Ancien directeur des EHNV et de la Fondation Saphir, André Allmendinger a livré récemment son sentiment sur la concentration du pouvoir en matière de santé publique.
On ne sait pas si les oreilles de la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz, en charge du social et de la santé, ont sifflé, dernièrement, à l’heure de la cérémonie de départ d’André Allmendinger, ancien directeur des Établissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV), puis de la Fondation Saphir. Mais l’homme qui a vécu et conduit les fusions successives des hôpitaux du Nord vaudois, et participé très activement à la construction du réseau de santé, a profité de cette dernière apparition officielle, à Treycovagnes, pour plaider en faveur de l’indépendance régionale en matière de gestion de la santé.
Serait-ce l’air du Valais, où il passe désormais une partie de son temps – deux de ses fils y sont établis et le troisième s’est installé au Tessin –, et l’esprit frondeur des gens du Vieux-Pays qui ont déteint sur André Allemendinger? Une chose est sûre, l’homme, qui a largement contribué à faire du réseau santé du Nord vaudois ce qu’il est, a mis à profit la cérémonie officielle organisée en son honneur, à la Salle du Pétrole, pour rompre une lance en faveur de ce qu’il appelle «le génie régional».
En effet, en présence des représentants des autorités et des institutions qu’il a contribué à faire grandir, André Allmendinger n’a pas caché que la tâche consistant à apporter des prestations de proximité, que ce soit dans le cadre hospitalier ou parahospitalier, n’a pas toujours été facile. «Tout ne doit pas venir de Lausanne. Il faut que la région prenne des décisions pour la région», a-t-il notamment déclaré.
Et d’ajouter: «Il faut de l’autonomie et de la proximité. Il est important que la région dispose d’un pouvoir de décision. Le parapublic constitue un bon exemple. On peut être des entrepreneurs, des créateurs. Or il y a de plus en plus de contrôles. Certains devraient être abandonnés.»
L’homme sait de quoi il parle. Il a vécu la fusion de l’Hôpital d’Yverdon et de celui de Chamblon, pour donner naissance au CHYC, puis a conduit le processus de fusion des Établissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV). «Avec un coup de pouce (pied) de l’Etat», a-t-il précisé pour imager le vœu de «PYM Premier», entendez l’ancien conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard, dont l’un des soucis était de «ne pas faire de vagues».
Et celui qui a observé sur le terrain cette fusion du CHYC avec Saint-Loup et la Vallée ne peut cacher que des vagues, il y a en eu. Du côté de la vallée de Joux, c’est même un véritable tsunami qui a été déclenché. Mais Lausanne n’en a ressenti que quelques répliques, la Vallée formant un bassin géologique bien fermé…
Selon l’ancien directeur, cette fusion a aussi été «un beau challenge, épuisant par moments». Car il a non seulement fallu mettre la structure en place, mais surtout créer une nouvelle culture d’entreprise. Plus qu’ailleurs, une bonne ambiance de travail est indispensable dans le domaine des soins.
L’énergie déployée pour assurer la fusion hospitalière, dans un climat parfois – politiquement – hostile, puis l’ancrer dans le temps, a sans doute contribué à le convaincre de partir à la Fondation Mont-Riant, créée par Patrice et Marianne Lévy, pour la faire grandir avec l’appellation Saphir. «C’est un pôle de prestations, plus qu’un pôle d’hébergement», a précisé André Allmendinger
En revenant brièvement sur son parcours – trente années aux EHNV et dix à la Fondation Saphir –, l’ancien directeur a relevé l’importance du travail en équipe. Un domaine où il s’est révélé être un excellent animateur, selon les témoignages de son successeur Luis Villa, directeur de la Fondation Saphir, et d’Yves Kühne, directeur du Réseau santé Nord Broye (RSNB).
André Allmendinger, comptable à l’ancien hôpital des Quatre-Marronniers, a non seulement participé à la création du réseau, il en a aussi été l’un des principaux moteurs au cours des quarante années consacrées à la santé et au social.
Proche du jubilaire, Luis Villa, directeur de la Fondation Saphir, a retracé les grandes étapes de sa carrière, celle d’un homme qu’il a pratiquement suivi à la trace, puisqu’ils ont tous deux une formation de base financière et qu’ils ont collaboré durant 19 ans dans le domaine hospitalier, puis à Saphir, une institution qui regroupe 21 structures, et accueille 800 résidents, dont s’occupent 650 collaborateurs. En bref, une vraie entreprise multi-sites.
Auparavant, André Allmendinger s’est occupé des finances de l’hôpital, en est devenu sous directeur en 1992, puis directeur en 1995 (EHNV), succédant à André Groux, récemment décédé à 91 ans. Luis Villa a, à sa manière, décrit la méthode à succès de son aîné: «Une dictature participative.» Précisant qu’il avait toujours été «respectueux des gens et de ce qui avait été fait avant lui».
André Allmendinger n’est pas un homme qui s’accroche. Il avait anticipé son départ dès 2018. Et son successeur d’ajouter: «Il était important pour lui que la relève se prépare à l’interne et de transmettre le témoin dans la sérénité et la confiance.»
Yves Kühne, directeur du RSNB, a pour sa part mis en évidence le rôle de «mentor et de promoteur de jeunes talents» joué par André Allmendinger. Il a aussi salué «sa vision générale», soulignant qu’il avait été un précurseur du réseau, «qui mettait systématiquement en avant le travail en équipe».