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Dans l’assiette des champions de la région

11 janvier 2019 | Edition N°2412

Les sportifs de haut niveau ont appris à se nourrir, afin d’optimiser leurs performances. Sans oublier de se faire plaisir, parfois. Les athlètes régionaux livrent leur vision dans un domaine primordial à leur réussite.

Savoir manger. Pour le quidam — Epicure, m’as-tu vu? —, la ripaille c’est une affaire de plaisir, celui de la table. Pour le sportif accompli, celui de haut niveau, la nourriture est indissociable à la performance. Ce qu’il ingurgite matin, midi et soir, c’est sa benzine corporelle, l’essence qui permet de faire vivre son corps, l’huile du moteur. Si ce qu’il mange agrémente ses succès, c’est surtout ce qu’il ne mange pas qui définit l’Über Athlet. «Je crois qu’aujourd’hui, l’alimentation influence pratiquement tous les processus de notre organisme, avant, pendant et après des efforts physiques. Tout le monde reconnaît son importance, les sportifs de haut niveau en particulier», explique le Docteur Gérald Gremion, médecin chef du Swiss Olympic Medical Center (SOMC).

Choisir avec soin sa nourriture est une tendance qui se développe massivement et que les athlètes régionaux incorporent dans leur planning, bon gré mal gré. Justement, se privent-ils pour autant? Ou sont-ils passés au sans gluten et sans viande, à la Novak Djokovic? Sylvain Fridelance est à l’image de nombreux sportifs de haut niveau, il prône l’autorégulation, la connaissance de soi: «Il faut savoir écouter son corps. C’est une question d’équilibre.» Si le triathlète du Tryverdon, champion de Suisse élite 2018, a fait recours à un nutritionniste, c’était avant tout pour se rassurer, pour étayer ses croyances, apprises par expérience. «Par exemple, j’ai connu des problèmes de crampes. Mon but était de soigner leurs effets récalcitrants, en période de compétition notamment. Le reste de l’année, je sais manger équilibré, c’est quelque chose qui a toujours été un précepte dans notre famille, c’est ainsi que nous avons été éduqués. Mais je sais également me faire plaisir.»

Une habitude, pas un sacrifice

Mais alors, quid des sacrifices, dans tout ça? Elodie Jakob, athlète de l’USY et multiple championne de Suisse d’heptathlon: «Ce n’en sont pas. Toute l’année, on fait déjà pas mal de sacrifices au niveau des sorties, des festivités, de l’alcool et tout cela. Donc bien manger, c’est finalement logique. Je n’ai pas fait appel à des nutritionnistes, mais du fait de mon emploi dans un fitness, j’apprends tous les jours les avantages et inconvénients de tel ou tel aliment. Par exemple, j’essaie d’éviter certains produits, laitiers notamment, afin de diminuer le risque de tendinite.»

Gare au marketing

A quel point l’alimentation impacte-t-elle les performances? Pour Steeve Louissaint, basketteur yverdonnois passionné de nutrition, «bien manger, ce n’est pas seulement être bien dans son sport et dans ses performances, mais c’est se sentir bien dans sa peau, dans son quotidien, à chaque moment de la journée! Si on mange correctement, on se sent en forme tout le temps. Je privilégie fruits et légumes, c’est un peu bateau, mais c’est ce qui me convient».

Il existe néanmoins un élément qui turlupine l’ancien meneur de l’équipe de Suisse, également personal trainer: ce sont les pratiques des grands groupes, pas toujours irréprochables: «Aujourd’hui, le marketing est très pernicieux en matière de nutrition. Certains produits, qu’on nous balance à grands coups de publicités, sont présentés comme sains et propices aux régimes et à la perte de poids, alors que, de facto, ils sont de véritables nids de sucre. C’est assez grave. Et c’est ce qui cause de l’obésité, certainement. Cela étant, il est bien de se faire plaisir. Pour moi, s’alimenter, c’est 85% de normalité et 15% de plaisir. Il faut savoir s’amuser!»

Remplacer les maths par des cours de nutrition

De là à prôner une meilleure éducation, dès le plus jeune âge: «Ce ne serait pas une mauvaise idée de remplacer une période de cours, les maths, l’histoire ou le français, je n’en sais rien, par un cours de nutrition et d’alimentation», lance Steeve Louissaint. Elodie Jakob abonde: «Ma maman, sans être sportive de haut niveau, a toujours su m’expliquer ce qui était bon ou pas, mais surtout, elle constate que les aliments ont terriblement changé. Les vitamines diminuent, les sucres augmentent. Aujourd’hui, on doit faire beaucoup plus attention qu’à l’époque.»

Loïc Gasch, natif de Sainte-Croix et qui saute 2m26 dans sa discipline, dit avoir beaucoup appris quant à la réaction de son corps à certains aliments: «Ce qui m’a moins plu chez les nutritionnistes, c’est le ton un peu paternaliste. Le ne mange pas ci, évite cela. A mon sens, il faut savoir varier, manger de tout, mais de manière raisonnable. Hors saison, je me permets quelques extras, mais dès que la compétition guette, quelques mois auparavant, je coupe toutes les sucreries et autres éléments néfastes.  Je fais vraiment attention, autrement je le ressens et mon explosivité diminue.»

A YS, une marge de 4 kilos

Florian Gudit, capitaine d’Yverdon Sport, enchaîne, tout en relativisant: «Par rapport à Loïc, je suis un amateur! Et honnêtement, je ne suis pas forcément un exemple en la matière. Avant la trêve, toute l’équipe a passé sur la balance. A la reprise, si l’on excède de quatre kilos notre poids de la fin d’automne, on ne peut pas reprendre avec le groupe. Quatre kilos, ça laisse de la marge, mais il faut quand même faire attention. A noter que pendant le championnat, je suis vigilant, tout en m’autorisant un excès le week-end, pour décompresser. Le foot, c’est différent de l’athlétisme. On peut compenser avec de la grinta ou un engagement total. Au saut en hauteur, tout se joue en quelques secondes.»

Sylvain Fridelance, qui cumule 30 à 35 heures d’entraînement par semaine, avoue devoir manger comme un ogre pour compenser ses dépenses d’énergie. «Si un copain me propose un McDo, je ne vais pas refuser. Mais je n’irai pas systématiquement, on ne peut pas exagérer. Ceci dit, avec notre rythme d’entraînement, un repas traditionnel au restaurant, ce n’est pas suffisant, il nous faut plus. Raison pour laquelle on préfère les buffets…»

Quel que soit le sport pratiqué, quelles que soient leurs motivations, les athlètes de pointe savent écouter leur corps, tout en appréciant les biens de ce monde. Savoir manger, c’est savoir s’écouter.

Sacha Clément