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Des «mesurettes» pour sauver la pêche

16 octobre 2019 | Edition N°2603

Nord vaudois – Le Conseil d’État a apporté, au début du mois, des réponses aux vives inquiétudes des pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel. Ces derniers les jugent toutefois très insuffisantes.

Tirer les cormorans, modifier le maillage des filets à bondelles, doubler le nombre autorisé de nasses à écrevisses, verser une rétribution, accorder une dérogation quant à une activité annexe. Voici quelques-unes des dispositions prises par les autorités cantonales pour venir en aide à une profession en souffrance. Depuis le début du XXIe siècle, la population de cormorans a augmenté de façon importante tandis que le rendement de la pêche a subi une baisse drastique ces deux-trois dernières années.

Compliqué de descendre ces volatiles?

Les cormorans sont piscivores et engloutissent plusieurs centaines de tonnes de poissons, par année, depuis 2017. Ces oiseaux nichent dans les réserves du lac de Neuchâtel et il est donc interdit de limiter leur prolifération, en agissant avant le début de la reproduction.

Depuis le mois de septembre, des gardes-faune des trois cantons concernés– Vaud, Neuchâtel et Fribourg – ont pour mission de tirer des cormorans. À ce jour, très peu d’individus ont été abattus. «Ce n’est pas très pertinent d’agir maintenant, étant donné qu’un nombre important de cormorans a déjà migré vers des territoires plus chauds. Ceux que l’on voit maintenant sur le lac viennent du nord de l’Europe et ne font que transiter. Il faut s’en occuper à la fin mars-début avril, pour que cela soit vraiment utile», affirme Pierre-Alain Chevalley, pêcheur à Yvonand.

Dès septembre 2020, les pêcheurs pourront obtenir un permis de chasse gratuit, afin d’éliminer les cormorans à proximité de leurs filets. Ce qui ne satisfait pas Alain Oberson, actif du côté de Corcelles-près-Concise. «Ces oiseaux sont méfiants et on devra se trouver à moins de 50 mètres pour les tirer, ce qui n’augure rien de bon, déclare-t-il. Dans le passé, nous voulions procéder à la destruction d’une partie des œufs de cormorans mais, à la suite d’oppositions, cela avait été interdit. Espérons que cela devienne possible dans un futur proche.»

Un petit cadeau en espèce

Les pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel ont reçu cette année une somme de 2500 francs des pouvoirs publics, «pour leurs prestations en lien avec les travaux et expertises conduits sur le lac par les cantons concordataires (Vaud, Neuchâtel et Fribourg)», selon le Conseil d’État. Un montant largement insuffisant pour Pierre-Alain Chevalley: «Il s’agit d’un versement unique très faible au vu de notre contribution. Nous attendons maintenant des solutions durables de la part de la Confédération afin d’assurer la pérennité de la pêche professionnelle sur nos lacs.» Parmi les mesures que l’Exécutif cantonal prévoit de prendre figure la réduction de la maille des filets à bondelles. Un maillage plus petit serait mieux adapté à la baisse de croissance des poissons constatée ces dernières années. «Je ne suis pas vraiment convaincu, car il n’est pas facile de tailler des bondelles plus petites. On risque de tout réduire en charpie et, quand bien même ce ne serait pas le cas, elles se vendront peut-être moins bien», prévoit Alain Oberson.

Les écrevisses ne sont pas la panacée

Enfin, les pêcheurs auront l’occasion de diversifier leurs prises avec le doublement autorisé du nombre de nasses à écrevisses. Dans le milieu, on juge cela insuffisant. «Ce sont des mesurettes! Ces espèces sont invasives parce qu’elles menacent celles qui sont indigènes. On ne devrait tout simplement pas limiter le nombre de nasses. Pour ma part je n’ai pas d’écrevisses Signal la bonne à manger sur la rive sud, mais de l’Orconectes, celle qui n’est pas consommable», estime Pierre-Alain Chevalley.

Yanik Sansonnens