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«Nous suivions la construction du Mur à la radio»

13 novembre 2009

Alfons Reiter en témoin du passé. © Jean-Noël Pazzi

Alfons Reiter en témoin du passé. © Jean-Noël Pazzi

 

Né à l’Ouest du Mur de Berlin, l’Allemand Alfons Reiter vit aujourd’hui à Yverdon. Il a suivi la commémoration de la chute du Mur depuis son petit écran de télévision. Il se souvient de sa construction, de sa chute, tout en rappelant la nécessité de rester fier de son pays.

Lundi 9 novembre 2009. Le monde avait les yeux tournés vers Berlin. De nombreux Suisses ont regardé ces chefs d’Etat traverser la porte de Brandebourg. Né à l’Ouest, l’Allemand Alfons Reiter a suivi la commémoration, chez lui, à Yverdon.

La Région: Qu’avez-vous ressenti en regardant les images de cette ville en fête?

Alfons Reiter: Voir ces dominos tomber était très émouvant. Aujourd’hui encore l’existence de ce mur me révolte. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’avais environ 20 ans. Afin que Berlin reste associée à l’Allemagne, le Gouvernement organisait des visites de la Ville pour les apprentis. Je me souviens du métro, de ses contrôles souterrains et du choc une fois arrivé de l’autre côté. A l’Est, Berlin était une ville morte. Je me souviens aussi d’avoir eu peur d’être arrêté. Après avoir dépensé nos 20 marks est-allemands dans un premier bistrot, nous avons continué à payer nos bières avec des marks de chez nous. Ce qui était évidemment interdit!

Vous avez grandi en Bavière, loin de Berlin. Comment avez-vous vécu ce mur et ses tragédies?

Avec ma famille, nous avons suivi sa construction à la radio. Durant toutes ces années, grâce à ce média, parfois espion, nous avons pu nous réjouir avec ces personnes qui réussissaient à le traverser… ils étaient très ingénieux… mais aussi regretter les morts… On ne s’est jamais habitués à tout ça. Personne ne peut accepter qu’un bout de son pays vive sous la dictature. Ce mur était inacceptable!

Selon un sondage paru dans le journal français Le Monde, 79% des Allemands interrogés déclarent que la chute du Mur a été un événement heureux. 12% (13% à l’Est et 12% à l’Ouest) pensent toutefois qu’il devrait être reconstruit. Ces dernier chiffre vous surprend-il?

Je crois de moins en moins aux sondages. Mais il vrai que pour certains Allemands, vivre à l’Est assurait une certaine sécurité. Tout était planifié. A condition de  ne pas offusquer le régime, vous aviez également la sécurité de l’emploi. Certains s’en rappellent, à l’image de cette jeune Allemande en échange scolaire avec ma fille.

Ou étiez-vous le 9 novembre 1989?

J’étais à Cologne, pour le travail. C’est ma femme qui m’a appris  la nouvelle. J’étais dans la rue. Je n’y croyais pas. La Ville était comme hébétée. J’ai ensuite suivi les événement à la télévision. C’était extraordinaire, incroyable. Derrière l’écran, on sentait que ces Allemands avaient envie d’aller vers la liberté, qu’ils avaient envie d’aller vers autre chose.

«Le mur qui fut la frontière de la liberté est tombé. J’espère que les nations ne seront plus jamais d’accord pour en ériger», avait déclaré L. Walesa le 15 novembre 1989. Lundi, des Palestiniens ont abattu un obstacle en béton construit le long de la barrière de sécurité érigée par Israël en Cisjordanie occupée. Le Mur et sa commémoration sont-ils des vents positifs à travers le monde?

Les hommes sont tellement imbéciles qu’ils construiront toujours des murs. L’être humain est comme ça. C’est le résultat du fossé entre le peuple et les dirigeants.

Membre de la Commission consultative Suisses-immigrés depuis sa création, vous êtes également conseiller communal. Aujourd’hui, vous sentez-vous Allemand ou Suisse?

Je serai toujours un immigré. Je me sens Allemand. Nous devons continuer d’apprendre l’histoire des guerres, du Mur, mais également être fiers de notre pays.

Hélène Isoz