Anatomie d’une rencontre

L’Échandole accueille un spectacle bien particulier ce soir et la semaine prochaine: S’entretenir. Un projet interactif et immersif en duo, à la frontière entre le jeu, l’expérience sociologique et l’œuvre d’art.

Un spectacle sans acteur. Une performance sans public. C’est un projet bien particulier qui se prépare en ce moment à l’Échandole. Imaginé par Delphine Abrecht, avec l’aide de son acolyte Marion Chabloz, le projet S’entretenir propose de questionner ce qui fait une rencontre et cherche à faire de ce moment, de cette collision entre deux êtres humains, une œuvre à part entière. «Moi, je dis que c’est une performance immersive en duo», énonce Delphine Abrecht.

Rencontres, mode d’emploi

Ainsi, une vingtaine de participants par soirée seront invités à devenir les acteurs/spectateurs de ce projet au moyen de quatorze dispositifs installés à travers l’Échandole. «Il s’agit de rencontres en autonomie, explique la créatrice. Au début, on présente le jeu, puis les participants se mettent en groupes de deux et partent dans divers lieux, vers un des différents dispositifs. À la fin, il y a un petit débriefing où chacun peut partager son expérience.»

Les dispositifs mis en place présentent des marches à suivre originales que les participants sont libres de suivre pour nourrir leur rencontre avec l’inconnu, les duos étant formés au hasard, ou plutôt, «au destin», comme l’expliquent les organisatrices.

«Chaque dispositif a un angle, poursuit Marion Chabloz. Parfois, ils font appel aux sentiments, ou la rencontre peut se faire sans parole.» Par exemple, un de ces jeux propose aux participants de faire une balade à travers la ville en silence en étant attentif au rythme de son binôme. Un autre invite à présenter diverses parties de son corps en racontant le vécu ou les anecdotes qui s’y rattachent. «Une rencontre peut intimider, ce qui est normal. Je suis moi-même un peu timide. Mais les marches à suivre sont là pour guider les interactions», ajoute Delphine Abrecht.

À préciser qu’il ne s’agit pas de rencontres amoureuses, même si des amitiés se sont déjà formées par le passé grâce à cette expérience. «On aime voir ce genre de petits miracles, voir des gens se rencontrer et garder le contact alors qu’ils ne se seraient jamais salués dans la rue.»

Une expérience sociologique

Cela fait depuis 2023 que ce projet atypique tourne à divers endroits du canton et au-delà. Les soirées à venir, à commencer par celle de ce soir, seront les premières en terres yverdonnoises. Un projet qui fait écho aux divers travaux menés par sa conceptrice, Delphine Abrecht: «Je travaille depuis longtemps dans le monde du spectacle. J’ai aussi œuvré pendant cinq ans sur une thèse à l’Université de Lausanne sur le rapport aux spectateurs du théâtre franco-suisse. J’ai créé ce projet parce que je suis un peu comme une grand-maman. J’aime voir les gens se rencontrer en autonomie. Tout ce que nous faisons, c’est donner un cadre, puis nous laissons infuser.» Ainsi, les actrices deviennent spectatrices, et les participants les acteurs du moment. «Les gens sont invités à sortir de leur zone de confort. La gêne ou les silences font partie de l’expérience. Le but n’est pas de tomber amoureux ou de devenir ami avec son interlocuteur, mais de voir la rencontre comme une expérience qui laisse des souvenirs.»

Jusqu’à présent, le concept semble séduire, avec des soirées souvent bien remplies. Il faut dire que le spectacle a l’avantage d’être évolutif. «De nouveaux dispositifs et marches à suivre sont sans cesse créés et imaginés par des personnes très diverses, des artistes ou autres», explique Delphine Abrecht. Et de conclure: «L’ambition serait que le concept continue de tourner en touchant le plus de monde possible.»

Infos pratiques

S’entretenir, par la Compagnie Dab, Delphine Abrecht & Friends

Jeudis 8 + 15 mai et vendredi 16 mai, 19h à l’Échandole. Dès 14 ans.

Plus d’infos: echandole.ch