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«Cuba va faire face à son plus grand défi»

15 mai 2017 | Edition N°1996

Yverdon-les-Bains – Manuel Aguilera de la Paz, ambassadeur de Cuba en Suisse, a participé à la soirée organisée, vendredi dernier, par la section vaudoise de l’Association Suisse – Cuba. L’occasion de faire le point sur les changements qui attendent son pays.

Arrivé de Berne accompagné de sa traductrice, l’ambassadeur Manuel Aguilera de la Paz s’est exprimé en espagnol. ©Michel Duperrex

Arrivé de Berne accompagné de sa traductrice, l’ambassadeur Manuel Aguilera de la Paz s’est exprimé en espagnol.

Réunis pour une rencontre informelle, les membres de l’Association Suisse – Cuba ont eu l’occasion de s’entretenir un instant avec Manuel Aguilar de la Paz, ambassadeur de Cuba en poste à Berne depuis six mois. Le représentant cubain a ensuite passé la soirée dans la Cité thermale. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions.

 

 

Quel est le plus grand défi de Cuba aujourd’hui ?

Tout d’abord, de préserver les acquis de la révolution et de parvenir à développer l’économie, afin que notre système socialiste soit prospère et durable malgré le blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis. Celui-ci est toujours en vigueur et nous fait du mal depuis longtemps.

 

Comment va s’effectuer l’ouverture économique souhaitée ?

Cela fait pas mal d’années que nous tentons à ouvrir notre économie. Malheureusement, l’obstacle principal reste le blocus. Ainsi, nous travaillons à un processus d’actualisation du modèle économique, qui a comme objectif principal de perfectionner notre système socialiste et de corriger les erreurs qui ont pu être commises. Nous devons aussi alléger le poids qui pèse sur l’État et augmenter le secteur privé dans l’économie, tout en gardant sous le contrôle de l’État les secteurs fondamentaux. Et on essaye d’attirer des investisseurs étrangers dans les secteurs prioritaires. Mais nous ne vendrons pas Cuba. On tente de donner plus de pouvoir de décision aux entreprises, même celles d’État.

 

Lors de ces dernières années, une fracture sociale est apparue, et semble augmenter…

Je n’appellerais pas cela une fracture sociale. Notre société a toujours été celle de l’égalité pour tous. Aujourd’hui, les différences existent, et elles augmentent, c’est vrai. Mais elles ne sont pas énormes. Et nous n’en voulons pas. Nous allons nous opposer à la concentration des richesses à l’aide de moyens de contrôle.

 

Comment arrive-t-on à contourner un tel blocus ?

Nous y avons déjà fait face durant cinquante ans. Et il faut savoir qu’aux USA, il y a de plus en plus de voix qui s’opposent à ce blocus. Mais c’est le Congrès qui décide. D’ailleurs, le président Obama avait déjà assoupli partiellement certaines mesures. Mais ça n’est pas suffisant. Cela bouge beaucoup dans l’opinion publique américaine ; des partenaires, des chefs entreprises sont intéressés à une levée du blocus, car ils sentent bien qu’il y a des possibilités de faire des affaires avec Cuba. Mais je suis persuadé que ce blocus sera levé, tôt ou tard. A mon avis, il ne résistera pas longtemps. Le défi pour Cuba, alors, sera de faire face à une toute nouvelle situation. Mais on ne veut pas revenir au capitalisme, car nous sommes persuadés que ça ne fonctionne pas à Cuba. Nous conserverons une économie planifiée, tout en recherchant une participation plus vaste du secteur privé, des petites et moyennes entreprises. Une fois le blocus tombé, Cuba va faire face à son plus grand défi.

 

Au niveau politique, les porteurs de la révolution, ont laissé leur place. Voyez-vous arriver une nouvelle vague de politiciens aussi charismatiques pour relever ce défi ?

Ils n’auront pas le même charisme. Fidel Castro a été un leader unique. Et Raul, son frère, qui a toujours été à ses côtés, n’a pas non plus le charisme de leader de son frère. Il n’y aura plus de leader comme l’a été Fidel Castro. Ces dernières années, des jeunes se préparent pour la suite. Et ils sont très engagés à poursuivre l’œuvre de la révolution cubaine. J’ai confiance en ce processus de changement de génération, ce ne sera pas un traumatisme. Nous avons une structure gouvernementale bien définie, des élections, des lois, ainsi que la Constitution. Et il va d’ailleurs falloir la modifier, l’adapter aux mutations en marche. Bien sûr, chaque changement constitutionnel fera l’objet d’un référendum populaire. Mais je ne me fais pas de souci pour le futur.

 

Et Donald Trump ?

 

«Pour nous, Donald Trump reste un point d’interrogation, lâche Manuel Aguilera de la Paz. Au début de sa campagne, il a dit qu’il était d’accord avec les assouplissements du blocus engagés par Barack Obama. Peu après, il a dit qu’il allait revenir su ce que son prédécesseur avait entrepris. Aujourd’hui, il veut une révision de la politique des États-Unis vis-à-vis de Cuba. On verra bien. Nous devons attendre et regarder ce qu’il se passe.»

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Jean-Philippe Pressl-Wenger