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Amours sismiques
Florence Marville, auteure du Nord vaudois, avait été lauréate du concours d’écriture des Éditions Encres Fraîches l’an dernier. Photo: Michel Duperrex

Amours sismiques

7 janvier 2025 | TEXTE : MÉRIBÉ ESTERMANN
Edition N°3864

Avec Amours sismiques, qui sort le 9 janvier prochain, Florence Marville nous emmène dans l’intimité du Japon des années 90. Un vernissage aura lieu le 31 janvier à 18h30 à la librairie Payot d’Yverdon.

Passionnée par le Japon, Florence Marville a fait des études de langue japonaise en Suisse, avant de s’installer sur le sol nippon. D’abord étudiante dans une université tokyoïte, puis traductrice, c’est de retour en terre helvétique qu’elle dévoile son premier roman, aux Editions Favre.

Florence Marville, que raconte votre roman?

Amours sismiques nous emmène dans le Japon des années 90, loin du Japon actuel qui est souvent connu sous un angle touristique. Les lectrices et lecteurs se retrouveront au beau milieu d’un couple franco-japonais, elle, française, lui, japonais. L’héroïne, Emeline, ayant épousé l’aîné de la fratrie, doit cohabiter avec sa belle-famille.

Et cette cohabitation va mal se passer?

Oui, car sa belle-mère ne peut accepter le fait que son fils est marié à une étrangère. Tout au long du roman, Emeline porte sa couleur de peau, qui la discrédite dès le départ et creuse un fossé. Elle met au monde une fille, mais là aussi, sa belle-mère va l’accaparer pour la modeler à sa guise. Son mari, lui, est pris dans des loyautés familiales et la pression maternelle trop forte l’empêche de soutenir sa femme. Le contexte complique les choses, car au Japon, en cas de divorce, la garde partagée n’existe pas. Emeline risque donc de tout perdre.

Vous dites que la garde partagée n’existe pas au Japon?

Oui, et à cet égard, il faut signaler qu’heureusement, cette année a été votée une loi qui entrera en vigueur d’ici 2026, et qui permettra la garde partagée. Jusqu’ici, c’est l’autorité parentale exclusive qui prévalait, et bien souvent, cela aboutissait à une rupture totale; de nombreux parents ne revoyaient plus jamais leur enfant.

Et comment votre héroïne va-t-elle pouvoir surmonter les épreuves?

Emeline a une amie très proche, Sarah, expatriée comme elle. Les jeunes femmes vont unir leurs forces, et c’est grâce à ce soutien qu’Emeline va affronter les épreuves sur sa route.

L’amitié féminine est donc l’un des thèmes de votre roman?

Oui, il y tient une grande place. Mais il y a un autre thème que je considère comme majeur: c’est celui de la résilience, car Emeline n’abandonne jamais. D’autres aspects de mon livre abordent les incompréhensions, le poids culturel et le carcan social de la société japonaise qui est très codifiée. J’aborde aussi des thèmes universels, comme la communication défaillante, les problèmes professionnels, et bien heureusement aussi des thématiques plus joyeuses, telles que l’euphorie des rencontres amoureuses, l’amour maternel, et surtout, la passion pour le Japon !

Que ressentez-vous pour ce pays dans lequel vous avez vécu?

J’y suis très attachée, malgré les défis qu’il présente. J’ai vécu notamment à Tokyo, et c’est principalement là que se situe mon roman. Cette mégalopole colorée aux multiples facettes a été un vrai coup de foudre. J’ai voulu retranscrire son ambiance, mais aussi les particularités de ses divers quartiers.

Quel a été le processus d’écriture?

Je pars toujours du réel. Là, en l’occurrence, il s’agit d’une histoire inspirée en partie de mon vécu, et en partie du vécu de femmes non japonaises que j’ai côtoyées, et qui ont relevé le défi d’un mariage mixte. Ce roman est aussi une forme d’hommage à toutes ces femmes, car certaines d’entre elles ne s’en sont pas bien sorties.

A-t-il été difficile d’écrire ce roman?

Ce roman m’a permis de me replonger dans le Japon, et en tant que tel, c’était une démarche passionnelle. Le plus difficile a été de trouver le temps nécessaire pour m’y consacrer, car une fois le processus d’écriture amorcé, j’aime pouvoir m’y vouer complètement. Lorsque j’écris, ce sont d’abord des passages de quelques lignes, des scènes très courtes qui peuvent se situer n’importe où dans le roman. Il n’y a pas de chronologie. Puis une fois que ces passages «coups de cœur» sont écrits, je tisse l’histoire autour.

Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire?

Pour les 40 premières pages, j’ai mis cinq ans! Je n’écrivais que deux ou trois fois par an. Autant dire rien! Mais après avoir été lauréate d’une nouvelle en 2023, j’ai décidé de reprendre ce roman que j’avais ébauché. Et là, je l’ai terminé en cinq mois.

Comment vous sentez-vous à l’heure de la publication?

Beaucoup d’excitation, et l’espoir que ce roman sera bien accueilli. Désormais, il ne m’appartient plus et va faire son propre chemin. Et pour ce qui est de la date de publication, elle m’émeut particulièrement, car elle intervient trente ans presque jour pour jour après le tremblement de terre de Kobe du 17 janvier 1995, alors que je vivais au Japon. En l’écrivant, je n’ai pu m’empêcher de penser aux 6000 victimes qu’il a faites.

Cela doit être impressionnant de tenir dans ses mains son premier roman…

Oui, j’ai le sentiment de quelque chose de magique. Et j’ai à cœur de partager cet exemple de résilience d’une femme qui mène les combats de l’amour, car ce sont des combats universels, où chacune et chacun de nous peut se retrouver.