Bénévoles aux JO, Thomas Duruz, Ella Hirsbrunner et Léa Segessenmann (photo, de g. à dr.) œuvrent dans
les salles de gym et sont aux premières loges pour voir les athlètes peaufiner leur préparation. Les trois sociétaires de la FSG Yverdon Ancienne racontent leur expérience.
Textes et photo: Muriel Ambühl, Paris
Les trois salles d’entraînement dédiées aux gymnastes sont encore vides, en ce mardi matin. Thomas Duruz, Ella Hirsbrunner et Léa Segessenmann ont cependant démarré leur tranche horaire du jour depuis un moment, afin que tout soit prêt au moment où les premiers sportifs pousseront les portes de la grande halle située au Bourget, dans laquelle les engins ont été répartis en trois zones, une pour les hommes et deux pour les femmes.
« Lors de nos shifts, d’environ huit heures, on est responsables d’accompagner les gymnastes dans leur entraînement. Cela commence avec l’accueil, qui consiste parfois à calmer les athlètes parce que leur bus est arrivé en retard et que cela leur mange un bout de leur tranche d’entraînement. Certaines nations attendent beaucoup de leurs gymnastes, cela pèse sur les épaules des équipes, lesquelles s’énervent quand il y a des petits couacs qui ne devraient pas se produire. On doit également s’occuper de l’ordre dans la salle et de la régie, pour mettre la musique des chorégraphies au sol des femmes. Pour celles-ci, on doit également annoncer les tournus, afin que chaque nation enchaîne les engins selon le planning établi, alors que chez les hommes, c’est plus libre, ils font un peu à leur sauce », détaille Thomas Duruz.
Les trois Nord-Vaudois côtoient ainsi les gymnastes olympiques au quotidien. «On peut discu- ter avec certains d’entre eux, ce qui est vraiment cool », apprécie Ella Hirsbrunner. «Ça dépend cependant beaucoup des nations », complète Léa Segessenmann. «Les gymnastes des grandes délégations sont dans une bulle, entourés d’un staff conséquent, alors qu’il y a des filles qui sont là juste avec leur coach. De manière générale, les femmes sont très concentrées pendant les entraînements, tandis qu’il arrive que les hommes mettent de la musique et dansent en pleine session ! »
Le trio est évidemment ravi d’être ainsi plongé dans le quotidien de gymnastes qu’ils voient habituellement uniquement à la télé et dont ils suivent parfois les performances depuis leurs débuts sur la scène internationale. « Je ne réalise pas encore ce que je suis en train de vivre, c’est vraiment dingue, lâche Thomas Duruz. Côtoyer les meilleurs mondiaux dans l’un des événements les plus reconnus, c’est un truc de malade ! »
«Côtoyer les meilleurs mondiaux dans l’un des événements les plus reconnus, c’est un truc de malade ! »
Thomas Duruz, bénévole aux JO de Paris
« On se retrouve en face de gymnastes dont on est fans depuis tout petits, on les voit s’entraîner sous nos yeux au quotidien, c’est incroyable, renchérit Léa Segessenmann. On est sur une autre planète. »
Et à force d’assister aux entraînements des différents athlètes, les trois bénévoles arrivent de mieux en mieux à prédire les performances que les gymnastes vont produire en concours. « Les Françaises, on les a vues une fois, on s’est dit que ça n’allait pas aller, et ça ne s’est pas du tout bien passé lors des qualifications. Les Anglaises, on sentait aussi qu’elles étaient fébriles, et les deux qui ont pleuré à l’entraînement ont chuté en compétition. Ce sont des choses qui se ressentent rapidement », relève Ella Hirsbrunner. Il n’y a ainsi pas vraiment eu de surprise au niveau des performances et des contre-performances qui ont eu lieu sur les engins de la Bercy Arena jusque-là.
« On voit les gymnastes dans leur humanité. C’est-à-dire qu’on voit des pleurs, des pétages de câble, la façon parfois rude dont les coaches les traitent, donc on se rend vraiment compte de ce que ça demande pour arriver à un tel résultat en compétition, souligne Ella Hirsbrunner. Et cela permet de réaliser que ce ne sont pas des machines, qu’il leur arrive d’avoir peur, de chuter. On a aussi pu assister à l’évolution de certains passages, qui sont devenus de plus en plus maîtrisés au fil des jours. »
Les gymnastes ne multiplient cependant pas les passages sur les engins dans les salles d’entraînement. « Ils passent beaucoup de temps à s’échauffer, à faire du renforcement musculaire. Ils font très peu leurs éléments les plus difficiles, on a l’impression qu’ils se préservent pas mal pour les jours de compétition, note Thomas Duruz. Mais l’approche varie
selon les nations. Les Roumaines, par exemple, ont énormément été sur les engins, jusqu’à la veille de la première compétition, alors que l’Américaine Simone Biles se focalise plutôt sur les choses qui vont moins bien et n’a entraîné quasi que la poutre et les barres asymétriques. »
Le trio, qui profite d’être encore aux études pour vivre cette aventure sans avoir eu besoin de prendre congé, sait la chance qu’il a de pouvoir plonger ainsi dans la préparation des gymnastes olympiques, et savoure pleinement son expérience. « On vit un rêve éveillé » , sourit Thomas Duruz. « Je pense qu’une expérience comme ça, on ne la vit qu’une fois dans son existence », acquiesce Léa Segessenmann.
Leur aventure parisienne va sans l’ombre d’un doute rester gravée dans leur mémoire. «On aura tellement de souvenirs ! Il y a des échanges humains incroyables, des sourires partagés, et de sacrées anecdotes, glisse Ella Hirsbrunner, qui a failli éborgner un de ses gymnastes favoris par mégarde, en poussant une porte. J’avais envie de mourir sur place, mais il ne m’en a pas voulu, il m’a même souri… » Un moment inoubliable.
Un long questionnaire à remplir
Afin de pouvoir officier comme bénévoles aux Jeux olympiques, les trois Nord-Vaudois ont dû entamer les démarches il y a plus d’une année. « On a effectué une inscription en ligne en juin 2023, pour laquelle on a dû remplir un immense questionnaire, avec des questions un peu comme s’il s’agissait d’un entretien d’embauche, explique Léa Segessenmann. Puis on a attendu, longtemps, avant d’avoir une réponse positive en octobre dernier. On était hypercontents d’être pris les trois ensemble sur le site qu’on voulait. On aurait dû avoir une formation sur place avant les Jeux, mais on a été prévenus trop tard, ça ne jouait pas pour nous avec les TGV. Du coup, on a été formés un peu sur le tas en arrivant, mais on a très vite été rodés. »
Des avantages très limités
Si certains s’imaginent qu’œuvrer comme bénévole aux Jeux olympiques ouvre toutes les portes, la réalité est bien différente. « On a reçu nos tenues, des goodies, et les repas sur place sont offerts. Par contre, le logement est entièrement à notre charge, et il a fallu qu’on le trouve nous-mêmes, ce qui s’est avéré très compliqué, précise Ella Hirsbrunner. Mais on a fini par dénicher un super appartement, à environ une heure en transports publics du site où on est engagés. »
Et pas question de bénéficier de passe-droits pour assister aux compétitions: les trois bénévoles ne peuvent se rendre qu’aux épreuves pour lesquelles ils ont acheté des billets, comme n’importe quel spectateur.
Le trio nord-vaudois a craqué pour des places pour la gymnastique artistique, évidemment, et également pour du beach-volley, sous la tour Eiffel.