Belle découverte!
21 février 2025 | Textes: Maude Benoit | Photos: Michel DuperrexEdition N°3897
De rares décors peints ont été mis au jour sur la façade de l’ancienne cure du village. Un trésor patrimoniale à conserver absolument.
Qui aurait pu se douter que derrière un lierre touffu se cachaient de magnifiques décors peints sur la façade de l’ancienne cure de Giez? C’est la belle surprise qu’à découverte la famille Charmey, propriétaire des lieux.
Ayant acheté le manoir et l’ancienne cure de Giez il y a bientôt trois ans, ces passionnés d’art et d’histoire se sont donné la mission de réhabiliter les lieux, de manière à faire perdurer ce patrimoine dans le temps. «Nous avons acheté cette maison pour que notre retraite soit occupée», explique Christiane Charmey en riant. Avec une telle demeure, leurs journées sont bien remplies. Et c’est en s’attaquant aux travaux de la façade que le trésor a été mis au jour.
Hypothèses en volutes
Les spécialistes en restauration d’art et en crépis ont d’abord effectué des sondages sur toute la façade. Après étude, ils se sont rendu compte que la peinture murale était en fait constituée d’une superposition de différentes phases de décors peints et d’enduits. Ils dénombrent ainsi au moins quatre phases. Si l’ancienne cure semble dater du XVe siècle, les décors peints, eux, paraissent plus tardifs.
Les décors sont peints sur une couche de badigeon à la chaux et viennent rehausser le style des encadrements en présentant des volutes, des pilastres et des frontons, entre autres. La limite gauche de la façade est marquée par une chaîne d’angle de couleur ocre jaune et brun. Au terme des différentes études, tous les rapports sont unanimes: ils recommandent vivement la conservation et la restauration des enduits anciens et des décors peints.
Pas là par hasard
Il fut un temps, cette façade était directement visible par les paroissiens qui, venant des Tuileries, se rendaient à la messe donnée dans l’église à droite de l’ancienne cure. En effet, l’église de Giez a servi d’église paroissiale pour les habitants de Grandson jusqu’en 1438, puisque l’église Saint-Jean-Baptiste abritait à ce moment-là un prieuré de bénédictins.
La découverte d’un ancien chemin par la famille Charmey, dans le jardin, concorde avec cette information et peut être interprétée comme étant la voie d’accès à l’église depuis les Tuileries. Il semble que l’un des propriétaires, Sir Kinloch, un lord d’origine écossaise, avait échangé ce chemin contre le tracé actuel afin d’éviter qu’on ne passe sur sa propriété au XVIIIe siècle.
La peinture murale prend alors tout son sens. Visible depuis le chemin, elle servait certainement à mettre en avant le prestige des habitants de la maison, qu’ils soient clercs ou propriétaires privés en fonction de la date de ces décors.
Un patrimoine à protéger
Quand la famille Charmey, avec l’aide de la famille Duvoisin habitant non loin de là, a entrepris de dégager cette façade sur ce côté-là de l’ancienne cure, elle a constaté l’existence de cette peinture murale et en a informé le Canton de Vaud. En effet, comme ces bâtiments sont recensés en note 2 et sont inscrits a l’inventaire, ce genre de révélation doit être remontée au secteur monuments et sites du Canton. «C’est rare de faire des découvertes aussi anciennes et bien protégées grâce à la végétation antérieure, explique Bertrand Clavel, conservateur cantonal en charge du secteur nord-ouest vaudois. Le prochain défi sera donc de trouver un moyen de restaurer et de conserver ce témoignage.»
La première réunion de chantier devrait avoir lieu au début du mois de mars. Maçons, tailleurs de pierre, restaurateurs d’art, peintres en bâtiment et menuisiers vont unir leurs forces pour effectuer le travail de restauration en faisant la plupart de l’ouvrage à la main et sans techniques abrasives. Pour ce travail, ils ne pourront même pas utiliser de scotch!
Une famille sensible à l’héritage du passé
Christiane Charmey, née Duvoisin, est une enfant de Giez. Après avoir vécu près de 40 ans du côté de Morges, ils ont, avec son mari, racheté le Manoir. L’ancienne cure, elle, est propriété de leur fille. Tous attentifs à l’entretien du patrimoine, ils se sont engagés à rénover, réhabiliter et restaurer les espaces en fonction des besoins des lieux. Mais ce ne sont pas que les vieilles pierres qui les intéressent, mais également ce qu’elles ont à dire. Ainsi, quand Christiane Charmey a du temps, elle aime mener l’enquête pour en apprendre plus sur l’histoire de la cure et du manoir, et n’hésite pas à se rendre aux Archives cantonales vaudoises.
Les cures vaudoises
Les pas de tous les Vaudois les ont déjà menés vers ces édifices cossus, aux volets rayés et souvent dans l’ombre des églises : les cures. Les cures, ou presbytères, sont les demeures des ecclésiastiques, catholiques ou protestants, chargés de la conduite d’une paroisse, comme le renseigne le Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). Si des édifices sont érigés dès le XVe siècle, dans le Nord vaudois, la plupart des cures ont été érigées entre le XVIIe et le XIXe siècle, selon les informations transmises par la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP).
Et les cures ont encore de beaux jours devant elles. Patrimoine cantonal, ces demeures posent souvent des questions d’exploitation et de préservation. Un travail qui incombe au Canton de Vaud, puisqu’il en est le propriétaire. Dès lors, la DGIP explique que «la gestion et l’entretien de ces bâtiments relèvent de leurs obligations, afin de préserver leur valeur patrimoniale tout en assurant leur occupation». Le Canton a d’ailleurs récemment annoncé l’achèvement de la rénovation de cinq cures sur le territoire vaudois, à savoir Bière, Dommartin, Romainmôtier, Rougemont et Vufflens-le-Château.
Si la cure de Romainmôtier est un édifice de première importance étant classée avec la note 1 aux Monuments historiques, elle n’est pas la seule cure érigée dans le Nord vaudois. Il en compte actuellement 25. En voici la liste exhaustive :
Agiez, Ballaigues, Baulmes, Champagne, Champvent, Chavornay, Chêne-Paquier, Concise, Donneloye, Grandson, Gressy, L’Abbaye, Le Lieu, Le Sentier, Lignerolle, Montagny-Yverdon, Orbe, Pomy, Provence, Rances, Romainmôtier, Sainte-Croix, Vallorbe, Vaulion et Yvonand.
Sur ces 25 édifices, huit sont occupés par des ministres de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), deux sont vacantes, en attente du déménagement d’un ministre et quinze sont louées à des tiers. Orbe et Baulmes bénéficient également d’un classement au titre de monument historique (note 1 au recensement architectural), indiquant un objet d’intérêt national. La grande majorité des autres cures (note 2) sont inscrites à l’Inventaire cantonal pour leur intérêt régional, tandis que deux d’entre elles (Champagne et Le Sentier) sont recensées en note 3, signalant une importance au niveau communal, comme l’indique la DGIP.