De très fins dégustateurs
30 octobre 2024 | Textes: Jérôme Christen | Photos: Gabriel LadoEdition N°3820
Voilà cinq ans que le Comptoir suisse a tiré la prise, mais une de ses emblématiques traditions s’est perpétuée, à savoir le concours de dégustation de vin du Chapeau Noir. Le lauréat 2024 est Ludovic Lin de Thierrens, le chapeau blanc Isabelle Bonhôte d’Yverdon-les-Bains et le chapeau vert Julie Martin d’Aigle. Ils ont décroché ces couvre-chefs dans le cadre de l’Expo de Coss à Cossonay-Ville au terme de trois épreuves: découverte des millésimes blancs, des millésimes rouges et des appellations. Portrait des deux vainqueurs régionaux.
Le Chapeau Noir, organisé par l’association le Cept’ique, est une des quinze manches du Verre d’Or qui établit le classement des meilleurs dégustateurs. Les deux vainqueurs régionaux ont aussi pu faire une belle remontée au classement général où Isabelle Bonhôte est 5e et Ludovic Lin 9e après huit épreuves sur quinze.
Près de 60 personnes ont participé à cette dégustation. Une fréquentation en hausse, mais qui fait suite à une baisse ces dernières années. Le message de Charles-Emile Cuhat, responsable de l’organisation, est passé: «Nous nous sommes mobilisés», explique le chapeau noir Ludovic Lin. «J’ai amené quatre copains qui ne sont de loin pas des experts, ils ne sont pas entraînés, mais ils ont eu du plaisir. Dylan Reist de Chanéaz a même fini 2e meilleur des moins de 30 ans à 3 points du chapeau vert. Il est content et se réjouit de revenir l’an prochain, c’est motivant ! Il y a certes un esprit de compétition, mais l’idée est surtout de passer un bon moment.»
Travailler dans le secteur alimentaire
Le chapeau noir 2024, âgé de 31 ans, n’est pas vraiment un vieux briscard de la dégustation, mais le vin, il commence à le connaître, notamment en tant que professionnel du vin. Après son gymnase à Yverdon, Ludovic Lin, enfant de Thierrens, n’avait pas trop d’idées sur le métier qu’il souhaitait exercer, mais il en avait tout de même une en tête: travailler dans le secteur alimentaire. Lorsqu’il a parcouru la liste des HES, il est vite tombé sur la Haute école de viticulture et œnologie de Changins qu’il a entamée après un an de stage à la Cave communale de Pully. Sorti diplômé en 2017, il a travaillé deux ans chez Raymond Paccot à Féchy avant d’exercer depuis 2020 la fonction de chef de vinification chez Fauquex à Riex dont il avait entendu parler par son camarade de Changins, Basile Neyroud de Chardonne.
Culture du vin parentale
Cette passion pour la dégustation, il l’a découverte chez son employeur actuel. Laurence Fauquex a d’ailleurs été chapeau noir en 2013. Denis, son mari décédé en 2020, était organisateur du concours du temps du Comptoir suisse et leur fille Emilie a été chapeau blanc en 2023. Mais une graine avait été semée bien avant. «Il y a toujours eu cette culture du vin chez mes parents. Mon papa a une belle cave et il a toujours sorti de bonnes bouteilles le dimanche lors des repas de famille.»
«Cela se joue à rien!»
Son succès, Ludovic Lin le dédie aussi à ses amis vignerons Frédéric Hegg et Franco Bianco, Bernard Gorjat et Beat Blatter qui l’ont initié à l’art de la dégustation : «Avec les Fauquex, ils m’ont appris plein de choses. Presque chaque fois qu’on boit un verre, on chemise les bouteilles. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement. C’est ma 3e participation au Chapeau Noir. Depuis deux ans je suis très assidu, c’est devenu une passion, j’essaie de faire un maximum de manches du Verre d’Or.»
Il savoure d’autant plus sa victoire qu’il a été le vainqueur absolu de la manche, devant les autres chapeaux noirs (on ne peut l’être qu’une seule fois) : «J’étais surpris, ce n’est pas quelque chose qui arrive tous les jours! Cela peut se jouer à un rien. Je suis plutôt mal parti dans la première manche, mais dans l’épreuve des millésimes blancs, j’ai décidé une inversion du 2018 avec le 2019 au dernier moment en me fiant à la bouche plutôt qu’au nez. Il faut tenir compte d’une multitude de critères et choisir les plus pertinents. Et il faut rester modeste, j’aurais très bien pu terminer dernier si j’avais fait les mauvais choix…»
Sur le plan professionnel, Ludovic Lin restera chez les Fauquex tant que cela sera nécessaire. Après le décès de son papa, sa fille Emilie a entamé son cursus à Changins: «Après quelques expériences professionnelles ailleurs, elle reprendra le domaine familial. C’est elle qui décidera quand elle aura envie de revenir.»
Des projets pour l’avenir
De son coté, Ludovic Lin a créé récemment la société Esprit chasselas avec laquelle il fait de la dégustation et vente de Chasselas à domicile. Il initie les intéressés aux différents terroirs et aux millésimes. Il a également un autre projet qu’il pense lancer au printemps prochain: un système de livraison pour les vignerons où il se fera payer en bouteilles pour les revendre et participer ainsi à leur promotion.