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Des grains au flacon
Même s’ils étaient habillés pour l’occasion (l’événement a eu lieu le 31 octobre), Adrien Marin et Billy Allenspach ont présenté leur art avec beaucoup de sérieux.

Des grains au flacon

5 novembre 2024 | Texte: Robin Badoux | Photos: Gabriel Lado
Edition N°3824

La Pile, à Yverdon, a servi de cadre à une rencontre particulière: une dégustation et une présentation dédiée au whisky proposées par deux producteurs passionnés de la région.

Il y avait du monde le soir d’Halloween à La Pile. Et pour cause, à côté des tables du restaurant et des murs d’escalade, empruntés par une foule de grimpeurs ce soir-là – certains déguisés en vampire ou autres monstres –, une quinzaine de visiteurs se sont réunis pour découvrir les secrets de la fabrication du whisky. Une activité proposée dans un cadre atypique par Adrien Marin et Billy Allenspach, qui se sont lancés dans la fabrication de ce breuvage il y a cinq ans à Vallorbe. «Là où certains producteurs tentent de faire du haut de gamme, nous, on essaie de montrer une image proche des gens. C’est pour ça qu’on est là ce soir à La Pile», fait remarquer Billy Allenspach.

Les secrets du whisky

Les participants, grâce aux explications éclairées de leurs deux hôtes – qui se décrivent plus comme des amateurs de whisky que de grands connaisseurs –, ont pu découvrir les différentes étapes d’élaboration du breuvage ambré, notamment grâce à des dégustations du whisky à différentes étapes de sa fabrication.

Il était ainsi proposé de goûter directement le produit de base: l’orge. «Avec la salive, ces grains sont légèrement sucrés», explique Adrien Marin. Il faut en effet faire germer ces grains pour activer les enzymes qui convertiront l’amidon en sucre. Ensuite intervient la torréfaction. C’est à ce moment que certains producteurs utilisent de la tourbe, donnant ce goût fumé caractéristique au whisky.

Après quoi interviennent, dans l’ordre, le brassage – qui donne le moût –, la fermentation – où l’ajout de levure commence à transformer le sucre en alcool – et la distillation, qui donne trois produits: l’alcool de tête, de cœur et de queue. Seul le «cœur» est conservé pour devenir du whisky.

Ensuite vient l’étape fondamentale de la maturation en fût de chêne. «A ce moment, le brut de colonne, obtenu après distillation, est encore transparent. Ce n’est qu’après son contact prolongé avec le fût qu’il prendra sa couleur ambrée», explique Billy Allenspach, qui ajoute: «Nous avons l’avantage de pouvoir stocker nos fûts dans les grottes de Vallorbe, où il y a quasiment 100% d’humidité naturellement, alors que dans d’autres caves, il faut atteindre 70% d’humidité par brumisation.»

Au fil des années, le taux d’alcool diminue progressivement dans le fût à cause de l’évaporation – la part des anges – et les arômes se développent grâce aux échanges entre l’alcool et le bois. Des fûts de bourbon donneront par exemple des arômes de vanille et de caramel. «Dans notre cas, nous avons un effet d’osmose inverse. Quand l’alcool sort, l’humidité rentre. Ce qui fait que nous n’avons pas de perte de volume. En revanche, il ne faut pas laisser les fûts maturer là trop longtemps pour éviter que l’alcool ne se dilue trop.»

Le whisky doit maturer ainsi durant au minimum trois ans pour obtenir l’appellation «whisky», mais, avant la mise en bouteille, le processus peut être bien plus long. Vient enfin l’étape du mélange – à moins de produire un single malt, un whisky provenant d’un seul fût – où le fabricant peut mélanger divers alcools, provenant de différents fûts. Chaque fût donnant des arômes variés en fonction de ses utilisations précédentes.

«Nous, on propose un produit encore adolescent, car la maturation peut durer dix ans», explique Adrien Marin, par ailleurs patron de la brasserie La Concorde à Vallorbe, et auteur donc de la fameuse Vallorbière. «La bière est un produit de consommation courant. Je me suis lancé dans le whisky, parce que je cherchais une denrée plus calme avec plus de valeur ajoutée sur le long terme. Les deux produits se complètent donc bien», explique l’alchimiste, qui avoue adorer inventer de nouvelles saveurs: «J’ai un ami à Féchy qui a produit un whisky qui a très bien marché. Depuis il ne fait plus que ça. Moi ce n’est pas mon truc. Je veux développer de nouvelles idées et partager ma passion avec le public.»

Infos: the-cave.ch

brasserielaconcorde.ch