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Deux patrons de la construction se mettent à table
© Alkabes-A

Deux patrons de la construction se mettent à table

1 octobre 2020

Le Tribunal d’arrondissement a condamné deux anciens chefs d’entreprise pour escroquerie. Ceux-ci ont admis les faits et ajouté de l’eau au moulin d’une vaste enquête de fraude menée depuis 2016.

 

Le procès n’aura pas fait long feu. En tout et pour tout: moins d’une heure. Pourtant, les faits reprochés ne sont pas anodins: le prévenu, un ressortissant du Kosovo, était entendu pour escroquerie hier après-midi par le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Cette trentaine de minutes devant les juges a pourtant permis de faire avancer la vaste enquête de fraude, menée depuis 2016, contre une douzaine de patrons de la construction. Ceux-ci sont notamment accusés d’avoir détourné environ trois millions de francs à la Caisse cantonale de chômage (CCh) (lire aussi encadré).

Pourquoi cette audience est-elle aussi importante? «C’est une première étape de franchie. C’est aussi une première reconnaissance judiciaire du mécanisme subtil utilisé pour escroquer ma cliente, la Caisse cantonale de chômage, donc vous et moi qui cotisons. Et du fait qu’elle est bien la victime», commentait Me François Chanson, au sortir de l’audience. Si l’homme de loi se dit content de cette première étape, c’est bien parce qu’elle ouvre la voie à la suite. En effet, l’ex patron entendu hier n’était qu’un des petits poissons de cette vaste affaire, qui met également en cause des anciens syndicalistes, ainsi que quelque 150 employés qui ont accepté de s’impliquer dans la manœuvre.

La rapidité de l’audience n’a en revanche rien de particulier, puisque les deux premiers prévenus de cette vaste fraude qui étaient entendus hier avaient accepté une procédure simplifiée. «L’élément clé pour que cela puisse se passer, c’est l’aveu. Il faut que toutes les parties s’accordent sur les faits, les accusations et les sanctions», expliquait le procureur Nicolas Cruchet. En somme, lorsqu’un prévenu «se met à table», il a le droit de négocier un petit peu les charges retenues contre lui et la peine qu’il encourt. «Je salue les efforts consentis par toutes les parties», poursuivait le Parquet.

Ainsi, les deux hommes qui étaient assis sur le banc des accusés hier ont reconnu les faits reprochés. Le Tribunal les a condamnés à des peines de 12 et de 18 mois de prison avec sursis, ainsi qu’à une peine pécuniaire de nonante jours-amende avec sursis pour l’un des deux. Les coupables devront également rembourser à la CCh des montants qu’ils ont indûment perçus, soit 35 000 et 108 500  francs. «Je regrette ce que j’ai fait», déclarait l’ancien patron d’une entreprise de ferraillage, qui est devenu «simple ouvrier» depuis lors.

 

Un mécanisme complexe impliquant des dizaines de personnes

 

Sur la douzaine de patrons pointés du doigt par l’enquête, seuls deux sont réellement passés à table et ont reconnu officiellement les faits devant les juges à l’heure actuelle. Les autres restent présumés innocents.

L’un des deux prévenus est un ancien chef d’une entreprise de ferraillage. Dans l’acte d’accusation, que l’homme a entièrement admis, le Parquet explique comment l’escroquerie a pu avoir lieu. En somme, deux individus qui connaissent bien le système, dont un employé du syndicat Unia, auraient approché l’entrepreneur. Sur leurs conseils, celui-ci a mis en faillite sa société. Le patron a ensuite confectionné «des dossiers mensongers aux fins de tromper la CCh et d’amener ce service public à verser des indemnités en cas d’insolvabilité» à une dizaine de ses ouvriers. Faux bulletins de salaire, heures de travail gonflées, productions de créances injustifiées: plusieurs faux ont été réalisés. Pour que la manœuvre aboutisse, le patron a dû convaincre des employés et des personnes syndiquées à fonctionner comme des travailleurs fictifs en leur promettant une récompense. Les faux dossiers montés ont été envoyés à la CCh, par l’intermédiaire du syndicat. Après vérification, et se fiant au syndicat qui semblait appuyer la demande, la CCh a versé un total de près de 200 000 francs. Le patron, lui, a touché 108 500 francs, le reste étant partagé entre les différents protagonistes.

Rédaction