Logo
Ce champignon qui ronge le blé
Bioley-Magnoux, 14 juillet 2015. Moissons de colza. © Michel Duperrex

Ce champignon qui ronge le blé

8 août 2018 | Edition N°2305

Nord vaudois –  Des agriculteurs ont perdu une partie de leur récolte alors que d’autres ont vu leurs lots déclassés en céréales fourragères. En cause: la fusariose, une maladie qui contamine les grains avec des mycotoxines.

Certains agriculteurs en ont gros sur la patate. Après des mois de labeur, ils pensaient enfin récolter le fruit de leur travail au terme d’intenses moissons menées sous une chaleur écrasante. Jusqu’à la douche froide, au moment du passage au centre collecteur. Leur blé était atteint de fusariose, un champignon qui attaque l’épi et qui contamine les grains avec des mycotoxines. Cette maladie et ses conséquences, connues depuis belle lurette, semblent avoir gagné du terrain cette année. Les paysans les plus malchanceux ont vu leur récolte passer directement du champ à l’usine d’incinération, alors que d’autres ont assisté impuissants au déclassement de leur récolte, dont les grains finiront en céréales fourragères.

«C’était une grosse surprise», commente Joaquim Vez Gaudard, agriculteur à Bavois, dont douze hectares ont été contaminés par la fusariose. Conséquence, son blé panifiable servira de fourrage pour les animaux. «Le manque à gagner est environ de 1000 francs par hectare», note le travailleur de la terre. Selon lui, l’explication est à chercher du côté du ciel: «Lorsque le blé était en fleur, il faisait chaud la journée et il pleuvait le soir», se rappelle-t-il. Ces conditions pourraient en effet expliquer le phénomène, selon Fabio Mascher, collaborateur scientifique à l’Agroscope de Changins, qui précise que lorsque le temps est humide au moment de la floraison, le champignon est prompt à infecter la plante.

Des «cellules hôpital» pour tenter de sauver les grains

Ces hypothèses climatologiques permettraient également de comprendre pour quelles raisons des champs de toute nature ont été touchés. En théorie, le blé multiplie les risques d’être atteint par cette mycotoxine lorsqu’il est semé sur une parcelle qui accueillait auparavant du maïs – dont la fusariose est friande – sans labour entre les deux. Mais cette année, «on a aussi quelques cas après des cultures de betteraves ou de colza, indique Christophe Grand, directeur de Landi Nord vaudois-Venoge. Pour nous, c’est vraiment nouveau.» Dans le cas de Joaquim Vez Gaudard, le cas s’est produit après qu’il avait planté des tournesols.

A Landi Nord vaudois-Venoge, qui engrange du blé dans ses centres collecteurs de Chavornay et de Péroset, une vingtaine de lots ont été touchés cette année, contre un ou deux cas l’an dernier. «Fort heureusement, nous avons pu prendre des mesures pour éviter l’incinération et que le propriétaire ne perde tout», souligne Christophe Grand. Les stocks infectés ont ainsi été placés dans des «cellules hôpital», au centre collecteur d’Orbe, où les employés ont déployé tout leur savoir-faire pour les sauver. «On les retrie jusqu’à plusieurs fois car les grains touchés sont plus ou moins ratatinés et plus légers. Ainsi ils partent plus facilement avec l’air, explique le directeur. Mais, malheureusement, les lots les plus infectés n’ont pas pu retourner dans le canal panifiable et sont partis en fourrager.»

Reste que cette situation entraîne de lourdes conséquences financières pour les agriculteurs, jusqu’à 3000 francs en moins par hectare si leur récolte ne peut pas être sauvée. «C’est une perte nette pour le producteur, et il n’y a pas d’assurance, note le conseiller national et agriculteur nord-vaudois Jean-Pierre Grin. Et il faut encore payer l’incinération.»

Caroline Gebhard