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Chlorothalonil: avancées concluantes
L’eau des fontaines de Valeyres-sous-Ursins n’a jamais été aussi propre.

Chlorothalonil: avancées concluantes

27 août 2024 | Textes: Robin Badoux
Edition N°3775

Les résidus de chlorothalonil continuent de polluer les eaux de la région à des degrés divers, amenant les fournisseurs et les communes à réagir, de manière contrastée selon l’endroit.

Malgré l’interdiction d’utiliser du chlorothalonil – un pesticide et fongicide – en Suisse depuis janvier 2020, les réserves d’eau comportent toujours des résidus, des métabolites présentant des risques pour la santé sur le long terme. En mai 2024, l’Office de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (Osav) avait enjoint les distributeurs d’eau de prendre des mesures correctives pour réduire les teneurs en métabolites dans l’eau potable d’ici deux ans. L’objectif fixé consiste à passer sous la barre des 0,1 microgramme par litre des produits de dégradation du chlorothalonil. Dans le Nord vaudois, où les réserves d’eau du Plateau sont particulièrement concernées, la situation évolue, mais de manière assez disparate selon les communes.

Autour d’Yverdon: Sagenord encore en eaux troubles

Pour la Société anonyme de gestion des eaux du Nord vaudois (Sagenord), le principal distributeur d’eau dans la région d’Yverdon et Grandson, la question du chlorothalonil constitue un défi de taille à surmonter.

«Cela fait maintenant plusieurs années que nous faisons des études dans les eaux de la région», explique Benoist Guillard, président de la Sagenord et municipal en charge des Énergies à Yverdon. «On retrouve des résidus dans toute la plaine de l’Orbe, où était utilisé le chlorothalonil, mais très peu dans les sources du Jura et du pied du Jura, où l’eau est de bonne qualité», précise-t-il.

Pour rappel, la Sagenord puise son eau à 68% dans la nappe phréatique des puits d’Onnens, à 26% dans les sources du Cossaux et 5% sont constitués d’eau filtrée du lac de Neuchâtel. L’ensemble est désinfecté par chloration. Encore 1% de l’eau consommée annuellement provient des sources d’associations voisines.

Le rapport sur la qualité de l’eau potable 2023 publié par le Service des Énergies d’Yverdon relève que 26% de l’eau provenant de la source de Cossaux comportent une teneur proche du seuil de 0,1 microgramme par litre et que 74% du reste de l’eau distribuée présentent une teneur moyenne de 0,2 microgramme par litre. «La source de Cossaux, au pied du mont de Chamblon, est de bonne qualité. On trouve principalement des métabolites dans l’eau des puits d’Onnens et à la station de Bellerive (Grandson), qui pompe l’eau du lac, confirme Benoist Guillard. Les mesures qui sont prises en ce moment consistent principalement à diluer l’eau des sources présentant des métabolites avec de l’eau non polluée pour réduire le taux d’exposition aux résidus, mais Sagenord cherche une solution régionale. Les tests effectués, notamment à Lausanne, présentent des résultats encourageants lors de l’utilisation de filtres à charbon actif. C’est donc la solution qui est discutée en ce moment.»

L’application risque toutefois d’être difficile, estime le président de la Sagenord: «L’installation de ces filtres implique des coûts élevés qui se répercuteront sur le prix de l’eau. Il y a aussi des enjeux techniques et de gouvernance. Il faudra encore quelques mois pour mener à bien toutes les discussions. Notre objectif est d’arriver à la fin de l’année avec une vue plus claire de la situation.»

A noter que Pierre Dessemontet, municipal des Eaux et président de la Sagenord à l’époque, avait déposé en 2020 une initiative demandant une aide fédérale pour le traitement des eaux souterraines polluées au chlorothalonil auprès du Grand Conseil vaudois. «Cette initiative a été renvoyée aux Chambres fédérales par le Grand Conseil un peu plus tôt dans l’année. Nous sommes dans l’attente d’une date de présentation aux Chambres», indique Pierre Dessemontet.

Valeyres-sous-Ursins: des résultats «miraculeux»

Alors que la plupart des fournisseurs en eau concernés réfléchissent à des solutions pour mettre en place les directives de l’Osav, certains prennent les devants, à l’image de la Commune de Valeyres-sous-Ursins. Depuis quelques jours, le petit village traite en effet la totalité de son eau consommable – soit l’eau du robinet, l’eau pour le bétail et même l’eau des fontaines – avec un filtre à charbon actif.

«Selon la loi, nous devons vendre de l’eau consommable et pure.  Ce n’était pas le cas chez nous, alors nous avons pris les devants, explique le syndic, Blaise Chapuis. L’avantage que nous avons, c’est que nous disposons de notre propre source. La décision était donc plus facile à prendre.»

Le filtre se résume en un conteneur qui contient toute l’installation. De nombreux tests sur plusieurs mois ont été effectués pour vérifier la qualité de ce filtre à charbon. «On voulait être vraiment sûrs avant de se lancer, car ce genre d’installation engendre des coûts importants. On a été surpris: c’est presque un miracle. On ne trouve plus aucune trace de résidus du chlorothalonil dans l’eau filtrée et même d’autres composants nocifs sont nettoyés. On a donc validé l’essai et procédé à l’installation.»

A noter que Valeyres-sous-Ursins est indépendante en termes d’approvisionnement en eau, et ne revend pas l’eau de sa source à d’autres distributeurs. Il a fallu néanmoins débourser quelques milliers de francs pour amener ce filtre à charbon. Un investissement important pour la commune qui risque de se répercuter sur le prix de l’eau, qui n’était pas très élevé jusqu’à présent, selon le syndic.

Concernant les métabolites: «Nous étions presque dix fois au-dessus du seuil maximal avant. Maintenant, on ne trouve vraiment plus de trace du chlorothalonil. Et le mieux, c’est que les filtres, après avoir été utilisés, car ils ont une durée de vie, peuvent être employés à nouveau dans les Step. C’est un véritable cercle vertueux!»

Même si le filtre fonctionne depuis quelques jours, il faudra attendre encore un peu avant que l’entièreté du réseau soit traité. Mais à terme, Valeyres-sous-Ursins pourrait avoir l’eau la plus pure de tout le Plateau suisse.

La nouvelle installation de filtration sera inaugurée officiellement durant le mois de septembre en présence des autorités et des concepteurs.