Mireille Keïta se bat pour que son festival puisse voir le jour malgré les contraintes sanitaires du moment. Nuit et jour, elle s’active pour que sa manifestation multiculturelle soit opérationnelle aujourd’hui.
Pour la quatrième édition du Yelen Festival, son organisatrice Mireille Keïta avait imaginé déplacer des montagnes, ou presque. Mais elle a dû limiter ses ardeurs et adapter son programme aux différentes mesures sanitaires en vigueur. Plus petite, la manifestation pluridisciplinaire ne devrait pourtant pas perdre son ADN: la convivialité et la multiculturalité. Et le verger de la Fougère à Baulmes va vibrer aux sons des cors des alpes et des balafons, dès aujourd’hui et jusqu’à dimanche.
Mireille Keïta, rappelez-nous pourquoi vous avez créé ce festival?
Pour essayer de changer le regard des gens sur l’Afrique. Je veux pouvoir casser les barrières et mettre en lumière les cultures de chaque pays. Yelen vient du bambara, ma langue maternelle (ndlr: parlée au Mali), et signifie lumière.
Quelles sont ces barrières, selon vous?
La peur. J’ai vu cette peur de l’inconnu, notamment avec les migrants qui sont tout de suite stigmatisés avant de pouvoir s’expliquer. Certains Africains ressentent parfois une certaine honte de leur culture en venant en Suisse et moi, j’ai justement envie qu’ils en soient fiers. Je suis persuadée que si on se montre à nu, tel qu’on est, tout le monde peut comprendre et s’ouvrir à l’autre. Je dis d’ailleurs souvent que si on peut mélanger nos saveurs, on peut mélanger nos savoirs.
Cette année, il y a un autre obstacle à surmonter: le Covid-19. Avez-vous dû réduire la voilure?
Oui. Dans ma tête, j’étais dans un tout autre délire pour cette édition, mais j’ai dû renoncer à installer un grand chapiteau et reporter la venue de plusieurs artistes notamment.
Par contre, le prix reste le même, soit 20 francs par adulte?
C’est juste. Je sais que certains disent que c’est trop cher, mais on a essayé de trouver des solutions pour toutes les bourses, donc on a fait un pass à 35 francs pour les trois jours. On ne peut pas non plus faire gratuit et s’endetter.
Quelles mesures sanitaires avez-vous prises?
On a dû limiter le nombre de participants à 300, on aura bien sûr des listes pour le traçage des personnes. Et pour se mettre dans une ambiance festive, même avec un masque, on va proposer au public de s’envelopper dans un turban touareg.
Ces seigneurs du désert, comme on les surnomme, seront à l’honneur cette année?
Oui, il y aura un groupe du Niger qui animera des ateliers de fabrication de bijoux en pierre de talc. On aura aussi des chameaux, venus de Berne. Mais il y aura plein d’autres choses à découvrir, comme les bols sonores pour retrouver un peu de sérénité ou encore des concerts avec notamment Nawal, la voix des îles de Comores, et la chanteuse afro-soul Thaïs Diarra. Et la nouveauté: un conteur qui mêlera improvisation et beaucoup d’humour.
On met au placard les fameuses danses des masques africains qui sont là depuis le début?
Non, bien sûr qu’elles seront là. Par contre, pour les marionnettistes maliens, c’est compliqué. On a dû se battre corps et âme pour qu’ils viennent. Encore à 4h ce matin (ndlr: hier), j’étais au téléphone avec eux.
Pourquoi?
Déjà de base, la Suisse ne donne pas de visa aux ressortissants du Mali. Après avoir rempli beaucoup de paperasse, on a réussi à en avoir, mais après il y a eu un coup d’état au Mali. Ils ont dû partir au Sénégal aller les récupérer, mais comme les frontières sont fermées, c’est le parcours du combattant. Et après les machines ne le reconnaissaient pas. J’ai dû faire pression pour que la Suisse débloque la situation. Ce n’était pas joli joli.
Arriveront-ils jusqu’ici à temps?
J’espère… Ils doivent encore retourner au Mali pour prendre leur avion ce soir (ndlr: hier à 21h).
Vous allez réussir à dormir cette nuit?
Je ne sais pas, mais en tout cas, c’est le gros stress. Et même si des amis ont vérifié et n’ont rien trouvé, je suis sûre que cela m’a valu des cheveux blancs.
Photo: Michel Duperrex