Les EMS sont sous pression et le nombre de proches aidants en augmentation. À se demander si le second ne serait pas une conséquence du premier.
Les proches aidants sont des maillons essentiels du système de santé. Ces personnes consacrent régulièrement leur temps (une fois par semaine ou plus) pour aider un membre de leur entourage de tout âge, atteint dans sa santé ou son autonomie. Un proche aidant peut donc s’occuper de son conjoint, d’un de ses parents, d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur ou encore d’un ami ou d’un voisin.
Ce soutien permet au proche aidé de préserver un contact social, mais aussi de rester à domicile le plus longtemps possible, avant de devoir aller dans un établissement spécialisé quand la situation devient trop complexe à gérer pour les différents acteurs de cette entente. Ceci garantit alors un certain confort de vie, mais permet aussi de faire des économies au niveau des soins.
Parmi les établissements spécialisés susmentionnés, il y a les établissements médico-sociaux (EMS). Or, pour aller en EMS, il y a aujourd’hui de l’attente. À l’échelle du canton de Vaud, il s’agit d’un véritable problème. Dans le Nord vaudois, la situation ne semble pas hors de contrôle (voir La Région du 20 janvier 2025), même si la liste d’attente ne désemplit pas.
Pour faire face à cette problématique, différents dispositifs peuvent être mis en place, comme les soins à domicile. Ou, éventuellement, devenir proche aidant? Osons peut-être une formulation provocatrice: certains individus se retrouveraient-ils forcés de devenir un proche aidant en attendant que le proche aidé soit placé ?
Question délicate, réponse délicate
«C’est difficile de parler de contraintes, puisqu’il s’agit généralement d’un accord volontaire entre le proche aidé et le proche aidant», tient à préciser Yves Kühne, le directeur du Réseau Santé Nord-Broye.
Une position qui est également soutenue par l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD) et par les CMS du Nord vaudois – ASPMAD (Centres médico-sociaux et l’Association pour la santé, la prévention et le maintien à domicile), en la personne de Thierry Azzola, directeur de cette dernière organisation: «La question de savoir si les personnes sont poussées à le faire ou non est complexe. Cela dépend de nombreux facteurs qui peuvent toucher à la fois la personne aidée et le proche aidant.» Toutefois, Thierry Azzola relève tout de même que le nombre de proches aidants est en augmentation depuis plusieurs années (à cause de l’évolution démographique et la proportion de personnes âgées qui augmente également). Dès lors, le rôle de proche aidant suit un processus évolutif, plus ou moins rapide, en fonction de beaucoup de facteurs comme l’état de santé de la personne aidée, ses capacités ou ses disponibilités. Ainsi, «les raisons qui amènent les personnes à devenir proches aidantes sont donc variées et propres à chaque situation singulière», conclut le directeur des CMS du Nord vaudois – ASPMAD.
Processus latent
Il est donc difficile d’établir une corrélation entre attente d’une place en EMS et augmentation du nombre de proches aidants, du fait des expériences différentes pour chacun.
De plus, le processus décisionnel ne se fait pas toujours de manière consciente. Thierry Azzola explique qu’«il est possible de devenir proche aidant sans s’en rendre compte dans la mesure où l’aide apportée se met souvent en place de manière spontanée et progressive, ou parfois dans l’urgence à la suite d’une perte d’autonomie, une péjoration de l’état de santé du proche ou d’un accident».
Qui sont-ils?
Dans le canton de Vaud, on compte aujourd’hui 58% de femmes proches aidantes. La fonction est donc majoritairement prise en charge par la part féminine de la population, souvent en plus de leur travail. Puisque selon les chiffres de l’état de Vaud, 60% des proches aidants exercent cette activité en plus de leur activité professionnelle. «La conciliation de cette dernière avec les tâches assumées en tant que proche aidant, est un réel enjeu. Depuis 2021, une loi fédérale vise à améliorer la conciliation entre l’activité professionnelle et la prise en charge de proches, en accordant des congés spéciaux aux proches aidants sous certaines conditions», expose le directeur nord-vaudois.
À noter que 8% des proches aidants ont entre 10 et 15 ans. Au niveau Suisse, sur les quelque 592 000 proches aidants en 2018, 49 000 étaient âgés de 9 à 15 ans.
Aides financières, mais pas de salaire
S’il existe des aides financières en cas de perte de gain, par exemple pour les parents, il n’est pas possible pour un proche aidant de recevoir un salaire dans le canton de Vaud à ce jour. Et ce, malgré la décision du Tribunal fédéral de 2019, stipulant que les proches aidants peuvent recevoir une rémunération de la part de la LaMal (52,60 francs par heure). Une problématique déjà soulevée par 24 heures dans son édition du 8 janvier 2025.
Sont invoqués pour expliquer le refus d’entrer en matière de la part du Canton, le difficile respect des conditions de travail (respect des repos, heures supplémentaires, etc.) et des compétences soignantes dans le cadre spécifique des proches aidants.
Concernant l’aspect de la formation, il est possible de suivre des formations soutenantes, or de nombreux proches aidants développent des compétences, au quotidien et sur la durée, lors de la prise en charge de leur proche, comme le confirme Thierry Azzola.
De l’aide pour les proches aidants
De nombreux dispositifs ont été mis en place pour soutenir les proches aidants. Car cela peut se révéler être une tâche lourde, tant sur le plan physique qu’émotionnel. Même si certains d’entre eux n’osent pas ou se refusent souvent à demander de l’aide, elle existe.
«Les CMS vaudois offrent un accompagnement individuel aux proches aidants tout au long de leur parcours, incluant un bilan global de leur situation, de l’écoute, des conseils sociaux, de l’orientation vers des ressources adaptées, et une solution en cas d’urgence si le proche aidant devait être subitement indisponible», explique Thierry Azzola. Par ailleurs, pour toute question, les proches aidants peuvent contacter la hot-line gratuite 0800 660 660, qui est gérée par des professionnels de l’association Espace Proche.
Dans certains cas, les Centres d’accueil temporaire (CAT) permettent de placer les proches aidés durant la journée et pour des séjours de courte durée, afin de soulager les proches aidants.
Enfin, il existe différentes associations, comme l’Association de proches aidants (proches-aidants.ch), qui sert de ressources de soutien pour les proches aidants.