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Avec une juriste à la tête du Conseil communal, les débats vont filer droit
Yverdon, 21 août 2020. Natacha Ribeaud Eddahbi. © Michel Duperrex

Avec une juriste à la tête du Conseil communal, les débats vont filer droit

3 septembre 2020 | Edition N°2780

Yverdon-les-Bains – Natacha Ribeaud Eddahbi a repris la présidence de l’organe délibérant cet été. Ce soir, elle mènera sa première séance en plénum. Mais qui est la première citoyenne de la ville?

«Il va falloir vous tenir à carreau avec elle!» La mise en garde des parents de Natacha Ribeaud Eddahbi, première citoyenne d’Yverdon-les-Bains, aurait pu paraître sérieuse si les deux Jurassiens n’avaient pas lâché cette phrase entre de grands sourires et une succession de blagues.

Pourtant, il se pourrait bien qu’il y ait un fond de vérité dans cette plaisanterie. «Je peux être assez directive, c’est vrai. Par contre, je ne vais pas empêcher les gens de parler parce que je pense qu’on peut tout dire si on y met les formes. Et c’est ce  à quoi je vais veiller durant les débats.» Comme ça, la messe est dite. Les élus qui se réuniront ce soir pour la première séance sous sa direction sont avertis.

Du Jura au barreau genevois

Si Natacha Ribeaud Eddahbi aime que «ça file droit», c’est justement parce qu’elle vient d’un domaine où l’on suit les règles de très près: le droit.

Après une enfance à Coeuve (JU), elle est partie à l’Université de Fribourg pour suivre un cursus juridique. La Greco-Jurassienne s’est ensuite envolée pour l’Allemagne, puis pour l’Angleterre. De retour, elle a décidé de passer son brevet d’avocate à Genève et, ainsi, de subtilement se rapprocher des institutions internationales. Cette proximité lui a permis d’ouvrir les yeux: «En discutant avec une amie qui travaillait au CICR, je me suis demandé si c’était vraiment dans ce genre d’endroit que je voulais mettre en œuvre mes valeurs. Car pour moi, il y avait trop de discussions et pas assez d’action», explique Natacha Ribeaud Eddahbi.

Puis, une petite inconnue s’est invitée dans l’équation du choix de sa carrière: un bébé. Enceinte de sa première fille, l’avocate a finalement décidé de s’engager en tant que juriste à l’état de Vaud, à 50%, en 2009. Serait-ce un petit regret pour la féministe engagée qu’elle est devenue? «Non, pas du tout. Je crois sincèrement que rien n’arrive par hasard. Je n’ai jamais eu un but précis, par contre j’ai besoin de faire plusieurs choses, de toucher à tout… Je crois que je suis un peu hyperactive.»

Avec ce caractère volcanique, il y avait peu de chances que le rythme de fonctionnaire lui convienne longtemps. Et ce qui devait arriver arriva: «J’ai commencé à m’ennuyer», avoue-t-elle. Il fallait donc trouver de quoi diversifier ses activités. Elle s’est donc d’abord dirigée vers la magistrature, portant durant deux ans la robe de juge assesseur au Tribunal des baux à Yverdon-les-Bains. Et, dans le cadre de son travail à l’état, elle s’est formée en logistique et en gestion de projets. Deux atouts qui lui ont permis de mener la révision de plusieurs lois dans le domaine de l’appui à la formation.

Cette expérience a levé le voile sur une toute nouvelle dimension. «à l’université, j’avais une vision idéaliste du droit jusqu’à ce que je le pratique. En tant qu’avocate, j’ai voulu défendre la veuve et l’orphelin, mais j’ai réalisé que le plus souvent, on finit par aider l’autre partie et, surtout, nos moyens d’action sont vite limités par le cadre légal. Quand je suis devenue juriste, je pensais qu’on faisait les lois. Mais en réalité, on doit surtout suivre le politique», rigole-t-elle. C’est ainsi que la Jurassienne est tombée dans la politique (lire encadré).

Du Code civil à la danse africaine

Parler de la première citoyenne d’Yverdon-les-Bains uniquement à travers son parcours professionnel et politique serait omettre un pan important de sa nature: la joie de vivre. Car cet aspect de sa personnalité se décline de façon insoupçonnée dans son quotidien.

Imaginez-vous une avocate en train de s’éclater sur des danses africaines: eh bien c’est aussi ça Natacha Ribeaud Eddahbi. Loin des clichés, elle cache derrière son titre de responsable juridique une femme pétillante aux multiples facettes. «On me dit souvent que je suis une personne complètement différente hors du cadre professionnel. Typiquement, je suis hyper organisée au travail, mais bordélique à la maison», admet-elle en rigolant.

Pour déceler le véritable brin de folie chez la socialiste, il faut néanmoins creuser un peu plus loin. Au-delà de son dévouement à sa famille et à son activité de nordic propulsing, on découvre qu’elle s’éloigne passablement de la rigidité du droit dans ses loisirs. Son dada: les soins énergétiques. Elle pratique le reiki et la lithothérapie, deux domaines dans lesquels elle a suivi des formations. «Ce n’est que pour mes proches», précise-t-elle. Ce qui explique pourquoi on l’aperçoit souvent avec des pierres autour du cou, et particulièrement celle de l’orateur, la calcédoine. «J’en ai toute une carrière à la maison!», finit-elle par lâcher, comme on révèle un péché mignon.

«Je suis vivante et je ne m’en cache pas!»

Et son côté jurassien dans tout ça, l’a-t-elle renié? Car à l’écouter, il est impossible d’entendre un accent. Pourtant, Natacha Ribeaud Eddahbi a gardé des racines bien ancrées, et on ne parle pas seulement d’une bouteille de Damassine à disposition dans son bar. «Yverdon-les-Bains, c’est ma ville de coeur. J’ai choisi de m’y établir en 2010 parce que je retrouvais un aspect terrien qui me manquait depuis mon départ du Jura. C’est une ville à taille humaine avec un côté populaire qui me rappelle mon canton», renchérit-elle. épicurienne dans l’âme, ce sont les petits bonheurs du quotidien qui lui donnent de la force. «J’ai besoin de mes batailles de câlins avec mes filles, de mon café chez Gerber & Wyss avant une journée au bureau électoral, d’un verre de vin rouge avec mon mari après une longue semaine et parfois d’apéros improvisés avec des amis. Je suis vivante et je ne m’en cache pas», lance-t-elle d’un ton déterminé. Par contre, elle sait où sont ses racines et la source de sa motivation: «Je suis issue d’une famille modeste. Mes parents n’ont jamais fait l’université et j’ai toujours travaillé à côté de mes études, ce qui a forgé et consolidé ma détermination et ma conviction de me mettre au service des autres.»


À 79% socialiste

Après avoir réalisé l’importance de la politique dans la conception des lois, Natacha Ribeaud Eddahbi a vite rejoint les rangs du parti à la rose. «Au détour d’un repas avec mon collègue Giancarlo Valceschini (ndlr: l’actuel directeur général de l’enseignement obligatoire), il m’a dit qu’il cherchait du monde au sein du groupe socialiste yverdonnois, se souvient Natacha Ribeaud Eddahbi. Il n’a pas eu besoin de me vendre la chose puisque j’étais déjà convaincue que la politique avait un énorme impact sur le droit.»

Après un test en ligne pour confirmer le choix de son parti, elle s’est résignée à suivre son ami. «Je crois que j’étais à 79% socialiste!», sourit-elle. Puis, Giancarlo Valceschini l’a rapidement mise au charbon. Entrée en 2013 au Conseil communal de la Cité thermale par liste complémentaire, elle a rapidement été envoyée dans une commission, avant d’être nommée 1er membre à la suivante. «On ne peut pas dire que Giancarlo m’ait prise sous son aile, il était plutôt du genre à me pousser à me dépasser en me sortant de ma zone de confort!» D’ailleurs un an plus tard, soit en 2014, elle l’a remplacé en tant que chef de groupe.

La Municipalité comme objectif?

Finalement, Natacha Ribeaud Eddahbi a tenté sa chance à l’Exécutif aux élections de 2016, arrivant juste derrière les deux municipaux socialistes actuels, Jean-Claude Ruchet et Pierre Dessemontet. Se prépare-t-elle aujourd’hui à entrer dans la danse pour les prochaines élections? «Il n’y a pas d’incompatibilité avec ma fonction de présidente du Conseil, mais pour l’heure,  j’ai déjà choisi mon engagement pour cette année. Je voulais devenir la première citoyenne pour aller à la rencontre des gens et être au service de ma ville.»

Christelle Maillard