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En voiture pour le peuple syrien

20 décembre 2016 | Edition N°1896

Yverdon-les-Bains – Le propriétaire d’une école de conduite a décidé d’allier son activité professionnelle au soutien des civils touchés de plein fouet par les combats en Syrie.

Antoine Rouge a saisi l’opportunité de venir en aide à la population syrienne en achetant cette ambulance. ©Carole Alkabes

Antoine Rouge a saisi l’opportunité de venir en aide à la population syrienne en achetant cette ambulance.

Depuis son commencement en mars 2011, le conflit syrien a fait plusieurs centaines de milliers de victimes. Cette tragédie, dont l’épicentre se situe actuellement à Alep, prend en otage les civils, auxquels des associations tentent, tant bien que mal, de venir en aide.

L’organisation «Amis du peuple syrien», fondée en 2012, fait partie de ces bienfaitrices. La recherche d’ambulances à envoyer sur place pour le compte de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) est l’activité qui l’a fortuitement mise en relation avec Antoine Rouge.

«J’habite à Thierrens et, j’ai remarqué, lors de mes déplacements, qu’une ambulance était stationnée à proximité d’un garage à Boulens. Je me suis dit que je pourrais l’acquérir pour présenter de manière originale mes cours de premiers secours», explique ce propriétaire d’une école de conduite, basée à Yverdon-les-Bains.

Attente forcée

Renseignements pris, le véhicule, acheté par les «Amis du peuple syrien», n’était pas à vendre. Il attendait, en fait, d’être acheminé dans le pays gouverné par le régime de Bachar al-Assad, mais le durcissement des combats a provisoirement fait avorter l’opération. «Les accords de Genève ne sont pas respectés. Les ambulances et les hôpitaux sont pris pour cible», s’indigne le moniteur d’auto-école de la Cité thermale.

Facilement identifiable et gourmande en carburant, devenu rare dans ce pays meurtri, la nouvelle recrue de la flotte humanitaire présente, pour l’heure, des inconvénients trop conséquents pour être exportée au Proche-Orient. Des camionnettes et autres utilitaires, garants d’un transport discret des blessés, lui sont préférés dans les zones d’affrontement.

C’est donc en terre vaudoise, dans l’univers de la circulation routière, qu’on retrouvera, dès le début de l’année prochaine, le véhicule, vendu 12 000 francs à Antoine Rouge pour la réalisation de son projet initial. L’association « Amis du peuple syrien » a transmis, le printemps dernier lors de son repas de soutien, l’entier de la somme versée par le Nord-Vaudois à l’Union des organisations de secours et soins médicaux.

Convié au rendez-vous humanitaire, Antoine Rouge a été touché par les récits de personnes «qui ont eu la chance de pouvoir partir car elles avaient de l’argent pour le faire. La plupart d’entre elles ont encore des proches là-bas, surtout des anciens pas en assez bonne condition pour faire le voyage», relève-t-il. Le discours du Dr Tawfik Chamaa, responsable de l’antenne suisse et coordinateur de l’UOSSM au niveau européen, a également marqué le mécène régional.

Engagement inébranlable

«Sa force et sa conviction m’ont frappé. Il a décrit la situation en Syrie avec une rigueur et une distance toutes médicales. On sentait en lui la volonté de continuer à agir coûte que coûte.»

Les médecins membres de l’UOSSM -ils sont environ 880 à travers le monde- se rendent régulièrement sur place pour former leurs homologues. Leur organisation prend aussi en charge la construction -et la reconstruction d’hôpitaux. Quant au montant récolté grâce à l’achat d’Antoine Rouge, il servira, notamment, à entretenir les ambulances de fortune en activité sur le terrain.

Satisfait de savoir concrètement à quoi sert son investissement, l’ancien enseignant n’est pas moins ravi de pouvoir compter, dans le volet local de sa démarche, sur un fort soutien familial. Ses quatre enfants composent, en effet, l’équipe de dix personnes formée pour doter les futurs conducteurs de compétences en matière de premiers secours. Facturée 144 francs, en référence au numéro d’urgence, chaque heure de cours proposée permettra de reverser 24 francs aux «Amis du peuple syrien». Antoine Rouge tient, cependant, à préciser que les clients de son école de conduite auront le choix de verser ou non cette différence.

L’ambulance, utilisée comme outil de promotion du geste solidaire devrait, à terme, rejoindre la Syrie, mais son propriétaire promet que son engagement en faveur de cette nation va survivre à ce départ.

Ludovic Pillonel