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Améliorations foncières:  lacunes et absence de stratégie
Valérie Schwaar a également parlé de potentiels conflits d’intérêt: «C’est un petit monde, avec des gens qui ont plusieurs casquettes.» Désormais, les collaborateurs et collaboratrices doivent signer des déclarations d’absence d’intérêt. dr-cour des comptes

Améliorations foncières: lacunes et absence de stratégie

21 novembre 2024 | Texte: Jérôme Christen
Edition N°3836

Le canton de Vaud dépense chaque année dix millions de francs de soutien aux communes et aux exploitations agricoles pour améliorer les infrastructures, telles que les murs de vigne, les étables et les chemins. Un audit de la Cour des comptes pointe l’absence de stratégie. Les principes du développement durable ne sont pas appliqués et les exigences posées ne sont pas vérifiées. Une meilleure surveillance permettrait d’économiser plusieurs centaines de milliers de francs.

«Cet audit sur les améliorations foncières est le premier consacré à un soutien cantonal à l’agriculture. Il nous est paru pertinent de nous interroger sur sa mise en œuvre » a relevé mercredi Valérie Schwaar, présidente du la Cour des comptes.

Les enjeux financiers ne sont pas négligeables et ces subventions sont cruciales pour moderniser l’appareil de production agricole, soit principalement des étables, des places de lavage et des fosses à purin. Selon la Cour des comptes, un franc investi par l’Etat engendre trois francs dans l’économie locale, en particulier le secteur de la construction.

Depuis 2010, année lors de laquelle a été instauré ce soutien, 193 millions de francs ont été engagés. L’audit a porté sur la période 2019-2023, durant laquelle quelque 54 millions ont été dépensés pour soutenir 430 projets. Le Conseil d’Etat demandera l’année prochaine un nouveau crédit-cadre de 30 millions pour la période 2026-2029.

La Direction générale de l’agriculture et la viticulture (DGAV) est responsable de l’octroi, la gestion et la surveillance de ces subventions. Elle instruit les dossiers de demandes des collectivités publiques, alors que pour les exploitants agricoles, la tâche a été déléguée à l’Office du crédit agricole (OCA), filiale de l’association professionnelle Prométerre.

Attribution de subventions inadaptées

Point positif, les demandes sont traitées avec diligence et rapidité, mais la Cour des comptes pointe d’importantes failles dans les processus. Sur les requêtes de subventionnement examinées par les auditeurs, un tiers d’entre elles présentaient des lacunes, avec pour conséquence des attributions inadaptées. Ce qui, selon Yves Steiner, chef du mandat d’audit, aboutit au principe du «premier arrivé, premier servi » qui prétérite d’autres demandes d’exploitants agricoles plus pertintentes.

Un examen de 19 étables construites entre 2019 et 2021 avec 3,9 millions de subventions démontre que trois d’entre elles ne respectaient pas ce qui était prévu plus de deux ans après la fin des chantiers.  Il est également question d’étables surdimensionnées. Cette mauvaise utilisation de l’argent public se chiffre en plusieurs centaines de milliers de francs.

Développement durable oublié

Valérie Schwaar a également insisté sur l’absence de prise en compte complète du développement durable dans les critères d’octroi des subventions. La convention de prestation entre l’Etat de Vaud et l’Office du crédit agricole ne reflète cette exigence qu’en partie, alors que cette notion devrait constituer un levier d’aide. «C’est le moment que ce principe soit pleinement respectée alors qu’il est une priorité du Conseil d’Etat  depuis trente ans» a-t-elle ironisé.

Marchés publics, le caillou dans la chaussure

La loi sur les marchés publics est décidément un caillou dans la chaussure de nombreuses communes.  La Cour salue la décision de la DGAV, à la suite de à son audit, de réduire une subvention de plusieurs dizaines de milliers de francs sur un projet communal en cours de travaux (seuil dépassé et saucissonnage sur un marché de services). Elle ajoute que les subventions à des projets  entachés de non-conformités à la loi sur les marchés publics devraient être systématiquement refusées.

En matière de protection de la nature et du paysage, la division Biodiversité et Paysage se voit également épinglée: «Elle impose des conditions aux porteurs d’un projet AF, mais ne réalise pas un suivi de la mise en œuvre.»

La Cour des comptes pointe du doigt également l’absence de stratégie, comme l’ont établie les cantons de Berne et Fribourg, ainsi que la Confédération. Valérie Schwaar relève avec satisfaction que le Conseil d’Etat, par la voix de sa ministre de l’agriculture Valérie Dittli, s’est engagé à en établir une et à la présenter simultanément au prochain crédit-cadre demandé au Parlement vaudois dans un an.

Critiques admises

Les entités concernées ont accepté toutes les recommandations. Elles devraient les avoir mises en œuvre d’ici à fin 2025. Le Conseil d’Etat dit, lui aussi, en prendre acte et considérer l’audit «comme une opportunité d’amélioration continue des processus de gestion des améliorations foncières».