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Derrière les portes de La Lance
La bibliothèque, au néoclassicisme affirmé, installée par les Pourtalès dans l’ancienne église.

Derrière les portes de La Lance

29 avril 2025 | Textes: Robin Badoux | Photos: Michel Duvoisin
Edition N°3934

Longtemps restée en retrait du monde, l’ancienne chartreuse de La Lance se révèle de nos jours au public par des visites, des concerts et du terroir. Une manière de faire vivre et faire parler les murs d’un monastère jusque-là plongé dans le silence.

Un lieu isolé, en marge des affaires du monde, au bord du lac de Neuchâtel près de Concise. C’est là que les moines chartreux trouvèrent leur désert au XIVe siècle pour s’adonner à une vie de réclusion, de prières et de silence.

Fondée par Othon 1er, le même seigneur qui fit bâtir le château de Grandson, l’ancienne chartreuse de La Lance demeure une singularité dans le paysage patrimonial de la région.

Un patrimoine qui se révèle aux visiteurs à travers un cycle de visites guidées, de portes ouvertes et de concerts de musique. Une de ces visites s’est d’ailleurs déroulée samedi dernier. Guidés par l’historien et expert des monuments Daniel de Raemy – par ailleurs coauteur avec le professeur Bernard Andenmatten de l’Université de Lausanne de l’une des rares publications sur La Lance –, une quinzaine de visiteurs ont ainsi découvert ce lieu chargé d’histoire, bien dissimulé dans le val de la Lancy, dont le ruisseau du même nom faisait office de frontière entre la seigneurie de Grandson et le comté de Neuchâtel. «Pour les chartreux, la forêt devient l’équivalent alpestre du désert, explique Daniel de Raemy. Il s’agit d’un ordre ascétique très rude qui prône une vie d’ermite, où le silence est très important, mais en communauté.»

Du maniérisme avant l’heure

Tout au long de la visite, des témoins de cette époque monastique font leur apparition. Cela commence par le cloître gothique avec ses sobres colonnettes, le seul cloître à avoir survécu en terres vaudoises. «C’est du maniérisme avant l’heure», s’amuse l’historien en désignant les trilobes et les décors représentés sur la pierre. Surgit ensuite une trappe qui servait à faire passer la nourriture au frère prieur sans qu’aucun contact visuel ne puisse se faire avec les serviteurs.

Puis viennent les éléments exogènes. Car avec l’arrivée du protestantisme, les moines sont forcés de quitter La Lance, qui est vendue comme résidence privée à Jacques Tribolet, châtelain de Berne et Fribourg. C’est lui qui choisit de conserver le cloître, comme d’autres éléments conventuels, tout en prenant la décision de transformer l’église en cave et en pressoir. Puis le domaine passe de propriétaire privé en propriétaire privé. Ainsi, en 1794, La Lance est rachetée par la famille des Pourtalès de Neuchâtel, qui fait construire une grande bibliothèque dans l’église, entre autres aménagements. Aujourd’hui encore, La Lance est une propriété privée (encadré).

À l’instar du château de Grandson, le domaine de La Lance est un site classé à l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale avec la note 1, la plus importante. Le cloître et l’église sont également des monuments historiques classés dans l’inventaire vaudois. Des classifications contraignantes lorsqu’il s’agit d’entretenir et d’aménager un tel monument, mais qui assurent la conservation du lieu.


Infos pratiques

Prochaines visites à La Lance:

Les samedis 5 juillet et 16 août à 14h. Prix: 20 francs cash.

Prochain concert:

Samedi 14 juin (19h), Quatuor Amoroso. Dans le cloître.

Réservations:
reservation@lalance.ch

Programme complet:

https://www.lalance.ch/


Patrimoine à choyer

L’ancienne chartreuse de La Lance demeure, aujourd’hui encore, une propriété privée. Il s’agit en réalité d’une hoirie, celle de Hugues Jéquier, qui acheta le domaine en 1927. Laurence de Chambrier, une des héritières, s’échine ainsi à animer et conserver ce joyau du patrimoine local, qui demande des soins constants. «C’est le grand-père de mon mari qui a acquis le domaine, précise-t-elle. Le défi, aujourd’hui, c’est de l’entretenir. Sinon, comme certains châteaux en France, il risquerait de tomber en ruine.»

Une grande partie des revenus de La Lance proviennent des loyers perçus dans la propriété.  Deux appartements ont ainsi été aménagés dans l’ensemble. Un jardinier permaculteur, dont les talents sont très appréciés sur place, s’est également installé sur la propriété. Parallèlement, les huit hectares du domaine sont exploités par la famille Sandoz, active à La Lance depuis cinq générations. Cette dernière, comme les moines d’autrefois, cultive toujours la vigne.

Le domaine se veut aussi ouvert aux visiteurs grâce à des visites historiques, des concerts et des portes ouvertes. Malgré tout, les difficultés demeurent.

«Nous avons de moins en moins de soutiens financiers, constate Laurence de Chambrier. Les concerts de cette année seront peut-être les derniers. Il faut tout le temps réfléchir pour trouver des sous.» Il faut dire que le lieu demeure assez méconnu du public. «Les gens qui viennent sont toujours étonnés de découvrir La Lance.»

L’héritière reste, malgré tout, optimiste. Elle peut notamment compter sur l’enthousiasme de son équipe, son mari notamment, mais aussi Muriz Djurdjevic, qui a repris la direction architecturale du domaine de La Lance il y a trois ans. «Le défi, désormais, c’est de rendre le domaine encore plus habitable. Car plus le bâtiment est habité, en hiver notamment, où il fait très froid, mieux il sera entretenu», appuie l’héritière.

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