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Andi Ukmata: «J’assume tout. Mais je veux expliquer ce qui s’est passé.»
Andi Ukmata contenu par Dilan Qela, quelques secondes après son penalty raté. ©Champi

Andi Ukmata: «J’assume tout. Mais je veux expliquer ce qui s’est passé.»

21 septembre 2021

Trois jours après la défaite du FC Bavois face à Brühl (1-3), c’est dans un café lausannois que l’on retrouve Andi Ukmata mardi en fin de matinée. L’attaquant a vécu une première période chahutée samedi, se retrouvant mêlé à deux altercations successives avec son coéquipier Adrian Alvarez, puis le président Jean-Michel Viquerat, avant d’être sorti à la pause. La Région avait relaté le double incident et l’avant-centre nous a donné sa version des faits, calmement, sans rien cacher, mais en précisant d’où est venue sa colère. «J’assume tout. Mes paroles et mes actes. Je ne me suis jamais caché dans la vie. Mais je veux expliquer ce qui s’est passé.»

Alors, que s’est-il passé? «J’ai dégoupillé samedi, c’est vrai. Tout le monde l’a vu. Mais ma colère n’est pas venue de nulle part. J’aurais aimé que vous veniez me demander ce qui a provoqué mon état avant de publier votre article. Ce ne sont pas des situations faciles à vivre. Ma famille a lu l’article et a été touchée. Ca, j’ai de la peine à l’accepter. Qu’on dise que je ne suis pas décisif, pas de souci, c’est une critique liée au football. Mais là, on a parlé de mon comportement, de mon éducation. Mes valeurs ont été touchées et il s’agit de la raison pour laquelle j’ai réagi sur le terrain», explique Andi Ukmata, qui voit dans cette histoire l’occasion, peut-être, de franchir encore une étape dans une carrière qui ne l’a d’ailleurs pas épargné en coups durs jusque-là, avant sa dernière demi-saison très réussie.

«J’ai déjà vécu des épreuves et celle-ci en est une de plus. Ce que je veux que vous sachiez, et ce que je veux dire à vos lecteurs, c’est que vous n’avez pas tout entendu. Vous avez raconté ce que vous avez vu ou entendu, ou cru entendre, mais vous n’avez pas entendu ce qui s’est passé dix minutes avant, quand Adrian Alvarez me prend à parti quand je fais une simple remarque à notre défenseur central Kristijan Ivanov, pour lui demander de plus jouer au football, de jouer moins long. Je ne parlais pas de lui, je faisais une simple remarque à mon coéquipier. Et puis, vient le penalty. Oui, je voulais le tirer. Je suis attaquant, je suis légitime. Comme vous l’avez écrit, nous étions trois à pouvoir tirer, dont moi. On se parle lui et moi, ça reste poli, il veut tirer, moi aussi. Ca dure un peu. Et puis, l’arbitre nous dit de nous décider. J’avais le ballon dans les mains depuis le début. Là, je le pousse légèrement, vous l’avez vu, pour qu’il s’éloigne du point de penalty. Et là s’est passé quelque chose que je ne peux pas accepter. »

Quoi exactement? «Il m’a insulté lourdement à ce moment-là, en souhaitant que je rate le penalty. Il ne m’a pas mis dans les bonnes conditions psychologiques, loin de là. J’ai raté le penalty et il m’a dit que c’était bien fait. Là, j’ai dégoupillé. Vous pouvez me juger là-dessus, chacun aura son opinion, mais c’est important pour moi que les gens sachent que ma colère ne vient pas de nulle part. Moi, je suis un attaquant collectif, je ne mise pas tout sur les statistiques. Je veux que l’équipe gagne, que le but vienne de Begzadic, d’Alvarez ou d’Ukmata. Ca m’a miné. Oui, après, il s’est passé ce qui s’est passé. Je l’ai insulté, oui. On s’est insultés. Oui, j’ai voulu aller en découdre avec lui, sur le terrain. Et je vais même vous dire, alors que je ne devrais peut-être pas le dire, mais j’ai voulu me battre avec lui dans les vestiaires. On a atteint un point de non-retour.»

Des paroles fortes, prononcées avec calme, qu’Andi Ukmata voulait voir retranscrites. Il le sait aussi, l’image qui restera pour le public présent est celle de sa colère dirigée envers un Adrian Alvarez très calme. Lui, Andi Ukmata, a été retenu par Dilan Qela. Qui sait alors ce qui aurait pu se passer? «C’est vrai, j’étais énervé. De nouveau, je ne vais pas le nier. Je sais que ce n’est pas beau ce qui s’est passé. Un joueur de Bavois a dit que c’était la honte, vous l’avez écrit dans votre article. Oui, c’est la honte. Mais ce n’est pas Andi Ukmata qui a dégoupillé tout seul, sans raison. Je n’aime pas l’injustice et je ne vais pas me taire si quelque chose me semble injuste.»

N’aurait-il au fond pas été plus simple de laisser ce penalty à Adrian Alvarez, joueur emblématique du FC Bavois? Le problème aurait été résolu très simplement. «Mais ça n’aurait pas été moi. J’étais légitime à tirer ce penalty. Je suis conscient qu’Adrian Alvarez est quelqu’un d’important au FC Bavois et je respecte ça. J’ai aussi eu ce statut à Bulle. Mais vous savez, j’ai donné une interview à votre journal quand je suis arrivé, j’ai dit qu’un attaquant qui arrivait dans une équipe devait faire un pas vers elle, mais qu’elle aussi devait faire un pas vers lui. Ce penalty aurait été un pas vers moi.»

La situation d’Andi Ukmata reflète, en creux, la difficulté pour un avant-centre de s’intégrer au collectif bavoisan. Depuis Qendrim Makshana, beaucoup ont tenté, aucun n’a réussi. Et il y a eu de sacrées pointures, de Luis Pimenta à Andelko Savic en passant par Astor Kilezi et Alessandro Ciarrocchi. «Je ne peux assumer que mes paroles, je ne parle pas des autres. Moi, je peux jouer avec tout le monde, mais peut-être, oui, que ce n’est pas inintéressant de se poser la question pourquoi il est difficile pour un avant-centre de marquer ici», s’interroge le Lausannois, qui attend sereinement de retourner à l’entraînement et d’avoir une franche discussion avec son président, avec son directeur sportif et le reste du groupe.

«On va s’expliquer, je l’espère. Est-ce que le club va prendre des sanctions contre moi, y compris extrêmes, je n’en sais rien. J’assumerai tout. Mais je veux qu’on discute sur la base de ce qui s’est vraiment passé.» Et avec Jean-Michel Viquerat, alors? «J’ai effectivement dit qu’il prenait parti pour Alvarez, comme vous l’avez relaté. Mais vous n’avez pas écrit ce qu’il m’a dit, qu’Alvarez était le tireur des penalties parce que c’était le titulaire. J’ai répondu: Ah bon c’est toi qui décides ?»

En entrant en conflit avec Adrian Alvarez et Jean-Michel Viquerat, Andi Ukmata s’attend à ce que les prochains jours soient compliqués pour lui. «Je suis seul dans ce combat. Mais au moins aujourd’hui vos lecteurs ont ma version.»

Tim Guillemin