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Un recensement aviaire monumental

11 août 2016 | Edition N°1804

Chamblon – Sylvain Antoniazza est le coordinateur romand de l’Atlas des oiseaux nicheurs, un projet colossal dont la partie liée au terrain touche à sa fin. Reportage.

Sylvain Antoniazza en poste pour observer une colonie de cormorans. ©Carole Alkabes

Sylvain Antoniazza en poste pour observer une colonie de cormorans.

A peine est-on sorti d’Yverdon-les-Bains que Sylvain Antoniazza communique les premières lignes de ses connaissances encyclopédiques en ornithologie. Un goéland juvénile en déroute sur la chaussée, à proximité de la Haute école d’ingénierie et de gestion, est le sujet de la préface du reportage. «Ils nichent de plus en plus sur les toits de la ville. Les premiers envols des jeunes sont maladroits», explique- t-il. Ces oiseaux, dont les cris confèrent des ambiances de bord de mer à la Cité thermale, ont mis le cap au nord pour élever leur progéniture en raison de l’augmentation de leur population sur le pourtour méditerranéen, où les décharges à ciel ouvert constituent des garde-manger de choix.

La passion de Sylvain Antoniazza pour la faune ailée ne date pas d’hier et n’est pas le fruit du hasard. Dès sa plus tendre enfance, il aide son père Michel, ornithologue chevronné, lors des campagnes de baguage. A l’adolescence, son adhésion au groupe des jeunes de l’association Nos Oiseaux lui a permis de voler des ses propres ailes tout en élargissant son champ d’action à toute la Suisse romande.

Le jeune homme, aujourd’hui domicilié à Chamblon rejoint l’équipe de la station ornithologique de Sempach en juillet 2012, d’abord à un taux d’occupation de 50%, pour pouvoir réaliser, en parallèle, sa thèse sur la génétique des populations de chouettes effraies à l’Université de Lausanne. Cet engagement ouvre un nouveau chapitre, celui de l’Atlas des oiseaux nicheurs. Un recensement ornithologique colossal réalisé tous les vingt ans sur l’ensemble du territoire suisse, ainsi qu’au Liechtenstein.

Lors de l’édition précédente, Sylvain Antoniazza a accompagné à quelques reprises son père dans le «carré d’Yvonand» -une surface de dix kilomètres de côté, conformément au découpage du territoire effectué dans le cadre de ce projet. Il en est cette fois-ci co-responsable, mais s’est surtout vu attribuer le rôle de coordinateur romand de l’Atlas. Cette tâche, qui l’occupe à mi-temps, consiste essentiellement à coacher les participants, à collecter les données récoltées dans les cantons francophones et à en vérifier l’exactitude en recoupant les informations avec les résultats du passé. «On connaît la plupart des volontaires. Ce sont des personnes fiables. Quelques erreurs ponctuelles ont, tout au plus, dû être corrigées», commente-t-il.

«Quasi tout à l’oreille»

Alors que l’on vient de laisser la voiture non loin de Cheseaux-Noréaz, le spécialiste signale le cri d’un pic vert, invisible sous le couvert forestier jouxtant le champ que nous arpentons. «Quasi tout se fait à l’oreille», précise-t-il.

Les ornithologues, pour la plupart amateurs éclairés, ont pour mission de répertorier les espèces présentes sur la parcelle qui leur est attribuée. Sylvain Antoniazza relève, pour ce faire, l’aide précieuse d’une application qui permet de géolocaliser les oiseaux et d’envoyer ces données sur ornitho.ch, une plateforme en ligne inexistante lors du précédent recensement.

La répétition des passages sur un certain laps de temps -l’ouvrage s’appuie sur la période 2013-2016- est essentielle, chaque année ayant sa propre vérité. La grosse crue du lac de Neuchâtel survenue l’an passé a, par exemple, fortement perturbé la nidification des espèces des marais, dont certaines se sont retranchées dans des étangs périphériques.

Le second objectif des bénévoles participant à la démarche -ils sont plusieurs milliers au total- est de mesurer la densité des représentants de l’avifaune dans leur périmètre d’étude respectif.

Les cormorans en question. ©Carole Alkabes

Les cormorans en question.

L’expert de 33 ans interrompt ses explications pour admirer un vol d’hirondelles rustiques. De magnifiques châtaigniers constituent les derniers remparts avant le but de notre promenade. Le talus en contrebas offre une vue imprenable sur une imposante colonie de cormorans. Des centaines d’oiseaux perchés sur des arbres blanchis par le guano, en bordure des étangs de Champ-Pittet, qu’il n’était pas possible d’admirer il y a deux décennies, et dont l’Atlas fera état.

Hécatombe parmi les espèces communes

Le gros de la période de récolte des données utiles à la réalisation de l’ouvrage se terminera à la fin du mois. Il est prévu de se pencher sur cette masse d’informations l’année prochaine, en faisant le point espèce par espèce -il y en a environ 200 en tout. L’écriture et la traduction de l’Atlas suivront en 2018. La parution du livre est programmée en octobre de cette même année.

Précieux outil de travail pour les ornithologues accessible à un large public, l’Atlas sera aussi une base pour la mise en place de mesures de conservation. De nouvelles espèces nicheuses, comme le pouillot verdâtre et la grande aigrette, ont été répertoriées. D’autres -la piegrièche à tête rousse et le bruant ortolan- ont disparu de la carte. Sylvain Antoniazza met en évidence le net recul, particulièrement préoccupant, des espèces communes, majoritairement liées au milieu agricole. L’alouette des champs a, ainsi, vu son effectif diminuer de moitié.

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Ludovic Pillonel