Avec Sauvages, la stop motion suisse est en marche
15 octobre 2024 | Textes: Meribé Estermann | Photo: Michel DuperrexEdition N°3809
Sauvages, le second long métrage du réalisateur de Ma vie de Courgette, sort en salle ce mercredi 16 octobre. Retour sur ce film très attendu avec Elie Chapuis, animateur de stop motion.
Elie Chapuis, que pouvez-vous nous dire sur le côté politique du film?
Bornéo est donc une île partagée entre l’Indonésie, la Malaisie et Brunei. La situation là-bas est extrêmement tendue, entre le gouvernement maqué avec les compagnies forestières d’un côté, et les Penans qui défendent leurs droits de l’autre. Le but de la déforestation est de faire de la place pour la culture intensive d’huile de palme, qui est très rentable à produire.
Qu’est-ce qui a inspiré Claude Barras à faire un film sur la situation à Bornéo?
Claude a été très marqué dans son enfance par Bruno Manser, un écologiste suisse très impliqué dans la défense de la forêt de Bornéo. Claude vient également d’une famille de paysans des montagnes valaisannes, il est donc sensible aux thèmes touchant à la destruction de la nature. Ensuite, pendant qu’il réalisait Ma vie de Courgette, Claude a lu un article qui prédisait l’extinction des orang-outang dix ans plus tard. C’est là qu’il s’est dit qu’il ferait un film sur le sujet.
Et vous en tant qu’animateur, à quel moment intervenez-vous?
En général, un animateur intervient à la toute fin, quand tout est construit, que les marionnettes et les décors existent. Il se trouve que sur Courgette et les autres projets de Claude, j’interviens assez tôt dans le processus pour fabriquer des prototypes. L’idée est d’essayer de trouver des marionnettes qui soient le plus expressives possible, en même temps facilement manipulables, et pas trop compliquées à construire et à maintenir pour l’équipe de construction.
Comment arrive-t-on dans le milieu de l’animation stop motion?
Personnellement, j’ai toujours voulu faire ça, dès l’adolescence. J’ai fait des petits films d’animation dans le grenier de mes parents avec de la pâte à modeler, des jouets, des décors que je fabriquais. J’ai ensuite rencontré des gens qui faisaient de l’animation en Suisse, pas forcément de la stop motion, car presque personne n’en faisait à l’époque. J’ai ensuite fait une école d’animation plus générale, car il n’y a presque pas de formation spécifique pour la stop motion. J’ai fait cette école en sachant que j’étais un des moins bons en dessin, mais que je ne le faisais pas pour ça. Puis j’ai réalisé un petit film de fin d’études en stop motion, qui m’a permis de trouver mes premiers jobs et de créer un super réseau très international, grâce auquel j’ai pu travailler sur des films comme Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson.
Quel était le plus gros challenge sur l’animation de Sauvages?
Je dirais qu’un des défis était la présence des animaux. Ces derniers ont vraiment un rôle clé dans le film; une panthère mal animée, alors qu’elle est censée être majestueuse, ça ne passe pas. Il y avait une grosse pression de ce côté-là. Sinon il y avait le challenge de tous les films en stop motion, c’est-à-dire de réussir à transmettre de l’émotion et de faire oublier qu’il s’agit de marionnettes.
Vous dites avoir adoré travaillé sur Sauvages. Pourquoi cela?
Parfois quand il y a une certaine pression pour finir un film, il peut y avoir des tensions qui se créent, surtout entre les producteurs et les artistes. Sur ce film, ces tensions ont été évitées et des liens très forts ont même été créés. C’était une grande chance, surtout avec les enjeux et la pression de ce deuxième film très attendu.
Finalement, diriez-vous que Sauvages est à la hauteur de Ma vie de Courgette?
Ce sont des films tellement différents que je trouve dur de les comparer. En tout cas, les nombreux écueils qu’il y avait sur la route de ce film ont pu être évités. Ce qui fait la force des films de Claude, leur grande honnêteté et simplicité, est présent. Je dirais en tout cas que Sauvages est à la hauteur des paris qu’il a posés, et ce largement.