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Boulanger de la région devant les juges

26 août 2014

Un artisan est accusé de contrainte sexuelle à l’encontre de celle qui était son amie. Le procureur encourage le Tribunal à ne pas retenir cette infraction.

Le procès, dont le jugement n’est pas encore connu, a eu lieu hier.

Le procès, dont le jugement n’est pas encore connu, a eu lieu hier.

«Une affaire délicate, avec beaucoup d’enjeux d’ordre psychique.» Ce commentaire, formulé par le procureur au début de son réquisitoire, pose bien le contexte du procès qui a eu lieu, hier à Yverdon-les-Bains, devant le Tribunal correctionnel du Nord vaudois.

Sur le banc des accusés, un artisan de la région passible d’une condamnation pour plusieurs infractions, la plus grave étant celle de contrainte sexuelle, pour un rapport anal que sa partenaire n’aurait pas consenti.

Face à lui, son ex-amie, une plaignante également accusée de voies de fait, diffamation et injure contre le commerçant. Deux membres d’un couple révolu en désaccord dans leur interprétation des faits examinés, et dont les différents acteurs du procès ont dressé un portrait antagoniste

Décrite comme fragile psychologiquement, l’ancienne amie du boulanger, suivie depuis des années, a, selon les déclarations de sa médecin de famille lors de l’audience, «un parcours de vie assez dramatique». Une détresse qui a incité cette dernière à lui réserver un traitement particulier.

«Je lui apporte un soutien très fréquent. Nous sommes souvent en contact par téléphone ou par WhatsApp», a-t-elle déclaré, garantissant que ces échanges restaient purement professionnels.

Selon la représentante du corps médical, les antécédents de sa patiente en relation avec le sexe opposé -elle aurait subi des attouchements dans son enfance puis, en 2004, par un collègue- expliquent son attitude lors du rapport sexuel de décembre 2010. «Elle a été placée en situation de victime dans son existence. De ce fait, elle va subir plutôt que de pouvoir contrer son abuseur», a relevé sa médecin de famille. Ce contexte expliquerait le fait de ne pas avoir manifesté verbalement son désaccord lors du moment fatidique.

«Je l’ai vue dix jours après l’acte. Elle était effondrée, humiliée et en pleurs. Pour moi, elle a clairement été violentée ce jour-là», a commenté la témoin.

Cet événement, que la plaignante a évoqué prise de sanglots, hier au Tribunal, fait l’objet d’une toute autre interprétation de la part de l’accusé. «Je ne l’ai aucunement contrainte. Je n’ai d’ailleurs jamais contraint qui que ce soit. J’ai vécu vingt ans avec une femme, dix ans avec une autre, et je n’ai jamais eu de problème», a-t-il déclaré.

Dans sa plaidoirie, l’avocat de la plaignante a, pour sa part, particulièrement insisté sur la pression psychologique exercée par cet ami de l’époque : «Une personne dominante, pervertie par la pornographie, qui est un avilissement de la sexualité de la femme», et exerçant une violence verbale et psychologique à son encontre. Un homme avec lequel elle aurait été contrainte de rester après les faits en raison de la précarité de sa situation.

 

«Un commerçant respecté»

L’avocate du boulanger a, quant à elle, parlé de son client comme d’«un commerçant respectable et respecté» qui, prenant conscience des implications d’avoir une femme et son enfant sous son toit, lui aurait demandé de partir. La poursuite de leur relation a débouché sur deux altercations synonymes d’infractions présumées, l’une en mai 2011, l’autre en août de la même année, aussi examinées dans le procès. «La séparation a eu lieu en automne 2011, puis la plainte a été déposée. Pourquoi avoir attendu neuf mois ?», s’interroge l’avocate. Elle reste également perplexe devant les mots d’amour adressés à l’ex-ami à l’occasion de la Saint-Valentin, soit deux mois après le rapport prétendument non consenti. Devant l’absence d’éléments objectifs et subjectifs liés à ces faits, elle a demandé l’acquittement de son client et le versement d’une indemnité de 8000 francs de la part de son ancienne compagne.

Le procureur a clairement pris le parti de la défense, refusant de voir la plaignante soumise à un climat de terreur. Il a, d’autre part, souligné que les faits survenus par la suite montrent sa capacité à se défendre. Selon lui, le rapport «n’était peut-être pas voulu mais toléré». Il a aussi mis en doute le témoignage de la médecin, la décrivant comme une amie proche de la victime présumée. Le Tribunal va-t-il le suivre dans sa demande d’abandonner l’accusation de contrainte sexuelle ? Verdict ces prochains jours.

Ludovic Pillonel