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Femme et rappeuse, et alors…?
Anissa Saib, alias Badnaiy (ci-dessus) fait partie du label ZRO21, dont Maud Hala Chami, alias Mulah, est la cofondatrice. Elle sera sur la scène de L’Amalgame ce vendredi.

Femme et rappeuse, et alors…?

4 novembre 2021

S’il reste encore de nombreux clichés sur les femmes à combattre dans la musique urbaine, les artistes veulent avant tout être reconnues pour leur musique, plutôt que pour leur genre.

Une table ronde ce vendredi à la bibliothèque qui réunit deux femmes actives dans le monde du rap? Pas de doute, il s’agira de discuter de la place des rappeuses dans un monde hyper masculin, profitant du succès de la deuxième saison de la magnifique série Validé (Canal+), qui met en avant LAlpha, une mère de famille qui veut percer.

Sauf que non! C’est justement pour lutter contre ce genre de réaction que les deux femmes en question, la rappeuse Badnaiy et la boss du label ZRO21 Mulah, n’ont pas voulu centrer la discussion autour de leur statut de femmes. Oui, il y a des choses à dire sur les difficultés qu’elles rencontrent, mais pas à chaque fois qu’elles prennent la parole.

«Que ce soit pour moi en tant que cofondatrice d’un label ou pour Badnaiy en tant que rappeuse, les premières questions qu’on nous pose sont souvent liées au sexisme dans le milieu de la musique urbaine, témoigne Maud Hala Chami, alias Mulah. Sauf que le sexisme, il est partout, pas que dans ce milieu et nous, on veut parler de notre musique. En résumé, ce n’est pas plus difficile d’être une femme dans ce milieu qu’ailleurs, c’est juste aussi dur que dans les autres milieux…»

Du coup, la thématique se voudra plus large est inclura tous les apprentis rappeurs de la région. «Cette table ronde, c’est la suite de l’atelier écriture rap qu’on avait organisé ce printemps en collaboration avec la bibliothèque d’Yverdon et Y-Music, dans lequel Badnaiy donnait des conseils à des jeunes de la région, explique Mathias Kerninon, programmateur de L’Amalgame. On voulait continuer à mettre en lumière ce milieu et demain on se demandera donc ce qu’est le rap en Suisse romande et comment on peut évoluer dans ce monde.» Les deux femmes présenteront leur label et le côté «business» de la musique urbaine en Suisse romande. «Ce qu’on va amener, détaille la boss de ZRO21, c’est notre expérience du milieu professionnel, comment potentiellement vivre de la musique ici. On est là pour expliquer les forces de notre marché et ses réalités.»

Difficile donc de ne pas tomber dans le piège de la mise en avant de cette différence de ces artistes, qui a pour effet involontaire de les marginaliser: «Au début, je voulais que la table ronde montre que c’est possible d’être une femme et être active dans le rap, explique le programmateur. Mais elles ont elles-mêmes souhaité qu’il ne s’agisse pas du thème principal. Justement, la parité est parfaite et l’inclusivité est au centre du projet.»

Car ne pas ramener les rappeuses à leur caractéristique de femmes, même lorsque c’est pour dénoncer certains clichés, c’est aussi leur permettre d’être des artistes comme les autres. «Le sujet sera probablement abordé, indique Mathias Kerninon. Mais ce ne sera pas le cœur de la table ronde. Oui, il y a toujours des généralités et il faut encore se battre contre. Mais les mentalités changent aussi. Et systématiquement mettre en avant que telle ou telle rappeuse est une femme, ça fait que l’on s’intéresse moins au plus important, la musique. C’est un fait établi maintenant: les femmes font partie du game!» Et Maud Hala Chami de rajouter: «Nous représentons nous-mêmes le féminisme, grâce à notre art. Je pense qu’il parle de lui-même, sans qu’on ait besoin d’intellectualiser la question à chaque débat.»

Et ça se retrouve dans le public des artistes: «De plus en plus de femmes s’impliquent, sont excellentes et ont du succès, détaille le programmateur. Et on retrouve évidemment dans les personnes qui les suivent des femmes, comme des hommes.»

Un public qui grandira sans doute encore un peu après leur passage à L’Amalgame ce vendredi!

Infos pratiques

 

Vendredi 5 novembre:
La Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains, en collaboration avec L’Amalgame, invite à la bibliothèque les artistes rap Badnaiy, Mulah, Kunga et Jérémie Duciel pour une table ronde (de 19h à 20h15) autour de la question «Comment évoluer au sein du milieu du rap en Suisse romande?» Des concerts de Badnaiy, Santo et Shaim auront lieu à L’Amalgame suite à la discussion.

Samedi 6 novembre:
Rendez-vous à Sports 5 de nouveau pour une Silent Party haute en couleur à thème «biscômes et paillettes».

Massimo Greco