Qu’elles aient deux têtes ou un seul œil, qu’elles soient fantomatiques, gigantesques ou humanoïdes, les créatures de la Maison d’Ailleurs ne cherchent pas à faire de mal. Elles invitent à identifier le monstre qui sommeille en chacun de nous à travers «Je est un monstre».
Quand on était petit, les contes semblaient simples à comprendre: d’un côté, il y avait les gentils, et de l’autre, les méchants. Et forcément, ce sont les gentils qui gagnaient avec l’aide d’un héros ou d’un prince charmant. Mais si les choses n’étaient pas si simples… Et si, par exemple, la vieille sorcière aux verrues qui offre une pomme empoisonnée à Blanche-Neige se trouvait être en réalité la personne qui aimait le plus cette jeune fille à la beauté désarmante? Et si les super-héros n’étaient que des monstres qui accomplissent de bonnes actions?
Avec la nouvelle exposition de la Maison d’Ailleurs, «Je est un monstre», les mythes s’effondrent. Il faut dire que le directeur Marc Atallah a le chic pour embrouiller le visiteur dans ses convictions afin de l’emmener dans des réflexions profondes mêlant psychanalyse, philosophie, anthropologie et même poésie. «En fait, je voulais qu’on se demande: que disent ces monstres sur l’Homme et sur notre société?, explique-t-il. Bien souvent, le monstre nous renvoie à nos propres monstruosités. C’est peut-être pour ça qu’on en a peur.»
Pourtant, aucune des créatures présentées à Yverdon ne devrait vraiment effrayer l’assistance. Puisqu’elles ont été imaginées par les artistes Benjamin Lacombe (France) et Laurent Durieux (Belgique), qui ont une approche subtile de cet art. «Je les ai toujours représentées comme des êtres sensibles et humains auxquels on s’attache», a déclaré ce dernier via visioconférence. Et son confrère parisien d’ajouter: «Le propre de mon travail n’a jamais été de faire peur mais de traiter de la différence comme étant une partie de nous-mêmes.»
C’est donc un voyage introspectif que la Maison d’Ailleurs offre une fois de plus au public qui devrait bientôt pouvoir retrouver son musée yverdonnois totalement réaménagé. «Mon idée était de plonger le visiteur dans le rôle d’un spectateur au cirque. On a donc transformé le musée avec des décors qui sont très imposants, mais c’est fait exprès. On a mis quatre fois plus de budget dans la scénographie que d’ordinaire», dévoile Marc Atallah.
Ainsi, de l’accueil par un bonimenteur virtuel aux murs repeint dans un style de chapiteau à une scène ronde sous des projecteurs: tout y est. Mais ne croyez pas que le spectateur reste un simple observateur, puisque le Nord-Vaudois cherche toujours à déstabiliser gentiment son public. Typiquement, en croyant entrer dans l’arène d’un chapiteau pour découvrir les fameux freaks show, ces spectacles exhibant des personnes aux aspects physiques hors du commun, il se retrouve à monter sur une estrade. Et au lieu de regarder les bêtes de foire de l’époque, c’est lui qui se retrouve sur cette estrade, sous les projecteurs, avec des portraits de monstres tout autour de lui qui le regardent. Alors le monstre, c’est qui dans l’histoire?
Un monstre de fer local
En parallèle à «Je est un monstre», la Maison d’Ailleurs abrite une seconde exposition dédiée à une autre créature mythique: la machine à écrire. Il s’agit là du troisième volet du projet créatif «Rock me baby», réalisé par l’artiste vallorbier Sébastien Mettraux. Après avoir présenté des œuvres en lien avec ces machines à écrire au Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains, et dépoussiéré des belles machines et photos d’archives, le Nord-Vaudois évoque ici l’évolution de cet objet sous différents angles: sa représentation dans les jouets pour enfants, dans le cinéma et les autres arts, l’héritage qu’il a transmis aux technologies modernes, etc. L’artiste plusieurs fois récompensé a d’ailleurs imaginé de multiples façons de faire vivre son immense travail de recherche et de curateur.
Plus d’informations sur https://rockmebaby.ch