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Des décisions qui mettraient de l’huile sur le feu
Julien Gavillet, 36 ans, distribue, au total, 82 tonnes de graines sèches de colza et de tournesol produites dans l’exploitation familiale au Centre agricole d’Yvonand, une société coopérative. © Carole Alkabes

Des décisions qui mettraient de l’huile sur le feu

8 février 2018 | Edition N°2181

Des négociations sur des accords de libre-échange entre la Suisse et les deux principaux pays exportateurs d’huile de palme, la Malaisie et l’Indonésie, sont en cours et pourraient conduire à une augmentation de l’importation de cette denrée. Les producteurs suisses de colza et de tournesol seraient directement touchés par cette concurrence significative. Prise de température dans la région.

«Le futur n’est pas très réjouissant. L’agriculture est en plein changement.» Julien Gavillet, 36 ans, et son frère Laurent, qui a un an de moins, ont repris l’exploitation agricole familiale en 2017, lorsque leur père a pris sa retraite. L’aîné de la fratrie est bien conscient des enjeux, actuels et futurs, liés au monde paysan:

«Nous avons subi une  baisse des prix agricoles depuis quelques années», déplore le Nord-Vaudois. Qui sait que le futur de sa profession passera inévitablement par l’agriculture biologique et qu’il faudra s’adapter à ce nouveau mode de production.

Mais ce qui le désole actuellement, ce sont les négociations relatives à des accords de libre-échange que la Suisse est en train de mener avec la Malaisie et l’Indonésie, deux pays qui fournissent 85% de la production mondiale d’huile de palme, un concurrent direct du colza et des tournesols locaux. Ces fournisseurs de l’Asie du Sud-Est réclament une exonération des droits de douane pour l’exportation de leur précieux nectar en Suisse.

Dans les champs de la famille Gavillet, qui s’étendent entre la commune de Donneloye et celle d’Ursins, on trouve de la betterave sucrière, du maïs, des céréales (de l’orge et du blé), mais aussi, justement, du colza et des tournesols, qui font partie des plantes oléagineuses. Ces dernières sont étalées sur environ 33% de la surface cultivable du domaine des Gavillet, soit 24 hectares, et représentent 25 à 30% des recettes de l’exploitation.

Une réponse attendue

«Il y a une disparité entre les discours écologiques que l’on donne d’un côté, et le fait d’ouvrir les frontières de l’autre.» Après avoir déposé une interpellation en février 2017, le conseiller national Jean-Pierre Grin, lui aussi agriculteur dans le Nord vaudois, interviendra, à nouveau, lors de la prochaine session parlementaire, qui débutera le 26 février prochain.

«Je vais faire pression auprès du Conseil fédéral, avant que les accords ne soient conclus», annonce l’agriculteur de Pomy, qui posera une question le premier jour de la session, obligeant l’organe exécutif de la Confédération à donner une réponse la semaine suivante.

«Il faut que les autorités fédérales reconnaissent les problèmes liés à l’agriculture, mais aussi les ennuis sociaux et écologiques que ces accords pourraient apporter en Suisse, et dans ces pays exportateurs», renchérit Andrea Koch, responsable de communication au sein de la Fédération suisse des producteurs de céréales (FSPC).

En effet, d’après Andrea Koch, les agro-industries basées en Malaisie et en Indonésie n’hésitent pas, par exemple, à expulser des paysans locaux de leurs terres pour faire pousser des palmiers à huile, et augmenter le rendement de ce juteux business. Déforestations, émissions de CO2 alarmantes, atteintes à la biodiversité accompagnent également ces productions industrielles. «Les politiciens suisses doivent se coordonner, sinon on peut arrêter l’écologie et les actions visant à éviter le réchauffement climatique», conclut Andrea Koch.

Gianluca Agosta