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De l’Ecole d’ingénierie à l’Amazonie

16 janvier 2016

Yverdon-les-Bains – Ancien étudiant à la HEIG-VD, Louis Reymondin est, aujourd’hui, l’ingénieur du premier système de détection de la déforestation en Amérique latine. Rencontre.

Les changements de couleurs entre les zones intactes et les zones déforestées de la forêt amazonienne sont détectés par les satellites de la NASA et analysés, en temps réel, par le programme Terra-i. © Terra-i project

Les changements de couleurs entre les zones intactes et les zones déforestées de la forêt amazonienne sont détectés par les satellites de la NASA et analysés, en temps réel, par le programme Terra-i.

Avoir un aperçu de l’étendue et de la progression de la déforestation en Amérique latine, en un clic de souris, depuis son ordinateur, est aujourd’hui possible. Louis Reymondin, ancien étudiant à la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD), a participé au développement du programme Terra-i, le premier système de détection et de surveillance satellitaire de la déforestation, en temps réel. Lancé lors de la Conférence des Nations-Unies de Rio de Janeiro, en 2012, le programme connaîtra, au printemps prochain, une nouvelle évolution. Les données, jusque là récoltées essentiellement sur les forêts primaires sud-américaines, seront étendues aux tropiques de toute la couverture terrestre, et accessibles à tous.

Terra-i, qui peut être traduit de l’anglais par «un oeil sur le changement climatique», est le fruit de six années de recherche et de collaboration entre la HEIG, à Yverdon, le Centre international de recherche en agriculture tropicale (CIAT) en Colombie et le King’s College de Londres, en Angleterre. Autant d’années auxquelles a pris part l’informaticien Louis Reymondin, et autant de pays dans lesquels il a résidé, afin de mener à bien le projet.

Louis Reymondin, l’un des ingénieurs du système Terra-i. © Simon Gabioud

Louis Reymondin, l’un des ingénieurs du système Terra-i.

En 2006, dans le cadre de son travail de diplôme à l’Ecole d’ingénierie d’Yverdon-les-Bains, le Vaudois de 31 ans a participé aux prémices du développement du système informatique de surveillance de la déforestation. Suite à cela, il s’est envolé pour la Colombie, afin de développer le projet, en collaboration avec le CIAT. Il n’en est jamais reparti. Dix ans plus tard, le système a beaucoup évolué, allant même jusqu’à séduire les gouvernements sud-américains, soucieux de l’évolution de leur couvert forestier.

La question des enjeux environnementaux n’a jamais été autant politisée qu’aujourd’hui. La COP 21, qui s’est tenue à Paris en décembre dernier, en témoigne. «La déforestation des zones tropicales, notamment en Amérique latine, malgré une tendance à la baisse dans certains pays, se poursuit à un niveau très élevé, depuis plusieurs décennies, relate Louis Reymondin. Globalement, nous n’assistons pas à une période de décroissance de la déforestation, mais à une période de désaccélération.» Surveiller la couverture forestière constitue un enjeu crucial pour qui entend évaluer les impacts nocifs qui en découle, notamment sur la biodiversité et le climat. C’est sur cet aspect précis que l’ancien étudiant s’est penché.

«Le système Terra-i utilise des images fournies par les satellites de la NASA, poursuit l’informaticien. Le traitement des ces données permet de surveiller l’évolution du couvert forestier; un pixel correspond à une surface de 250 m2. Des bio-algorithmes se chargent d’analyser les variations de couleurs: si certains pixels passent du vert au brun, on suspecte fortement une déforestation massive dans la zone.» Les données étant mises à jour de façon hebdomadaire, ce système permet une surveillance en temps quasi-réel de la surface forestière terrestre.

La forêt est un bien économique non-négligeable pour bon nombre de pays tropicaux, de par leur source de revenus essentielle, notamment pour les communautés locales. Il n’est, ainsi, pas étonnant que certains gouvernements nationaux démontrent un intérêt marqué pour l’outil de surveillance. «Nous travaillons actuellement avec le Pérou, qui souhaite détecter des zones de déforestation aiguë, qui trahiraient l’existence d’activités minières dans la région. Tout se fait en lien avec les gouvernements. C’est le nerf de la guerre.»

Si, jusqu’à récemment, le système ne couvrait que l’Amérique latine, ce dernier étendra prochainement la surveillance forestière aux tropiques dans leur ensemble, Asie et Afrique, compris. Louis Reymondin s’en réjouit: «Les forêts tropicales du continent africain demeurent parmi les zones les moins touchées par la déforestation. Il existe une possibilité de conscientiser les populations locales quant aux différents enjeux environnementaux.» Une belle et réelle opportunité de donner un peu d’air au poumon de la planète, déjà bien mal en point.

Simon Gabioud