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De la carabine à la truelle

13 novembre 2014

Biathlon – Sébastien Testuz a mis une croix sur sa carrière de sportif pro. L’Yverdonnois de 23 ans, qui n’a pas réussi à percer, s’est reconverti dans la maçonnerie depuis cet été. S’il a rangé son arme, il n’abandonne pas les skis pour autant.

Sébastien Testuz construit sa nouvelle vie à l’aide de briques et d’outils, ceux de sa reconversion. © Michel Duperrex

Sébastien Testuz construit sa nouvelle vie à l’aide de briques et d’outils, ceux de sa reconversion.

C’est l’histoire d’un sportif qui, souvent contre les éléments, s’est battu pour se faire une place dans le milieu du biathlon mondial. Et qui n’y est finalement pas parvenu. A 23 ans, Sébastien Testuz a troqué sa carabine contre une truelle, celle de sa nouvelle vie, de la reconversion.

Une décision prise en janvier dernier, déjà, compte tenu des conditions d’entraînement dont il jouissait. Ou, plutôt, dont il ne bénéficiait pas. «Je ne pouvais plus espérer arriver au niveau requis pour aller plus loin, concède-t-il. J’ai essayé, je n’ai pas de regrets, ou alors uniquement dans le sens où, durant ma carrière, on m’a mis pas mal de bâtons dans les roues.»

Des batons dans les roues

Il n’a jamais caché ses différends avec certains responsables du biathlon à Swiss-Ski. On lui disait qu’il tirait faux, mais il faisait 10% de mieux que les autres lors des stages. On l’a bouté hors des cadres, et l’année suivante il remportait un titre national juniors. «Je me battais contre un mur», image celui qui, devenu apprenti maçon, en érige à présent.

Devant s’entraîner seul, il a fini par épuiser son énergie à rechercher des stands de tir -on lui a retiré le droit d’accéder à celui des Mosses-, à se déplacer sans cesse trop loin pour progresser. En aurait-il été autrement s’il avait encore fait partie des cadres nationaux? «En théorie, j’aurais eu plus de chances de percer. Mais même avec des conditions idéales, je n’y serais peut-être pas arrivé, relativise-t-il. On ne le saura jamais.»

Retour en salle de classe

Après mûre réflexion et maintes discussions, il a estimé qu’il était temps, pour lui, de changer de cap. «Mes amis ont fini leur formation professionnelle, ils ont des appartements…», énumère-t-il. Ses sacrifices à lui n’ont pas abouti au résultat escompté, même s’il a vécu de magnifiques années à se consacrer à son sport.

Habitué à faire des petits jobs l’été, il a finalement opté pour la maçonnerie, et ainsi rester à l’extérieur, en pratiquant un métier physique, ce qu’il apprécie. «Maintenant, je sais où je vais, dit-il, assurant n’avoir pas rencontré trop de difficultés à s’adapter à son nouveau quotidien. Je tâche de conserver, dans ma vie de tous les jours, la rigueur nécessaire dans le sport.» Par ailleurs, s’il appréhendait un peu le retour sur les bancs d’école, tout se passe bien. «Et je ne suis même pas le plus vieux de ma classe!»

Le sport, toujours

S’il a rangé sa carabine, Sébastien Testuz n’a pas, pour autant, abandonné le fond. Loin de là. Il s’aménage, dans la mesure du possible, quatre entraînements de course à pied ou de ski à roulettes la semaine, après le travail, et deux ou trois séances le week-end. Pour se préparer pour la saison de ski de fond. De sportif pro, il est passé au statut d’amateur assidu, en somme. «J’ai dû rester au repos une semaine, récemment, après une commotion. C’était insupportable de ne rien faire», lance-t-il, lui qui a tant besoin de se dépenser.

Ses nouvelles aspirations se portent vers les courses de longue distance. La Mara, le Marathon d’Engadine, les Championnats de 50 km, par exemple. «Peut-être irai-je même à l’étranger dans les années à venir, pour participer à des épreuves comme la Vasaloppet », envisage-t-il, lui qui pourra s’entraîner intensément cet hiver, quand son employeur fermera durant un mois.

Sa situation lui permet désormais aussi de redécouvrir des plaisirs de la vie qu’il ne s’autorisait plus. «Je refais un peu de grimpe, évoque-t-il. Et, quand je vais m’entraîner, ma copine me suit de temps en temps, à roller ou en vélo.» Le début d’une nouvelle histoire.

 

Souvenirs de carrière

Souffrance et joie. Comme tous les sportifs, Sébastien Testuz est accro aux émotions qui rendent le sport si particulier. De sa carrière de biathlète, auquel il s’est pleinement consacré de 16 à 22 ans, il se souvient surtout de son titre national, en juniors, à Ulrichen. «Il y avait tout qui allait ce jour-là. Comme l’on dit dans le jargon, j’étais dans la zone. Je tirais sur un nuage et, à ski, j’étais parvenu à me faire violence comme rarement», se remémore-t-il.

Au rayon des grands moments de sa carrière, il évoque encore, bien évidemment, les relais au Festival olympique de la jeunesse, en 2009, et, l’année suivante, aux Mondiaux juniors. «C’est quelque chose de très spécial. On court pour l’équipe, pour le pays», dit-il, une pensée pour tous ceux qui l’ont soutenu -entraîneurs, partenaires et proches, surtout ses parents- durant ces années. «Ils m’ont permis de vivre mon rêve.»

 

Carte d’identité

Nom: Sébastien Testuz.

Age: 23 ans.

Domicile: Yverdon.

Profession: Apprenti maçon depuis cet été.

Palmarès sportif: Deux titres de champion suisse de biathlon (OJ et juniors), deux titres de champion suisse de ski de fond (relais) et de multiples médailles nationales dans la discipline double.

Il a participé au Festival olympique de la jeunesse européenne 2009 en Pologne (notamment 5e du relais mixte), ainsi qu’aux Championnats du monde juniors 2010 en Suède (notamment 7e en relais) et à neuf courses de l’IBU Cup, la deuxième division mondiale du biathlon.

Manuel Gremion