L’association L’Orbe Vivante a fait le bilan hier de 32 ans d’activités menées pour protéger et régénérer l’Orbe, sa faune, sa flore, tout son écosystème.
L’Orbe vit une année bénie grâce aux précipitations de ces derniers mois. De quoi requinquer cette rivière qui ne demande qu’à être choyée. C’est cette mission que s’est octroyée L’association L’Orbe Vivante, au chevet du cours d’eau depuis maintenant 32 ans.
Plusieurs membres se sont réunis hier aux Clées, à l’auberge de la Croix Blanche, à seulement quelques dizaines de mètres de l’Orbe. L’occasion pour ces amoureux de la nature et de l’écosystème unique que constitue la rivière de se rappeler les défis passés et ceux à venir.
Car il faut du boulot pour maintenir cet écosystème fragile et hétérogène, qui s’étend sur 62 kilomètres – auxquels s’ajoutent les 18 kilomètres de la Thièle, qui débute à la confluence du Talent et de l’Orbe –, du lac des Rousses en France voisine, jusqu’au lac de Neuchâtel.
L’un des grands combats de l’association consiste à surveiller les débits de la rivière. « La problématique des débits résiduels est notre défi majeur, souligne Christian Lambercy, coprésident. L’enjeu est d’avoir des débits assez grands pour favoriser la survie des poissons. C’est un long combat pour avoir des concessions sur les débits de l’Orbe dans son ensemble. » Car les débits de la rivière varient sans cesse le long du bassin versant, en fonction des précipitations et des activités humaines, car de nombreux barrages jalonnent le parcours du cours d’eau. Ils constituent ainsi autant d’obstacles pour les poissons, notamment lorsqu’ils remontent pour frayer. Les marnages – des différences de débit rapides – issus des usines hydroélectriques restent souvent trop importants pour les poissons qui peuvent s’y retrouver piégés. A ce titre, l’usine de Montcherand est encore pointée du doigt par l’association.
Lors des différents combats, l’appui de certains organismes comme le WWF ou Pro Natura a permis de faire pencher la balance en faveur de la santé de l’Orbe.
Une santé globale qui se calcule surtout grâce à sa biomasse, la somme des individus qui peuplent cet écosystème. «On constate malheureusement qu’il y a de moins en moins d’individus par espèce » , regrettent les membres de L’Orbe Vivante. L’association, comme le Canton, qui surveille de près l’état de la rivière, effectue ainsi des analyses des invertébrés de l’Orbe pour définir la qualité générale de la rivière. «Les espèces sensibles en ce moment sont les éphémères, les plécoptères et les trichoptères » , appuie le coprésident.
Un autre souci majeur est lié aux effets du dérèglement climatique. Les épisodes de chaleur ont un impact sur les débits et amènent des crues plus subites et mortelles pour la faune. « Aussi, la température de l’eau est en hausse constante, surtout en aval. On a relevé 25 degrés à Orbe ou 28 au lac de Neuchâtel, ce qui est très élevé. Or, la truite a besoin d’une eau oxygénée et fraîche», signale Christian Lambercy. « Les eaux chaudes provoquent plus facilement des maladies, des faiblesses ou la prolifération de champignons mortels, comme le saprolégniose, chez les poissons » , ajoute Claude Jaccard, membre de l’association.
Parmi les défis à venir, l’association surveille de près la modernisation de la Step d’Orbe. Celle-ci sera en effet équipée pour traiter les micropolluants, ce qui réjouit les protecteurs de la rivière. « Nous rencontrerons bientôt la Municipalité de Ballaigues pour discuter de leur projet de modernisation de leur Step » , précise encore le coprésident.
Cela faisait un moment que l’association L’Orbe Vivante n’avait pas fait le point sur ses activités, le Covid ayant ralenti ses opérations de sensibilisation et d’exposition. Elle revient toutefois en force pour ses 32 ans, notamment avec un site internet flambant neuf. « Le site se veut didactique, car peu de gens connaissent le fonctionnement d’une rivière finalement. Il a aussi pour but de recruter de nouveaux membres ayant à cœur de protéger la vie de ce lieu unique » , appuie le coprésident. Car en 32 ans, les rangs se sont un peu éclaircis. L’enjeu pour l’association est donc de recruter du sang neuf prêt à défendre une rivière à l’écosystème unique qui accueille, avec ses invertébrés et poissons, une multitude de plantes et d’animaux, dont des salamandres tachetées, des grenouilles, des hérons, des libellules et quelques castors, entre autres espèces.
Née d’un désastre
L’association L’Orbe Vivante a été créée en février 1992, à la suite de la vidange désastreuse du barrage du Day. Cette vidange soudaine a libéré une quantité colossale de sédiments, déchets, limons fins et graviers. «C’était un véritable torrent de boue», se souvient Pierre-Philippe Blanc, membre de l’association. Cette vague de déchets mortels pour la faune a provoqué un sursaut parmi la population, qui s’est assemblée pour former l’association et nettoyer la rivière. « Ils ont sous-estimé de vingt fois la quantité de matériaux retenus par le barrage, remarque Christian Lambercy. Une énorme quantité de déchets a également été retrouvée dans le lac du Miroir (ndlr : le lac de retenue du barrage du Day) comme des roues de rouleaux compresseurs, des moteurs ou de vieux fourneaux.» L’association attend maintenant avec inquiétude la prochaine vidange. Les normes actuelles devraient néanmoins éviter qu’une telle catastrophe ne se répète. Sans compter que, désormais, les vannes de fond du barrage sont ouvertes une fois tous les ans pour évacuer les sédiments.