrexLe goût pour le terrain, sur les traces de l’avifaune, a eu raison de la voie académique, par laquelle Michel Antoniazza visait l’archéologie. Après une année d’université à Lausanne, il opte pour la formation de naturaliste à Neuchâtel. Et dédie, en 1976, son travail de fin d’études aux oiseaux nicheurs de la rive sud du lac de Neuchâtel. «Depuis 1983, je continue à effectuer des recensements annuels sur les trois parcelles sélectionnées à cette occasion», ajoute l’habitant d’Yvonand.

La période de la fin des années 1970 marque le début de la mobilisation locale contre la création de l’autoroute N1 sur la rive sud. Michel Antoniazza participe, en 1980, à la Campagne Pro Natura Helvetica, qui permettra de récolter 4 millions de francs et 560 000 signatures en faveur de la préservation du site. Le tracé autoroutier «lac» est officiellement abandonné en 1981. Le combat, en revanche, ne fait que commencer. Impliqué dans le Groupe d’étude et de gestion de la Grande Cariçaie, fondé l’année suivante et dirigé par Maurice Rollier, le scientifique fait état de luttes épiques face aux développements d’infrastructures touristiques projetés. La mise à l’enquête des réserves naturelles cantonales, en 1998, fait l’objet de plus de 100 000 oppositions, sous l’impulsion de l’association Aqua Nostra. «C’était une période très pénible», commente Michel Antoniazza, aujourd’hui satisfait de prendre congé d’une structure -l’Association de la Grande Cariçaie- en pleine santé.

«Atterrisage en douceur»

©Michel DuperrexLe baguement des migrateurs au col de la Croix continuera à occuper son temps libre, tout comme le recensement des oiseaux d’eau de la Baie d’Yvonand. «J’aiderai aussi mon successeur à se familiariser avec le suivi de l’avifaune sur le terrain. Ce sera un atterrissage en douceur», explique ce père de trois enfants, dont l’aîné, Sylvain, officie à la Station ornithologique de Sempach. La relève est donc assurée.

Pour découvrir l’oiseau de prédilection, le site d’observation privilégié et la sortie ornithologique la plus mémorable de Michel Antoniazza, consultez notre vidéo sur le site Internet de La Région Nord vaudois.

Recensement de janvier dans la moyenne

Michel Antoniazza est heureux d’avoir pu compter, hier, sur de bonnes conditions météorologiques, à l’occasion de son dernier recensement international des oiseaux d’eau en tant que coordinateur pour les lacs de Neuchâtel et Morat. Environ 8000 oiseaux ont été répertoriés dans la Baie d’Yvonand, un chiffre dans la moyenne, annonce celui qui a pris part à 48 des 50 campagnes organisées jusqu’ici.

Ludovic Pillonel