En croisade contre les abus

Depuis 2021, l’association Templiers – Post Tenebras Lux, à but non lucratif, intervient pour protéger les enfants victimes d’abus partout en Suisse romande. Rencontre avec ces motards au grand cœur lors de l’une de leurs actions pour sortir un enfant de ses souffrances.

Il est midi, la sonnerie annonce la fin des cours du matin et la liberté retrouvée en ce mercredi après-midi. Toutefois, un drôle de comité attend les enfants à la sortie de l’école. Une quinzaine de gros durs arborant blousons en cuir, bagouses et lunettes de soleil sont là. Venus sur leurs motos rutilantes et vrombissantes, des Harley-Davidson pour la plupart, ils ne sont pas ici pour créer du grabuge, mais pour délivrer un message: montrer à tous qu’un des élèves de cette école – qui doit rester anonyme afin de respecter sa vie privée –, victime de brimades à répétition de la part de ses camarades, est désormais sous leur protection. Pour les harceleurs qui assistent à la scène de loin, l’avertissement est clair: leur souffre-douleur intègre dorénavant une famille prête à leur faire obstacle.

Ces motards appartiennent à l’association Templiers – Post Tenebras Lux. Ils se sont donné pour mission de venir en aide aux enfants victimes de violences, de menaces, de harcèlements ou d’abus. «Nous intervenons lorsqu’une situation problématique est avérée, pas sur une simple rumeur, et c’est toujours l’enfant qui décide si nous déclenchons une opération, explique Igor, templier chevronné. Neuf fois sur dix, le gamin nous demande d’aller péter la tronche de ses agresseurs, mais nous n’agissons pas comme ça.»

Les templiers rejettent en effet toutes formes de violence et comptent plutôt sur des actions symboliques en mettant à profit leur allure de grands balèzes. En accompagnant l’enfant sur le chemin de l’école, en allant le chercher à la sortie des cours et en lui offrant écoute et protection, les motards permettent au petit de retrouver confiance en lui, mais aussi confiance aux autres. «On n’est pas là pour régler les comptes avec les harceleurs. La plupart du temps, on ne sait même pas qui c’est. Nous accompagnons juste leurs victimes, des enfants qui sont parfois en souffrance depuis des années. On casse l’isolement dans lequel ils se trouvent et ça change tout. Ils savent qu’ils ne sont pas seuls et se sentent plus forts», décrit Largo, le vice-président.

Disponibles 24h/24

Après avoir rencontré l’enfant devant son école, les templiers l’embarquent pour une chevauchée sur leurs bolides. Le petit reçoit ensuite un badge et un pull aux couleurs de l’association. Désormais, il n’est plus seul face à ses tortionnaires. «C’est cool, je me sens protégé et je pense que ça va m’aider», confirme l’enfant.

Depuis leur création, en 2021, les templiers sont venus en aide à près de 140 enfants et adolescents partout en Suisse romande. «Ce qui nous encourage, c’est que les situations changent», remarque Largo. En effet, dans 90% des cas, les templiers n’ont pas à intervenir en nombre une seconde fois. En revanche, l’enfant choisit deux parrains ou marraines qui resteront disponibles pour lui 24h/24 aussi longtemps qu’il le juge nécessaire.

L’association est reconnue d’utilité publique. Et les templiers font en sorte d’avertir polices et écoles lors de chaque intervention. «Mais ils n’aiment pas nous voir venir, parce que si on est là, ça veut dire qu’ils ont échoué», glisse Igor.

L’association s’inspire des Bikers Against Child Abuse, un mouvement similaire né aux États-Unis dans les années 1990. Les templiers suisses, de leur côté, comptent environ 80 motards dans leurs rangs, triés sur le volet, avec présentation de casier judiciaire sur deux niveaux afin d’éviter l’infiltration de personnes malveillantes.

Infos: www.templiers-ptl.ch