Logo
«C’est le poste qui veut ça»
© Gabriel Lado

«C’est le poste qui veut ça»

11 mars 2021

Critique de ses performances, préparation spécifique des gardiens pendant la longue pause, ambitions de l’équipe: Kevin Martin aborde tous les sujets chauds. Le gardien d’Yverdon Sport se livre sans retenue.

 

Kevin Martin, avant la pause hivernale, la rédaction a noté chaque joueur d’Yverdon Sport en fonction de ses prestations. Avec un 6, vous n’avez pas été le plus épargné de l’équipe. Comment avez-vous réagi?

J’ai pris la chose avec beaucoup de recul, sans faire d’histoires. J’avais déjà vécu ça à Lausanne, quand j’y jouais. Les journaux n’étaient pas très tendres avec moi, parce qu’on ne faisait pas de résultats. Mais je ne pense pas que ça représentait ce que j’ai vécu sur le terrain. Après, chacun a son propre avis sur la question.

Parole à la défense: comment jugez-vous vos performances du premier tour?

Comme on en a aussi discuté avec Pino Varquez, l’entraîneur des gardiens, j’ai fait un bon premier tour. Oui, il y a cette erreur au pied contre Brühl, et on peut peut-être me reprocher aussi le penalty à Nyon. Sur le reste, je ne crois pas qu’il y ait d’autre grosse erreur. Dans l’ensemble, je suis content de mes prestations, même si on peut toujours faire mieux, et s’il y a toujours des choses à corriger.

On avait estimé que, par rapport à votre potentiel, vous ne vous étiez pas montré décisif lors des deux matches que vous avez évoqués, justement. On en attendait un peu plus dans ces moments chauds. À l’inverse, on avait relevé un arrêt très important contre Carouge.

Le seul truc que je pourrais vous reprocher, c’est que ça fait maintenant ma troisième saison que je suis ici à Yverdon, et je pense que sur cette durée, je n’ai pas fait d’autres erreurs grossières. Ce qui est aussi beaucoup ressorti des discussions avec Pino Varquez, c’est que durant ces trois ans, j’ai été plutôt très régulier, ce qui me faisait défaut avant et qui commence à s’effacer petit à petit.

Vous avez le sentiment d’avoir franchi un palier, gagné en constance?

Oui, je crois que j’ai vraiment gagné en régularité. Déjà, je pense que ce que l’équipe fait sur cette durée est énorme, parce qu’être au top deux ans d’affilée, avec les coupures, c’est franchement pas mal. Et on a une des défenses qui ont pris le moins de buts.

N’est-ce pas un désavantage pour un gardien de se trouver dans une équipe avec une si bonne défense, qui l’empêche de se mettre en valeur, faute d’avoir des interventions régulières à faire tout au long d’un match?

Je suis le profil de gardien qui, s’il commence avec trois ou quatre arrêts dans les premières minutes, sait qu’il va faire un gros match. Je sais aussi que le fait de devoir rester concentré durant toute la rencontre est important, afin de faire l’arrêt quand il le faut. C’est pour ça que je dois travailler mentalement, afin d’être plus fort et concentré encore. Ici, à Yverdon, ça me permet de travailler ça, puisque je vais souvent n’avoir que quelques arrêts à faire. Ce sont les moments les plus durs pour les gardiens, en tout cas pour moi. C’est vrai que ça fait deux ans que les matches se résument à faire une, deux ou trois parades, et c’est effectivement plus compliqué pour moi de me mettre en valeur. Mais si je fais ces arrêts-là, on les verra.

Mais ça laisse moins de marge d’erreur que si vous aviez réalisé dix parades auparavant.

Totalement, ça va moins facilement gommer une erreur ou un but que je vais encaissé. Après, c’est le poste qui veut ça. Je l’ai choisi en sachant que ce serait ainsi. Mais je pense que le fait de devoir gérer ces matches où je suis peu sollicité ne peut que me faire progresser.
On a bien compris comment les joueurs se sont entretenus pendant la pause due au Covid.

Mais comment cela se passe-t-il pour un gardien, un poste particulier?

Je me suis vraiment concentré sur l’aspect physique. Je suis quelqu’un qui va vite prendre du poids.

Vous êtes trop gourmand?

Oui oui, je dois me retenir.

Quel est votre péché mignon?

Oh, il y en a beaucoup, hein! J’aime bien manger en règle générale. Je ne suis pas plus sucré que salé ou l’inverse. C’est juste que je sais que je prends vite du poids, alors je préfère prendre les devants pour ne pas arriver à la reprise avec du poids en plus. Du coup, j’ai suivi le programme individuel reçu.

Le même que celui des joueurs?

Oui, mais les gardiens, on était en lien avec Pino Varquez, qui adaptait les exercices en fonction de nos besoins. Surtout concernant les déplacements, la vitesse de pieds, l’explosivité, afin de maintenir tout ça. Il met beaucoup l’accent sur la condition physique, car il pense – et je partage son avis – qu’un gardien en forme pourra enchaîner plus facilement les arrêts et être plus concentré dans le match. La course, ça a été la même chose pour nous que pour les joueurs. La preuve: Christophe Guedes (ndlr: le deuxième gardien d’YS) et moi avons fait les tests physiques avec l’équipe, et on n’est pas du tout à la rue. Mais c’est vrai que c’est une autre forme de travail, plus basée sur l’explosivité, la vivacité, sur le fait de garder cette vitesse de pas nécessaire pour les déplacements. Il s’agit aussi d’être plus robustes sur les jambes, on va pouvoir avoir plus de charge et encaisser le fait de se trouver sur les appuis pour bouger de gauche à droite.

Et vous avez réussi à maintenir votre poids?

Oui, je suis revenu avec 900 grammes ou un kilo en moins, du coup j’étais content d’avoir si bien géré ça. Et c’est le cas de la grande majorité des joueurs.

C’est parce que vous avez beaucoup couru, ou bien vous avez réussi à vous raisonner?

Un mélange des deux. On a un groupe très professionnel. On savait que pour être au niveau, il faudrait être prêts dès la reprise, et moi je le voulais pour démarrer sur les chapeaux de roue. Il s’agissait de temps en temps de se faire plaisir, tout en sachant que les jours suivants il faudrait faire attention. Heureusement qu’on a repris vite, car ça commençait à devenir compliqué de devoir chaque jour, à la pause de midi ou le soir, aller faire un footing, un intermittent ou des exercices à la maison. Ma femme m’a aussi beaucoup aidé avec la nourriture, en me préparant à manger quand je devais aller courir après être rentré du travail.

Avez-vous pu toucher le ballon, tout de même?

Avec quelques joueurs de l’équipe, on allait souvent jouer un peu le dimanche. J’ai été plusieurs fois avec Gentian Bunjaku faire des schémas avec le ballon, des frappes. Ça a fait du bien. On a aussi revu Pino Varquez pour quelques entraînements depuis début février pour reprendre contact avec le terrain, revoir les gammes. L’idée était de revenir à la reprise avec de bonnes sensations, autant physiques que pour ne pas être perdu au niveau des repères ou des gestes techniques.

On parle souvent de retrouver le rythme pour les joueurs. Est-ce que ça se traduit de la même manière pour les gardiens?

Le rythme d’un match, pour un gardien, c’est plus un travail mental, le fait de pouvoir se reconcentrer durant une heure et demie. Ce qui nous prend beaucoup d’énergie, alors que c’est plus physique pour un joueur qui va devoir courir. Mais je pense que ce qui fait beaucoup, c’est d’avoir les repères. De bien se situer dans le but, par rapport à une action ou la hauteur dans le terrain. Le fait d’avoir revu ça avec Pino Varquez avant la reprise a fait du bien.

Et alors, comment vous sentez-vous?

Bien! On a travaillé entre gardiens. On a recommencé avec l’équipe cette semaine. C’est comme toutes les préparations, on est un peu dans le rouge. Faut refaire le fond, et après c’est bon.

Comment vous voyez cette fin de championnat?

Je la vois intense. Les autres ne vont pas nous faire de cadeaux, et on ne souhaite pas leur en donner non plus. On veut atteindre notre objectif, pour le staff, toutes les personnes qu’il y a autour, le président qui nous a fait ce nouveau stade, les supporters qu’on n’a pas vus depuis longtemps. On va avoir des matches compliqués, chaque équipe voudra nous battre. Il faut aussi se remettre d’une pause de quatre mois, inédite pour nous, ce qui sera compliqué pour les organismes. C’est là où le fait d’avoir un gros effectif, au sein duquel on peut alterner pas mal de joueurs sans que ça ne change grand-chose, va être très important pour nous.

Mentalement, la pause a été dure?

De pas revoir le terrain a été compliqué, mais c’est surtout le vestiaire qui a manqué. On a vraiment une super équipe, et ça nous fait plaisir de revoir les collègues quand on se rend à l’entraînement, même si on sait qu’on va courir. Il y aussi le manque de la compétition. On attend avec impatience le premier match amical.

Ça démange ce match de samedi contre Bavois?

Ça chamboule un peu nos habitudes! Ça fait bizarre, alors que ça faisait quatre mois qu’on passait nos samedis à la maison ou à faire d’autres activités. Toute l’équipe trépigne d’impatience de recommencer à faire ce qu’on aime: jouer au foot.

 

Kevin Martin

 

Âge: 25 ans.

Position: gardien.

Parcours: formé à Team Vaud, il a disputé quatre matches de Challenge League lors de la saison 2015-16 avec le Lausanne-Sport, avant de jouer neuf rencontres en Super League l’exercice suivant avec le LS. Il a rejoint Yverdon Sport en 2018-19, déjà en Promotion League, et est titulaire depuis son arrivée au stade municipal.

Particularité: est l’un des rares joueurs d’Yverdon Sport à travailler à côté du football. Après avoir réalisé son service civil, il est devenu assistant comptable à 100% à la Fondation Saphir, à Yverdon, il y a six mois.

Manuel Gremion