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Des outils pour assurer leur autonomie
Christelle Luisier Brodard assure que le Conseil d’Etat mènera ce dossier jusqu’au bout. Keystone-ats-a

Des outils pour assurer leur autonomie

22 mai 2025 | Textes: Jérôme Christen
Edition N°La Région Hebdo No 12

L’avant-projet de loi sur les communes n’est pas avorté, mais il prendra plus de temps que prévu. Pour la conseillère d’État Christelle Luisier Brodard, une refonte est indispensable car elle répond à une demande des communes. Dans un entretien accordé à La Région, elle en précise les enjeux.

La loi sur les communes, qui régit leurs relations avec l’Etat de Vaud et précise toutes les règles auxquelles elles sont soumises, date de 1956. Elle est donc bientôt septuagénaire. Même si elle a subi plusieurs ajustements, elle n’a jamais fait l’objet d’une refonte totale «alors que les tâches des communes et les défis auxquels elles sont confrontées ont grandement évolué et sont devenus de plus en plus complexes», peut-on lire en préambule du projet mis en consultation en février.

Une réforme d’envergure était-elle nécessaire?

L’objectif est de se projeter sur les dix à vingt prochaines années et d’avoir des communes autonomes et fortes. La mise en consultation de l’avant-projet a été précédée d’un pré-sondage auprès des communes pour déterminer quels étaient les thèmes qu’elles souhaitaient voir traiter. Il y a des avis divergents sur les réponses à apporter, mais sur les quatre thèmes à aborder, nous étions d’accord. Il s’agit du fonctionnement des autorités communales, du rôle de l’Etat à l’égard des communes, des finances communales et de l’intercommunalité. Dans le comité de pilotage et les groupes de travail, les communes étaient représentées non seulement par l’UCV et l’ADCV, mais également par des boursiers et secrétaires municipaux. L’avant-projet de loi mis en consultation est issu de nombreux échanges.

Certaines communes critiquent l’affaiblissement du rôle de syndic qui passerait de chef à coordinateur. Allez-vous revenir en arrière sur ce point?

Il n’a jamais été question d’affaiblir le rôle du syndic. Ce qui a été supprimé, c’est l’obligation de dénoncer. La compétence d’engager la force publique appartient déjà au préfet. Il est difficile d’attendre du syndic qu’il dénonce en personne toutes les infractions poursuivables d’office sur le territoire de sa commune, mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas le faire. Le syndic reste un primus inter pares avec le même pouvoir de surveillance sur les dicastères de ses collègues. Ses compétences principales demeurent inchangées. Nous proposons de permettre aux municipalités de pouvoir retirer l’administration générale au syndic lorsque les circonstances le justifient.  Cet assouplissement a été demandé par les communes pour les cas où un syndic dysfonctionne ou lorsqu’il le demande lui-même.

Les mesures visant à une professionnalisation des administrations  et à devoir  disposer d’un service de l’urbanisme ont mal passé.  N’est-ce pas un levier pour conduire les communes à des fusions?

Toute commune demeure libre de ses décisions. Les fonctions clés d’une commune sont le secrétaire municipal et le boursier. Les élus, qui demeurent des miliciens, s’appuient sur une administration disposant des compétences nécessaires à l’accomplissement des tâches légales et à la fourniture des prestations à la population. Les communes continueront à disposer des mêmes compétences, qu’elles aient 60 ou 150 000 habitants. Nous proposons de mettre sur pied des formations gratuites pour les boursiers et les secrétaires municipaux, ce qui a été très bien reçu. L’aménagement du territoire représente un défi crucial pour les collectivités. A l’entrée en vigueur de la LAT, 169 communes ont dû revoir leur plan d’affectation (PACom) en lien avec le surdimensionnement des zones à bâtir, alors que d’autres travaillent sur des plans directeurs régionaux. Elles peuvent, par exemple, mettre sur pied des bureaux techniques intercommunaux, comme cela se fait déjà d’ailleurs.

La question de l’intercommunalité est également très sensible…

Les communes souhaitent traiter cet enjeu depuis longtemps. L’intercommunalité a beaucoup d’avantages, mais aussi des inconvénients. Ses membres sont parfois tiraillés entre les intérêts de leur commune et ceux de l’association ou entité régionale. Dès que les communes délèguent certaines compétences aux structures intercommunales, elles perdent une partie de leurs prérogatives, ainsi que partiellement la maîtrise de leur budget. Ce faisant, il y a potentiellement une perte de pouvoir communal sur les arbitrages financiers et politiques.

Ne devrait-on donc pas imaginer une gouvernance régionale qui réponde à un organe délibérant régional?

Cela a été discuté dans le cadre de la Constituante et il y a été renoncé car notre système démocratique est déjà bien sectorisé. Si aux trois niveaux institutionnels que sont la Commune, le Canton et la Confédération, on ajoute une strate régionale, le système et le fonctionnement s’alourdissent. Dans les groupes de travail, cette question n’a pas été retenue. Il vaut mieux renforcer l’échelon communal quitte à voir des regroupements de communes. Nous ne voulons pas contraindre à la fusion, ce n’est pas l’objectif. Cela dit, il vaut mieux parfois sans doute avoir une commune, comme à la vallée de Joux, pour appréhender l’ensemble des questions relatives à la gestion communale, dont bon nombre, de plus en plus même, sont à l’échelle intercommunale.

Comment expliquez-vous que certaines propositions soient autant contestées?

Il est normal, logique même, qu’il y ait beaucoup de discussions et que les communes réagissent. La mise en consultation d’un avant-projet de loi ne vise pas autre chose que de permettre aux entités ou personnes concernées de se prononcer. Sur les constats et les enjeux nous sommes d’accord, mais pour les résoudre, il n’est pas évident de trouver le meilleur chemin. Il n’y a ni baguette magique ni œuf de Colomb. Certaines propositions ont peut-être été mal comprises. Comme celle qui demande que les municipalités présentent un programme de législature, soit leur vision pour les cinq ans à venir, en relation avec leur planification des investissements. Une vision, c’est l’essence même d’un organe politique. Il n’a jamais été dans l’intention du Conseil d’Etat de dicter son contenu. Je ne vois pas ces réactions comme une marque de défiance, mais comme un signe de vitalité. Une loi sur les communes est faite pour les communes et par les communes.

Une entrée en vigueur d’une nouvelle loi en 2026 semble peu probable. Est-ce imaginable en milieu de législature ou le processus s’étendra-t-il jusqu’en 2031?

Pour 2026, c’est compromis. La consultation va nécessiter une reprise des discussions. Cela dit, il n’est pas indispensable que l’entrée en vigueur du cadre légal révisé intervienne avant le début d’une nouvelle législature. Ce serait mieux, bien entendu, mais il est nécessaire que le processus aille à son terme sans précipitation, avec assurance et confiance.


Deux suggestions de la Ligue vaudoise rejetées

La Ligue vaudoise préconise de rétablir les districts dans leur configuration antérieure à la Constitution de 2003 pour permettre un rapprochement de l’administration avec les citoyens. Est-ce une proposition que vous pouvez entendre?

Pour ce qui est des entités intercommunales, l’échelle antérieure du district n’est pas la bonne. Il y a désormais bien plus de bassins fonctionnels que par le passé, si l’on prend par exemple les STEP, les chauffages à distance, les écoles ou l’accueil de jour de la petite enfance.

La taille des associations qui gèrent ces entités n’est pas forcément calquée sur les districts antérieurs, ni sur les districts actuels. Le district est avant tout une subdivision administrative. En outre, le district, c’est également la circonscription électorale. Il serait difficile de revenir à des districts plus petits, par rapport à la représentativité politique. Pour le rapprochement administration-citoyen, nous avons lancé des essais pilotes de délivrance de prestations aux citoyens dans les préfectures. Cette démarche s’inscrit dans les  réflexions que mène le Conseil d’Etat sur la décentralisation de certains services de l’administration.

Elle suggère l’introduction d’un référendum en faveur des communes. 10% pourraient obtenir la soumission au vote populaire d’une décision du Grand Conseil. Y êtes-vous ouverte?

Une telle proposition n’est pas remontée jusqu’à nous. Dans le cadre de la loi sur l’exercice des droits politiques non plus. Le droit de référendum peut aboutir avec 12 000 signatures. En proportion du corps électoral, le référendum paraît donc accessible. En 2007, l’idée d’un droit référendaire des communes a été soumise à la population par le biais de l’initiative «La parole aux communes», qui a été rejetée par 65% des votants.