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Ce canard qui menace l’écosystème

30 juin 2017 | Edition N°2028

Nord vaudois – Oiseau d’ornement apprécié sous nos latitudes, le tadorne casarca pose de graves problèmes une fois dans la nature. Sa présence sur le lac de Neuchâtel inquiète.

L’ornithologue Michel Antoniazza, d’Yvonand, fin connaisseur des oiseaux. ©Duperrex-a

L’ornithologue Michel Antoniazza, d’Yvonand, fin connaisseur des oiseaux.

Il a tout pour plaire. Un plumage roux à faire pâlir bon nombre de ses congénères, une grâce sur l’eau quasi inégalée et un petit air sympathique, presque innocent. A Yverdon-les-Bains, la présence du tadorne casarca a même récemment suscité un élan de sympathie sur les réseaux sociaux (voir ci-dessous).

Et pourtant. Ce canard originaire d’Asie mineure -apprécié comme oiseau d’ornement sous nos latitudes mais lâché volontairement ou échappé dans la nature ces dernières années- met les spécialistes de la faune de la région à rude épreuve. Sa prolifération pourrait avoir des conséquences tragiques sur l’avifaune du Nord vaudois, en particulier sur les rives du lac de Neuchâtel.

«Le tadorne casarca est une espèce très agressive et intolérante vis-à-vis des autres espèces présentes sur son territoire. Il fait le vide autour de lui et n’hésite pas à nicher dans des endroits réservés à d’autres oiseaux de la faune locale, comme des nichoirs pour chouettes hulottes», explique Michel Antoniazza, ancien collaborateur scientifique à l’Association de la Grande Cariçaie, aujourd’hui à la retraite.

 

Forte expansion

 

Sous ses airs sympathiques, le tadorne casarca est un véritable fléau. ©DR

Sous ses airs sympathiques, le tadorne casarca est un véritable fléau.

Plus que le nombre d’oiseaux présents sur nos plans d’eau -une petite trentaine sont répertoriés sur la lac de Neuchâtel-, c’est sa prolifération qui inquiète le spécialiste de l’avifaune : «Il y a dix ans, on ne parlait quasi pas du tadorne casarca. Depuis, leur nombre ne cesse de croître et on n’arrête pas de courir après le problème. C’est quasi peine perdue», détaille le Tapa-Sabllia.

Le tadorne casarca figure sur la liste des espèces animales non indigènes dont l’importation et la détention sont soumises à autorisation. «La Confédération nous demande d’assurer la régulation du tadorne», glisse l’ornithologue. Mais quand je vois ce bel oiseau accompagné de ses petits poussins, j’ai de la peine à tous les éliminer. En revanche, si je découvre une ponte, j’enlève les œufs. C’est une manière plus humaine et moins radicale de contenir la prolifération de l’espèce.»

 

Véritable coqueluche des réseaux sociaux

 

Un tadorne casarca peu farouche s’est attiré la sympathie des Yverdonnois, au printemps dernier. Partagées sur les réseaux sociaux, notamment sur le groupe «T’es d’Yverdon si…», des vidéos de l’animal ont suscité un vif intérêt de la part des internautes, certains préconisant de le nourrir. Une bien mauvaise idée. A l’état sauvage, l’espèce vit dans les steppes de l’Asie intérieure. Dans les lacs salés peu profonds, elle se nourrit des plantes aquatiques. En Suisse, c’est grâce au climat tempéré propice et, surtout, au nourrissage au bord des lacs, que les tadornes casarcas échappés de captivité ont proliféré.

Simon Gabioud