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La passion dévorante d’un Combier pour l’Alaska

24 juillet 2017 | Edition N°2044

Les Bioux / Alaska – Six mois par an, depuis onze ans, Nicolas Reymond lâche tout et part vivre sa passion de l’Alaska, dans un coin reculé des Etats-Unis.

Les longues balades de Nicolas Reymond lui permettent d’explorer la nature qui l’entoure. ©DR

Les longues balades de Nicolas Reymond lui permettent d’explorer la nature qui l’entoure.

Qui n’a jamais rêvé de couper les ponts, même momentanément, avec la société actuelle ? Le résident des Bioux Nicolas Reymond, 57 ans, est passé de la parole aux actes, puisqu’il part vivre, six mois de l’année depuis onze ans, dans une cabane, dans un endroit retiré de l’Alaska. A 80 km du premier village, à 25 km de la première route, le charpentier de la vallée de Joux a trouvé, dans son coin de paradis, la vie dont il rêvait, gamin, en lisant les récits de Jack London ou de Bernard Clavel sur le grand Nord et les pionniers qui s’y établirent. «En grandissant à la Vallée, on est déjà lié à la nature, reconnaît celui dont le film qui retrace une partie de son aventure sera diffusé dans le cadre du Festival du film alpin des Diablerets (lire ci-dessous). Ça a été un chemin de vie, parce qu’à l’âge d’à peine vingt ans, je suis parti là-bas six mois. Depuis que je suis revenu de ce séjour, il y a maintenant plus de 35 ans, tous les jours j’ai pensé à l’Alaska. C’est parti comme ça.»

 

D’abord dans les livres

 

Parmi les moments exceptionnels qu’il vit en Alaska, Nicolas Reymond apprécie particulièrement les rencontres avec les animaux dont les loups. ©DR

Parmi les moments exceptionnels qu’il vit en Alaska, Nicolas Reymond apprécie particulièrement les rencontres avec les animaux dont les loups.

Lorsqu’on lui demande comment cette passion est née, l’explication n’a rien de rationnel. Il semble que cette région se glisse sous votre peau pour ne plus vous lâcher. «Le Nord, ça vous prend, et vous ne savez pas pourquoi, tente tout de même d’analyser Nicolas Reymond. C’est venu d’un coup, à la suite de lectures de l’époque, de ces livres qui marquent votre jeunesse, comme la série de Bernard Clavel, «Le Royaume du Nord». Une fois que tu es sur place, c’est impressionnant, ça te prend ou ça ne te prend pas. Certains, en rentrant, se disent : «plus jamais», car il y a quand même des moustiques, le froid, plein de choses. D’autres y reviendront toujours.»

 

Un terrain à trouver

 

Les ours noirs, bien présents dans la région, rendent régulièrement visite au Combier, sur son terrain entre lac et montagnes. ©DR

Les ours noirs, bien présents dans la région, rendent régulièrement visite au Combier, sur son terrain entre lac et montagnes.

Nicolas Reymond passera ensuite, une année en Alaska en famille -il a trois enfants-. «C’était extraordinaire, se souvient-il. J’ai même construit une cabane en rondins pour quelqu’un. Mais c’était il y a plus de quinze ans. Je suis ensuite retourné très régulièrement pour essayer de trouver un petit terrain pour m’établir là-bas. Presque vingt ans de recherches pour tout d’un coup tomber sur un coin extraordinaire, près d’un lac. On est allé voir ce lac, un terrain était à vendre, et voilà. J’ai sauté sur l’occasion et c’est ainsi que le projet a débuté, c’était il y a onze ans.» Si l’appel de l’aventure le pousse à partir, les transitions entre les deux modes de vie ne sont pas toujours aisées. Surtout lorsqu’il faut rejoindre la Suisse après six mois dans la nature. «Là-bas je vis sans stress. J’ai parfois l’impression de revenir en enfer quand je rentre, plaisante le Combier. Je dois me mettre un bon coup de pied au cul pour m’y remettre car sinon, les factures s’accumulent et on est vite tout en bas.»

 

Gérer la solitude

 

Devant la tente qui a servi d’abri durant trois mois d’hiver, le chien de Nicolas Reymond admire la clarté du soleil. ©DR

Devant la tente qui a servi d’abri durant trois mois d’hiver, le chien de Nicolas Reymond admire la clarté du soleil.

Entre forêt et toundra, Nicolas Reymond s’est notamment mué en un observateur attentif de la faune et de la flore locale. Les ours passent régulièrement dans le périmètre de sa cabane, parfois attirés par les effluves des poissons que le Combier cuisine. A force, ce dernier a développé des sensations particulières vis-à-vis du plantigrade et des autres animaux de sa région d’adoption. «Ce sont finalement mes seuls copains, image-t-il. A force, on commence à sentir les choses comme eux, on vit avec eux et on souffre avec eux quand les périodes deviennent difficiles. Et lorsque l’on voit que des gens remontent en jet-ski des rivières encore complètement sauvages, on ne peut pas s’empêcher de se faire du souci pour l’avenir de la région et de sa faune.»

Sans contact avec d’autres êtres humains durant de longues périodes, certains rituels aident à combattre la solitude. Des gestes, maintes fois répétés, structurent les journées, offrant autant de points de repères qui préviennent les coups de blues. «On peut très vite plonger dans la mélancolie, voire pire», prévient l’aventurier.

Lors de ses prochains séjours, Nicolas Reymond voudrait partager sa passion. «Cette année, un biologiste et des photographes sont venus. Je veux partager mon endroit avec des gens qui sont concernés par cette nature, qui viennent pour étudier l’ours, ou autre. Parce que le partage, c’est ça qui est génial.»

 

Une tente avant la cabane

Alaska – La construction est aussi une aventure

 

La cabane offre un surplus de confort, même si la tente (premier plan), chauffée avec un fourneau à bois, faisait déjà le bonheur de Nicolas Reymond. ©DR

La cabane offre un surplus de confort, même si la tente (premier plan), chauffée avec un fourneau à bois, faisait déjà le bonheur de Nicolas Reymond.

Nicolas Reymond est charpentier, ou plutôt fustier, si l’on veut se montrer précis. Il construit des cabanes en rondins, c’est son métier. Et ça tombe plutôt bien, car la nature sauvage de l’Alaska offre le matériau nécessaire à profusion pour la construction de telles habitations. Par contre, ce que la nature n’offre pas sur un plateau, c’est l’ingéniosité nécessaire pour mener à bien un chantier efficace dans le grand Nord-ouest des Etats-Unis. Le Combier a notamment -on le découvre dans l’extrait du film disponible en ligne- utilisé le tronc d’un sapin proche du site de construction de sa première cabane, pour le transformer en grue. Malin et diablement efficace.

«Les trois premiers mois, nous les avons passés sous tente avec ma compagne, explique le citoyen des Bioux. En novembre, décembre et janvier, on a campé dans une tente agrémentée d’un fourneau à bois, le temps de mettre en place la première structure de la future cabane en rondins. C’était extraordinaire.»

L’année suivante, Nicolas Reymond est revenu cinq mois en Alaska pour terminer la construction de son premier abri en bois, seul cette fois, juste accompagné de son chien. D’autres cabanes ont vu le jour depuis, dans son petit coin de paradis.

 

Un festival du film reconnu dans toute l’Europe

 

Le Festival international du film alpin des Diablerets (FIFAD), dans le cadre duquel le film «Passion Alaska» sera diffusé, vivra sa 48e édition, du 5 au 12 août prochain. Le programme fera la part belle aux Suisses, mais pas uniquement. On parlera de skieurs freeride («Rancho»), du navigateur Alan Roura, 12e du dernier Vendée Globe («L’aventure au bout du rêve»), et du parcours d’une patrouille d’amies qui se sont lancées le défi de la Patrouille des Glaciers («Encordés»). Mais pas uniquement. Des films français, allemands et américains compléteront le panel proposé.

Un hommage posthume à l’alpiniste Ueli Steck, récemment disparu, sera aussi rendu. Le comité d’organisation, par la voie de son président, le conseiller aux Etats Olivier Français, attend plus de 20 000 personnes sur la semaine que dure le festival.

Informations et programme sur www.fifad.ch.

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Jean-Philippe Pressl-Wenger