Juriens – Malgré les craintes de ses proches, cet agriculteur a abandonné l’élevage bovin pour se consacrer aux blés et aux chèvres. Une décision engagée et mise à l’honneur dans le documentaire «Révolution silencieuse».
Ce matin de janvier, Cédric Chezeaux travaille au moulin. De l’autre côté de la rue, sa femme Christine prépare la tisane, alors que leurs six enfants s’affairent autour de la table. Une douce odeur d’encens parfume le salon. Au coeur du village de Juriens, par -3°, la sérénité règne sur le foyer de la famille Chezeaux.
Pourtant, ces dernières années n’ont pas été des plus paisibles pour ce couple d’agriculteurs. Cédric, éleveur de vaches laitières de père en fils et président de Bio Vaud, a décidé de vendre ses bovins pour se reconvertir dans la production de blés anciens et l’élevage de chèvres. Un choix mûrement réfléchi et retracé dans le documentaire «Révolution Silencieuse», de Lila Ribi. Mais aussi un pari risqué qui a soulevé les plus grandes craintes de sa femme. «Le lait de vache nous permettait de payer les factures. En tant que femme au foyer, je m’inquiétais des retombées financières de cette reconversion», explique-t-elle.
Des doutes que Cédric, téméraire, a vite chassé. «Les peurs de mes proches ont renforcé mes choix. Je voulais leur prouver qu’une vie plus saine et cohérente était possible», confie-t-il. En 2005, l’agriculteur se sent pris au piège.
Condamné à produire du lait de vache en grande quantité pour le vendre aux fromagers, il ne peut ni fixer le prix de vente, ni rencontrer ses clients. «C’était très dur de dépendre des autres, alors que je me situais à la base de la chaîne de production. Je n’avais aucune reconnaissance, personne ne me disait merci pour mon travail. Je me suis senti longtemps esclave de la société », se rappelle-t-il douloureusement.
Une révolte positive
Mais, un jour, le déclic : il entend à la radio le philosophe Pierre Rabhi, figure de l’écologisme reonnue pour son discours militant et humaniste. N’écoutant plus que son cœur, Cédric décide de tout changer. «Je voulais rappeler au monde la mission fondamentale du paysan : nourrir la population. En m’émancipant de la production industrielle de lait, je me sentais en accord avec mes principes : produire pour manger, et non plus uniquement pour vendre», explique-t-il.
Dès lors, il se donne corps et âme dans ce qu’il renomme la Ferme Arc-en-Ciel, en référence aux nombreux produits qu’il propose. Son but : préserver la biodiversité semencière, mise à mal par les géants de l’agroalimentaire. Ses activités principales : la farine panifiable et le lait de chèvre. L’agriculteur sème près de septante variétés de graines, que ses connaissances lui rapportent des quatre coins du monde. «Les clients aiment acheter des produits authentiques dont ils connaissent l’histoire. Quant au boulanger, il est ravi de venir voir pousser les graines qui lui permettront de faire son pain. Au fond, c’est une histoire d’humanité et d’amour», raconte Cédric.
L’attraction du village
Une affaire qui marche, puisque toute la production est systématiquement vendue. «Les autres paysans du village sont très étonnés de cette réussite. Ils n’avaient pour la plupart jamais vu de plants de sarrasin ! », se réjouit son épouse Christine. Quand aux cinquante chèvres qui animent l’étable, Cédric leur trouve des caractéristiques toutes particulières. «Contrairement aux vaches qui sont très dociles, ces bêtes sont curieuses et indépendantes, comme devrait l’être chacun de nous», explique- t-il. «De plus, le lait de chèvre est meilleur pour la santé que le lait de vache».
Cette philosophie de vie, Christine Chezeaux l’applique également au foyer. «Les enfants se nourrissent sainement et participent activement à la vie de la ferme. Dans quelques semaines, quand naîtront les brebis, chacun donnera son coup de main.» Une nouvelle qui ravit les enfants. «Nos parents nous ont toujours inclus dans les décisions de la ferme. Nous sommes tous très proches», précise Amélie, 16 ans.
Un esprit de famille qui rassemble les générations. Le père de Cédric, à qui appartenaient les vaches, est tout à son aise dans la nouvelle organisation de l’élevage. «Il apprécie beaucoup le contact avec la clientèle», sourit son fils.
Au cinéma Bel-Air
Prochaines étapes : l’aménagement d’un magasin «confortable et convivial», dans le moulin et la sortie du documentaire le 25 janvier. «Nous voulons encourager les agriculteurs à reprendre le pouvoir sur leur production», exprime d’une seule voix le couple. «Nous sommes touchés que de nombreuses personnes s’intéressent à notre petite innovation, qui pourrait devenir une grande évolution.» La famille Chezeaux sera présente à l’avant-première de «Révolution silencieuse» le 19 janvier à 18h15 au cinéma Bel- Air d’Yverdon-les-Bains. Il sera également projeté au Cinéma Royal de Sainte-Croix le 29 janvier à 11h en présence de Lila Ribi, dans le cadre du mouvement Transition. Une révolution pas si silencieuse que cela finalement.
https://www.youtube.com/watch?v=7Zf1FtbCeh8&feature=youtu.be
Lila Ribi, caméra militante
«Révolution silencieuse» est le premier-long métrage documentaire de Lila Ribi. Née en 1979 à Aubonne, la réalisatrice a filmé le quotidien de la famille Chezeaux de 2013 à 2015.
Vous intéressez-vous à l’agriculture depuis toujours ?
Je ne connaissais rien au milieu agricole. Mais j’ai toujours été sensible à l’écologie. Je voulais montrer qu’il existe des alternatives à l’élevage industriel.
Quel accueil la famille Chezeaux vous a-t-elle réservé ?
Je les ai d’abord aidés à la ferme. Puis, après en avoir discuté en famille, ils ont accepté que je les filme. Ce sont des gens entiers qui cherchent en permanence des idées innovantes. C’est cela qui me plaît chez eux.
Vous attendiez-vous à de telles retombées positives ?
Je suis ravie et émue que le documentaire intéresse autant de monde. L’accueil est formidable, les gens sentent qu’ils peuvent rendre le monde meilleur en agissant à leur échelle, nous vivons un moment charnière.
20 billets à gagner pour l’avant-première de «Révolution silencieuse» en téléphonant, dès 14h, au 024 424 11 55