Lignerolle – Le scandale des oeufs contaminés au fipronil a touché la Suisse, mais pas les élevages indigènes. Les contrôles y sont très stricts.
Appliquant le principe de prudence, les grands distributeurs d’alimentation suisses ont retiré de la vente de nombreux lots d’œufs importés. L’affaire a éclaté début août par l’alerte donnée par l’organisme hollandais de contrôle alimentaire. Des millions d’œufs ont été contaminés par le fipronil, un anti- parasitaire puissant, utilisé notamment pour traiter les animaux domestiques contre les puces et autres acariens. Ce produit est notamment fatal aux abeilles.
Par la force des choses, des lots d’œufs contaminés se sont retrouvés en Suisse, et dans une quinzaine d’autres pays.
Des gardes-fous
Un tel scandale serait-il possible en Suisse ? «Je ne le pense pas. Nous avons d’autres produits, qui sont testés et homologués. Le fipronil est formellement interdit. Nous avons un système de contrôle et d’autocontrôle », réagit Jacques Nicolet, qui exploite, avec son fils Jonathan, un élevage de poulets à Lignerolle.
Qu’il s’agisse de poulets d’engraissement, comme à Lignerolle, ou de pondeuses, la législation est très rigoureuse. En Suisse, on ne peut pas, par exemple, construire une halle industrielle avec cent mille poulets ou pondeuses. La taille est limitée à 18 000 spécimens et l’élevage est obligatoirement lié à une exploitation agricole. «Nous avons une taille d’exploitation limitée par les règlements. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays», poursuit le conseiller national.
Quel que soit l’élevage, les procédures de contrôle sont très strictes. Et l’éleveur a intérêt à les respecter car, au bout du compte, les autorités «tiennent le couteau par le manche»: «Nous pouvons être sanctionnés par une réduction des paiements directs», relève Jacques Nicolet.
En ce qui concerne la halle inaugurée peu après son élection à la présidence du Grand Conseil -elle avait abrité le banquet-, chaque arrivage de poussins (cinq par année) est précédé d’une opération de désinfection. Même les copeaux de la litière sont traités. Lorsque l’éleveur entre dans la halle pour contrôler, il est équipé de vêtements de protection et chaussé de bottes réservées exclusivement à ce local.
Bon pour le «local»
Ce scandale européen va-t-il avoir des effets positifs pour la production indigène ? Jacques Nicolet le pense, même si, à ce stade, la réaction du consommateur traduit une certaine méfiance.
Et le conseiller national de relever que les œufs importés sont principalement utilisés dans l’industrie alimentaire (pâtes et biscuits), ou vendus au consommateur sous les labels d’entrée de gamme.
Le portemonnaie…
Si les éleveurs ne respectent pas les règles, ils s’exposent à une sanction, par l’intermédiaire des paiements directs. Selon l’Office fédéral de l’agriculture, sur les 46 000 fermes concernées, 7230 n’ont pas respecté tout ou partie des règlements en vigueur. Elles ont, ainsi, été sanctionnées par une réduction des prestations de la Confédération. Cette dernière verse chaque année quelque 2,8 milliards de francs aux exploitants agricoles suisses.
La sécurité alimentaire ancrée dans la Constitution
Lausanne et Berne – Le peuple se prononcera le 24 septembre sur le contre-projet à l’initiative
«A ce stade, nous sommes en attente d’instructions.» Vétérinaire cantonal vaudois, Christian Peduto ne peut en dire plus. En fait, les autorités fédérales sont à la recherche d’éléments concrets. Les distributeurs qui ont retiré des œufs de leurs rayons l’ont fait par précaution. Pour le reste, les contrôles dans les exploitations suisses, tels que décrits ci-dessus par Jacques Nicolet, sont assez rigoureux. Ils portent sur la production primaire -les inspections visent à s’assurer que des substances interdites ne sont pas utilisées-, et sur le respect de la législation concernant la détention des animaux.
Une chose est sûre, cette affaire d’œufs contaminés au fipronil va sans doute inciter une large majorité de citoyens à accepter, le 24 septembre prochain, le contre-projet à l’initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire », qui avait été lancée par l’Union suisse des paysans. Le compromis a abouti au retrait de l’initiative et le contre-projet permet d’inscrire les principes de la sécurité alimentaire dans la Constitution.
La préservation des facteurs de production agricoles, comme les terres cultivables, l’eau et le savoir-faire, mais aussi l’adaptation de la production de denrées alimentaires aux conditions locales, tout en respectant les ressources, sera ainsi assurée.