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Georges-André Carrel a ses racines à Suchy

14 novembre 2013

Volleyball – Quelques jours après avoir pris sa retraite, celui qui incarne l’âme du LUC est revenu à la ferme Carrel, qu’exploitait son grand-père, pour évoquer ses origines nord-vaudoises.

C’est dans la maison villageoise où, enfant, il a passé ses vacances, que Georges-André Carrel a invité le LUC et ses plus grands joueurs pour fêter certains de leurs titres.

Authenticité, humilité, humanité, patience. Ces valeurs, Georges-André Carrel les considère comme fondatrices de l’homme qu’il est et c’est dans la terre de Suchy qu’il les a puisées. En quittant la direction du service des sports de l’Université de Lausanne et de l’EPFL, l’entraîneur de volleyball le plus célèbre du pays a mis un point final au chapitre professionnel du livre de sa vie. A l’heure d’aborder de nouveaux défis, il a accepté de remonter le temps et d’évoquer ses racines nord-vaudoises.

«Voilà, c’est la ferme Carrel. Nous sommes ici au coeur de mes origines», lance celui qui a repris la tête de la première équipe du LUC cette saison, en poussant le portail en fer. Son père a grandi ici et son grand-père, agriculteur, y a travaillé toute sa vie. Le petit Georges-André, lui, venait pour les vacances. «J’allais aux patates, j’ai appris à traire, à tuer les souris et je me levais à 4h30 pour donner un coup de main à mon grand-père Jules, un personnage tout en rondeur et en bonhomie», se souvient-il.

Jouer «à foot»

A la ferme, on ne rigolait pas avec la discipline, mais on s’amusait aussi beaucoup. «C’était l’époque où l’on grandissait dehors, dans la nature, au contact de ce qui est vrai.» Les gamins de Suchy, alors, alternaient parties de «couratte» et inventaient des passe-temps aux règles sur mesure. S’il y avait un ballon, c’était pour jouer «à foot». «Ah, on en a cassé, des vitres !», admet Georges-André Carrel.

C’est plus tard que le futur passeur de l’équipe nationale a découvert le volleyball, alors qu’il était à l’Ecole normale. La discipline le séduit d’entrée, mais il reste quelques temps fidèle au plus commun des ballons ronds, avant que sa nouvelle passion ne le dévore.

Très vite, il se découvre une vocation d’entraîneur et cumule cette casquette avec celle de joueur, au LUC. Car c’est bien la transmission qui a toujours animé Georges-André Carrel. A 16 ans, il sait précisément ce qu’il veut devenir : «enseignant de sport». Sa mère est institutrice et son père, pasteur. Deux professions où les contacts humains occupent une place centrale. Deux influences déterminantes.

Avec une pointe d’émotion, Georges-André Carrel raconte que, comme ses trois frères, il est né à Crest, dans la Drôme. Georges Carrel s’y était établi en 1946, avec son épouse Jacqueline, dans la France de l’immédiat après-Guerre. «Il s’y est senti appelé, glisse son deuxième fils. Il voulait commencer à officier dans un pays en difficulté. C’est fort.» De retour en Suisse, la famille Carrel s’installe à Lausanne, puis à Lucens, le temps pour Georges-André de boucler ses études secondaires à l’Abbatiale de Payerne, «un haut lieu de l’enseignement». C’est ensuite à Bussigny, où son père a officié vingt ans que l’adolescent a «grandi sportivement». Là qu’il est devenu, petit à petit, la personnalité publique que tous les amateurs de sport connaissent.

Des gens extraordinaires

Mais Georges-André Carrel n’a jamais oublié Suchy et il y est souvent revenu, pour voir ses amis -«les Pittet, les Collet, les Girardet»- et sa mère, qui, devenue veuve en 1982, s’est installée dans la maison familiale, jusqu’à son décès en 2012. «Je n’oublierai jamais combien les gens du village ont été extraordinaires avec elle», glisse-t-il, les yeux dans le vague, semblant contempler les images nettes de ses souvenirs.  La ferme Carrel a perdu sa vocation agricole à la retraite du grand-père Jules, mais elle est restée un lieu de vie. Un lieu de fête. «Ma mère nous y réunissait souvent et, avec le LUC, on y a célébré des victoires, des titres. J’ai fait venir tout le monde ici !»

Bien des années plus tôt, c’est aussi à Suchy que Georges-André Carrel a bu son premier verre de rouge. «C’était pendant les vacances, à 9h30, avec du pain et du fromage, lors d’un fameux petit déjeûner-dîner», rigole-t-il. Aujourd’hui, «après le sport», le vin est sa deuxième passion. Un violon d’Ingres que lui a «offert» son père, sans chercher à le faire, lors d’un séjour en Bourgogne. «Nous avons rencontré l’oenologue de la maison Louis Jadot et j’ai trouvé sa manière d’évoquer les vins absolument admirable.» Le travail de la vigne parle au petit-fils d’agriculteur, la notion d’élever un vin à l’enseignant qu’il souhaite devenir, l’éloquence au futur conférencier au verbe affûté.

Aujourd’hui, l’épicurien conserve ses crus dans sa cave, à Suchy. Il présente fièrement une bouteille de Mouton Rotschild 1986, mais précise qu’il n’est pas un snob de la bouteille : avant tout, il aimela diversité que le monde entier a à offrir, dans le vin comme dans la vie en général. «Mon emploi m’a amené à côtoyer des étudiants de toutes les latitudes, ce qui m’a donné le goût de la découverte et de la particularité », dit-il. Il marque une pause. «En sport, c’est pareil.

J’aime la samba du volleyball brésilien, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier aussi la rigueur de l’américain et la puissance physique du russe.»

Fantastique Italie

Du volleyball italien, Georges- André Carrel dit qu’il chante, qu’il est une symphonie : «L’Italie, c’est fantastique. A un jet de pierre d’ici, j’ai un des meilleurs volley du monde, un pays chargé d’histoire, des grands vins et des tagliatelles aux truffes. En quelques jours, je peux y être comblé ! De quoi me donner des idées pour occuper ma retraite.»

L’homme ne risque pas de s’ennuyer. A 65 ans, il demeure l’entraîneur de l’équipe de Ligue nationale A du LUC. Il est fier d’y diriger des joueurs jeunes et formés au club pour la plupart, dont ses deux fils, Julien et Larry. Il projette aussi de publier plusieurs livres, un premier «philosophique», sur le terrain de jeu, la victoire et la défaite, un second plus spécifiquement consacré au volleyball. Il goûtera d’autant plus à sa retraite qu’il l’aborde en bonne santé et qu’il se souvient que son père en a été privé : «Il est parti à quelques jours de l’atteindre, alors que mes parents avaient déjà décidé de revenir dans le Nord vaudois, un projet que ma mère a dû honorer seule.»

Georges-André Carrel est, lui, un homme qui a fait la majeure partie de sa vie autour du Grand Lausanne. C’est à La Conversion, auprès de son épouse Marianne et de ses fils, que son arbre de vie continue de croître comme il l’entend. Car il conserve, dans la terre de Suchy, des racines solides et profondes.

Lionel Pittet