Orbe – A 94 ans, le peintre Bernard Viglino expose une sélection de ses œuvres à la Galerie Zwahlen. Le Chavornaysan porte un regard décalé sur ses créations teintées d’humour.
Il l’a baptisé Le Milliardaire: l’autoportrait de Bernard Viglino accroché à l’entrée de la Galerie Zwahlen, à Orbe, titille le visiteur dès son entrée dans l’espace d’exposition. «Je serai millionnaire en 2070 et milliardaire à la fin du siècle. J’ai eu une révélation», glisse, taquin, le Chavornaysan, qui a investi les lieux avec une sélection de ses œuvres, à découvrir jusqu’au 16 décembre. A 94 ans, il manie l’humour et l’autodérision à merveille. Et il ne se prend surtout pas au sérieux. S’il a passé sa vie à jongler avec les pinceaux et à multiplier les collages, c’est avant tout pour son plaisir. «J’ai fait de la peinture car j’avais les moyens de me le permettre, c’est un métier de pauvre, vous savez», glisse le retraité, dont le prix des œuvres se monte «à plusieurs milliers de francs».
Personnage incontournable dans la région, Bernard Viglino s’est fait connaître pour «ses grands travaux», comme il les appelle, en sa qualité de verrier et de mosaïste. Rien qu’en Valais, on dénombre près d’une trentaine de ses assemblages de tesselles. Et lorsqu’il n’était pas affairé sur l’un de ses chantiers, l’homme peignait, sculptait et transformait à peu près tout ce qui lui passait sous les yeux. «Il croule littéralement sous les œuvres», relève Christophe Zwahlen, qui a visité l’antre de Bernard Viglino, à Chavornay, pour choisir les 34 créations qui ornent actuellement les murs de la galerie. Une sélection pensée pour être représentative des différents styles de cet artiste touche-à-tout. «Il y a des piles de tableaux chez moi, note le nonagénaire. Monsieur Zwahlen a tout brassé et il a voulu présenter un mélange d’un peu tout!»
Tout, sauf les paysages
S’il serait impossible de résumer le travail de Bernard Viglino, la Galerie Zwahlen propose un condensé de décennies de création. Sur les murs, le regard du visiteur est happé tantôt par un nu aux formes géométriques, tantôt par un collage, tantôt par une représentation abstraite qui rappelle le travail de mosaïste du maître d’œuvre. Impossible d’y trouver une homogénéité, et c’est bien là la patte de l’artiste. «Tous les sujets m’intéressent», assure-t-il. Sauf peut-être les paysages: «Les champs de colza ou les clochers d’église, ce n’est pas mon truc! Moi, j’aime imaginer quelque chose qui sorte de l’ordinaire ou transposer un sujet…» Ses créations surprennent, et il s’en amuse: «Si vous veniez chez moi, vous verriez des choses un peu bizarres!»
A Orbe, Christophe Zwahlen a choisi de rehausser sa cheminée, jusqu’à la mi-décembre, avec le portrait d’une Joconde revue et corrigée. «Je l’ai vieillie pour m’amuser, rigole Bernard Viglino. Ils ont fait tellement d’histoires avec cette Joconde que je voulais montrer qu’elle prend aussi de l’âge!» Plus loin, l’artiste prouve qu’il sait aussi composer avec des figures plus contemporaines, et même carrément dans le vent. C’est ainsi que l’on retrouve la silhouette de Beth Ditto, leader du groupe de pop-rock Gossip, dans l’un de ses collages. «Je suis tombé sur sa photo dans un journal», explique le nonagénaire. Est-il seulement conscient qu’il joue là avec l’image d’une chanteuse mondialement connue? «Je sais! Mais je ne connais pas bien sa musique», glisse-t-il.
Bernard la bricole
Jamais à court d’idées et de petites formules bien senties pour qualifier ses tableaux, Bernard Viglino confie toutefois qu’il a lâché ses pinceaux il y a quatre ans, ne se sentant «plus la force» de peindre. Mais il n’a pas abandonné toute velléité créatrice pour autant. «Je bricole un peu», lâche-t-il, avant de dévoiler l’étrange bracelet barbouillé de couleurs qu’il porte au poignet. «C’est mon Sécutel (ndlr: un bracelet qui déclenche une alarme en cas de chute), s’esclaffe-t-il. Ils sont tellement vilains que je l’ai rendu encore plus vilain!»
Exposition à découvrir jusqu’au 16 décembre à la Galerie Zwahlen, à Orbe.