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A la découverte des secrets du bridge

22 février 2012

Démodé, le bridge, et réservé à une certaine catégorie de la population? Non! Tour d’horizon d’un monde méconnu, entre anecdotes, éclats de rire et techniques secrètes, à l’occasion du tournoi organisé à Yverdon le week-end dernier.

Tino Iacona (avec l’écharpe) et son partenaire Gilbert Creste: concentration et réflexion pour cette équipe nord-vaudoise!

Réquisitionné pour l’occasion, le restaurant de la Plage d’Yverdon recevait, le week-end dernier, des bridgeurs de toute la Suisse, auxquels s’étaient joints quelques frontaliers. Jeu couramment pratiqué il y a quelques décennies encore, le mot «bridge» a aujourd’hui plutôt tendance à renvoyer à l’image de ladies et gentlemen d’un certain âge, réunis autour d’une tasse de thé pour jouer aux cartes par une fin d’après-midi pluvieuse. Mais qu’en est-il vraiment? Tour d’horizon en six lettres…

B…ienvenue chez les initiés

«Salut Cédric, ça va?» A chaque changement d’adversaires, les gens se saluent et échangent quelques mots. Il faut dire que la grande majorité d’entre eux se connaissent, ces «mordus» sillonnant souvent la Suisse, et parfois même le monde, au rythme des tournois.

Ici, pas de place pour les débutants, une bonne maîtrise du jeu est de rigueur. Une femme se plaint pourtant à sa partenaire de leurs adversaires précédents: «Ces gens qui se trompent dans leurs enchères, c’est dangereux. A cause de ça, tu risques de te prendre un zéro sans le voir venir. On voit bien que ça fait trop peu de temps qu’ils jouent, il faut qu’ils continuent à se perfectionner en club!» Bienvenue chez les initiés…

R…éflexion et expérience

Il faut dire que le bridge n’est pas à prendre à la légère. «Jouer correctement demande passablement de temps, souligne Fernando Piedra, considéré par ses pairs comme l’un des meilleurs joueurs de Suisse. Il faut parvenir à envisager toutes les possibilités, estimer les diverses probabilités pour chaque donne. Cela demande beaucoup de réflexion, mais l’expérience aide, pour peu que l’on apprenne de ses erreurs passées.»

Même réponse du côté du Zurichois Viktor Chubukov, joueur de l’équipe nationale: «On ne peut pas apprendre les règles à des amis en visite pour pouvoir faire quelques parties avec eux, il faut s’initier petit à petit, acquérir une certaine logique, une façon de penser. Pour cela, une seule solution: enchaîner les parties.»

I…ntergénérationnel

Et plus on commence jeune, mieux c’est. Ainsi, à l’instar de ces familles de sportifs où plusieurs membres pratiquent la même discipline, les bridgeurs ont tendance à transmettre le «virus» à leur entourage proche.

«Cela fait plus de soixante ans que nous jouons, confient Arlette Mundler et Michel Pelichet, partenaires depuis quelques années. Avant nous, nos parents étaient déjà des adeptes et nous avons transmis notre passion à nos enfants respectifs, bien qu’ils se soient par la suite tournés vers d’autres occupations.»Et ceux pour qui le jeu n’est pas une histoire de famille, alors? «Personnellement, j’ai découvert le bridge à l’université, grâce à un ami, explique Viktor Chubukov. Mais il est aussi facile de trouver des informations sur internet, et même de jouer en ligne.»

D…émodé?

Mais cette présence respectable sur la toile ne fait pas tout: «Les jeunes d’aujourd’hui voient indéniablement le bridge comme le loisir qui occupe leurs grands-parents, regrette Cédric Thompson, vice-président de la Fédération suisse de la discipline. Pourtant, c’est un excellent moyen de rencontrer des gens, de développer sa logique et d’entraîner sa mémoire!» Viktor Chubukov affirme cependant que son amour pour le bridge suscite habituellement de l’intérêt et de l’admiration parmi ses connaissances: «Mes amis sont généralement impressionnés quand je leur parle de mon hobby, même si j’ai bien évidemment droit à quelques commentaires sur son côté «vieillot» de temps à autre. Il ne faut cependant pas se voiler la face: la relève est de moins en moins importante. Mais bon, tant qu’il y en a, rien n’est perdu!»

G…éographiquement illimité

Et dans un monde où les échanges interculturels prennent de plus en plus d’importance, le bridge a des avantages non négligeables: «C’est un très bon moyen de rencontrer des gens, puisqu’il y a des clubs aux quatre coins de la planète. De plus, les règles sont pratiquement universelles et il est possible d’y jouer sans parler; la langue ne représente pas un obstacle», argumente Cédric Thompson. Toutefois, l’environnement dans lequel le jeu est pratiqué peut passablement varier, entraînant des situations pour le moins… exotiques. Ainsi, lors d’un tournoi à Marrakech, le vice-président de la FSB s’est retrouvé à jouer au bridge assis sur un tapis, en plein air, avant d’être invité au banquet du gouverneur pour la soirée. Rien que ça!

E…sprit d’équipe

Dernier point fort, le développement de la pensée collective. «Pour gagner, il est capital d’avoir l’esprit d’équipe et de parvenir à régler les conflits», précise Viktor Chubukov. Les pires duos, selon lui? «Les couples mariés! Il y a fréquemment des disputes au sein des binômes, mais plus les personnes sont proches, pire c’est! Il faut pourtant sans cesse se mettre à la place de son partenaire, anticiper ce qu’il pourrait faire afin de lui faciliter la vie, et ceci est évidemment plus simple lorsqu’on le connaît bien!» Une bonne raison d’apprendre à gérer ses émotions et cesser de penser individuellement. Alors, des motivés?

Muriel Aubert