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«Vous avez mis vos boules quiès?»

3 août 2012

Tout semble n’être que bruit et fureur sur le bateau durant le spectacle des feux d’artifice d’Yverdon et Grandson, mais, le spectacle est impeccablement orchestré. Les artificiers de Sugyp préfèrent cependant prévenir: à bord, «c’est la guerre»!

Mise à feu à environ 300 mètres de la plage d’Yverdon. Après la détonation, la fumée!

«Dix secondes pour la huit. Attends…Envoie!» Renaud est concentré sur son chronomètre, afin de respecter à la seconde près le plan de tir préparé par Nicolas Guinand, directeur artistique de Sugyp. Depuis son poste de commandement, à moins de cinq mètres des premières fusées, l’artificier, aidé de sa lampe frontale, active une à une les manettes, regardant partir les pétards, mais n’ayant pas le temps de les voir éclater dans le ciel. La concentration est maximale à bord du bateau mis à disposition par La Poissine pour le 1er août. Bienvenue à bord du «Corcelles», dans les coulisses des feux d’artifice de Grandson.

Après la préparation et la mise en place, rendez-vous est donné à 20h30 à La Poissine pour le départ du bateau. Première surprise, mis à part Manuel, un des artificiers, qui, employé, à plein temps par Sugyp, l’accent majoritaire, facilement reconnaissable, est… français! «Nous venons de Montbéliard pour la journée. Une fois le bateau rangé, vers 1h, nous repartirons pour la Franche-Comté», explique Renaud, qui, comme tous ses compatriotes, travaille le lendemain matin! «Mais je ne suis pas artificier à plein temps, je suis dans les travaux publics. En France, c’est difficile d’en vivre!», continue le Doubien.

Des artificiers français pour le 1er août helvétique? Nicolas Guinand sourit: «Bien sûr! Il faut bien s’entraider! Nos artificiers sont allés en France pour le 14 juillet et nous accueillons les Français pour le 1er août.» Une question de bon sens, puisqu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’avoir les mêmes effectifs toute l’année. Le pic d’activité se situe bien évidemment au mois d’août.

L’orage et les éclairs font craindre le pire

Sur le bateau, on commence à s’activer, l’averse de 20h45 venant perturber les plans. «Allez couvrir les tubes avec des cartons!» Tout le monde s’exécute, craignant notamment la grêle, qui pourrait contraindre le bateau à rester à quai. «De toute manière, en cas d’orage et d’éclairs, on ne sort pas, c’est clair», glisse l’un des artificiers, soucieux. Le ciel, heureusement, va finir par se dégager après avoir fait une très grosse frayeur au personnel employé par Sugyp. «C’est bon, on part!» On contrôle une dernière fois les fils, tout semble en ordre, prêt pour la mise en feu. Celle-ci aura lieu à 22h pile à Grandson, à environ 250 mètres de la plage.

«Vous avez mis vos boules quiès? Parce que là, ça va être la guerre!», prévient, charitable, Renaud, en riant. «Vous allez avoir un joli baptême! Parce que là, croyez-moi, vous êtes au milieu du champ de tir!» Il est vrai qu’il est difficilement concevable de s’approcher plus près. «Mise à feu immédiate!» Pendant douze minutes, pas question de parler avec Renaud ou Manuel, concentrés sur leur sujet, chronomètre à la main et capacité de réaction ultra-rapide. Les pétards partent avec fracas, l’aluminium se déchire et les déchets retombent sur le bateau, où aucun habit synthétique n’est toléré. Veste de pompier et casque (ou casquette à coque) pour tout le monde, de manière à éviter qu’un petit débris enflammé ne vienne brûler un habit. Du feu, on n’aperçoit pas grand-chose depuis le début, même si certaines fusées éclatent au dessus du bateau. «Plus l’inclinaison des fusées est grande, plus l’éventail sera grand. Deux fusées distantes d’un centimètre sur le bateau peuvent éclater à vingt mètres de distance dans le ciel», explique Renaud, une fois le feu de Grandson terminé. Il est temps de mettre le cap sur la plage d’Yverdon, où attendent impatiemment plusieurs milliers de personnes. Quinze minutes plus tard, à peine le feu terminé, tous se précipitent sur le pont pour ranger. La partie la moins drôle.

Ne sont-ils pas frustrés de ne jamais pouvoir suivre un feu depuis le bord? «Non! Notre place, c’est la plus belle. On le fait par passion.»