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Un «stratège» quitte la politique urbigène

26 mai 2016 | Edition N°1750

Orbe – Claude Recordon cédera sa place de syndic dès la fin du mois de juin, après un bail de 26 ans. Voici quelques morceaux choisis de cette période riche en challenges pour cette personnalité nord-vaudoise.

Claude Recordon a également été président de la Fédération des hôpitaux vaudois, de la Caisse intercommunale de pensions, ainsi que vice-président des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois. © Carole Alkabes

Claude Recordon a également été président de la Fédération des hôpitaux vaudois, de la Caisse intercommunale de pensions, ainsi que vice-président des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois.

Le syndic d’Orbe Claude Recordon est, à l’image de Garry Kasparov, passé maître dans l’art de placer ses pions. Ce goût pour la stratégie, associé à une vision à long terme et à un important réseau sont, d’ailleurs, les qualités dont il estime avoir pu tirer profit lors de son long passage à la tête de l’Exécutif urbigène. Une expérience, démarrée en 1990, à laquelle il ne se destinait pourtant pas. «Le préfet Daniel Nicole a porté l’estocade», s’amuse le sexagénaire, qui avait préalablement répondu négativement à plusieurs sollicitations, ne s’estimant pas prêt après cinq ans de vie commune avec Orbe.

En fonctions à Nyon, Claude Recordon avait, en effet, saisi l’opportunité de reprendre l’agence urbigène de la Banque Vaudoise de Crédit, après un parcours dans le domaine qui l’avait amené à Londres à l’âge de 19 ans, puis à Lausanne et à Winterthour.

«J’avais 30 ans à mon arrivée à Orbe. J’ai décidé d’y venir car j’ai constaté qu’il y avait beaucoup à faire dans cette commune où je n’étais passé que deux ou trois fois auparavant», explique ce natif de la capitale vaudoise.

Son passé de gymnaste facilite son intégration, lui qui est désigné caissier du comité de la Fête cantonale vaudoise programmée en 1988. «En l’espace de trois mois, j’avais rencontré toutes les personnalités en vue de la localité», commente celui qui est entré au Conseil communal un an après l’événement sportif.

Claude Recordon prend vite connaissance de la rivalité avec le voisin de la plaine de l’Orbe, sur laquelle il porte un regard très critique. «Lorsque je suis arrivé, il y avait 4000 habitants à Orbe et 2000 à Chavornay. C’est comme si les habitants d’une rue de Londres ne parlaient pas à leurs voisins de l’autre côté de la chaussée.»

Des dossiers «chauds»

A peine élu, le syndic voit les dossiers «chauds» se succéder sur son bureau. La nécessité, sujette à controverse, de se doter de nouvelles infrastructures scolaires débouche, finalement, sur la naissance du collège de Montchoisi.

Le refus, en 1992, du peuple suisse d’entrer dans l’Espace économique européen est également une source de tracas majeure. Nestlé, qui risque de voir ses exportations taxées à 19%, menace de partir et mobilise toute l’abnégation et la force de persuasion du syndic de la Cité aux deux poissons. «L’ambassadeur de la Suisse à Bruxelles et le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz sont venus à Orbe. J’ai écrit à tous les conseillers nationaux et aux Etats dans leur langue maternelle pour les sensibiliser à cette problématique», déclare-t-il. Un consensus trouvé dans le cadre de la deuxième phase des bilatérales a permis de régler le problème, laissant libre cours au développement exponentiel du site urbigène de Nestlé.

L’arrivée d’Hilcona à Orbe, l’acquisition de la parcelle Sainte-Claude et, plus récemment, la validation, par le peuple urbigène, du projet Gruvatiez sont parmi les autres sujets de satisfaction du chef de l’Exécutif.

En matière d’échec, l’élu cite le projet de réaménagement de la place du Marché, refusé par par les citoyens urbigènes. Il admet également un manque de communication, peut-être lié à son «formatage bancaire».

A ses débuts, le «métier» de syndic occupait 90% de son temps de travail. Un taux d’occupation qui est progressivement passé à 60% à mesure que sa connaissance des dossiers augmentait.

«Il y a trente ans, les citoyens avaient beaucoup plus de respect pour les autorités. Aujourd’hui, nous sommes volontiers considérés comme des voyoux et des profiteurs», déplore Claude Recordon. Le syndic ne cache pas avoir été «beaucoup agressé à titre personnel», ces dernières années. «Mais je n’ai jamais eu à l’esprit de lâcher avant la fin de la législature, ce n’est pas dans ma mentalité», déclare ce caractériel autoproclamé.

Le sentiment du devoir accompli habite le chef de l’Exécutif au moment de dresser le bilan de son impressionnant mandat: «Je suis très satisfait de l’évolution qu’a connue la ville. J’espère que la Municipalité va continuer dans cette direction». Sa vision idéale pour Orbe dans vingt ans? Une localité de 10 000 habitants, dotée d’un RER avec une cadence à la demi-heure, d’un Centre de traitement et de réadaptation (CTR), d’un EMS et de diverses autres prestations à l’intention de la population.

Le départ du poste de syndic ne va pas de pair avec le retrait de Claude Recordon de toute activité. Hormis son bureau de conseil en entreprise et de gestion, il a placé sur son échiquier la Fondation Saphir, dont il est président, et la Banque Raiffeisen d’Yverdon. Il prévoit aussi de s’investir avec l’Association Avril, qui oeuvre pour des appartements adaptés aux seniors.

Au vu de tout ce qui l’attend, cet homme divorcé et sans enfant, adepte de randonnées et de ski, devra faire appel à tout son talent de stratège pour remplir l’autre objectif qu’il s’est fixé: garder plus de temps pour lui.

Ludovic Pillonel