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Franc fort: les Suisses ne se ruent pas en France voisine

6 février 2015

Les commerçants de la région s’avouent préoccupés par la concurrence française due au franc fort, même si, pour l’heure, l’impact est limité. Impossible, en revanche, pour eux, de se prononcer les répercussions à plus long terme.

Pour Alexandre Mauri, le mois de février est toujours très calme. © Michel Duperrex

Pour Alexandre Mauri, le mois de février est toujours très calme.

Difficile à dire, pour l’heure, si la montée en puissance de notre monnaie nationale face à l’euro a une quelconque influence sur les ventes des commerces locaux, susceptibles de souffrir de la concurrence de la France. C’est ce qui ressort des témoignages recueillis dans les rues commerçantes à Yverdon.

Il faut peut-être préciser que la période est généralement «calme» pour la plupart d’entre eux. «La situation n’a rien d’exceptionnel en cette période habituellement creuse de début d’année, où les fêtes précédentes et les obligations fiscales incitent à maîtriser les dépenses», déclarent-ils. Sans oublier la bise, tout sauf engageante. La majorité de ces acteurs de l’économie locale ne cachent, en revanche, pas leur inquiétude, dans la perspective où le rapport eurofranc suisse n’évoluait pas.

Le constat est valable chez Mauri Chaussures, où les clients ne se pressent pas au portillon, en ce jeudi matin. «Février est de toute façon le pire mois de l’année. Il m’est arrivé de donner congé aux collaborateurs durant une semaine à cette période», explique Alexandre Mauri. Celui-ci avoue toutefois avoir adapté en partie les prix de la nouvelle collection pour répondre à la situation actuelle du franc suisse. «Les choses devraient s’équilibrer», espère-t-il, précisant qu’en cas contraire, l’impossibilité de réduire les marges sur les produits, donc de baisser les prix, pourrait nécessiter d’agir sur les salaires des collaborateurs.

Ludovic Mercier, dont la boucherie éponyme se situe à la rue du Milieu, avoue avoir eu «la moitié moins de monde» le premier samedi ayant suivi la décision de la Banque nationale suisse. Selon lui, l’afflux des acheteurs suisses de l’autre côté de la frontière, relaté par certains clients, ne devrait cependant être que passager. «Il y avait les mêmes craintes avec la venue d’Aldi et de Lidl, mais la Migros n’a pas baissé son chiffre d’affaires», relève-t-il.

Du côté des grandes surfaces, Jean-Philippe Cotter, porte-parole de Coop Suisse romande, signale une légère baisse du chiffre d’affaires dans les points de vente situés près des frontières. Un recul aussi constaté chez Migros Vaud.

Ludovic Pillonel

 

Hausse constatée du côté français, mais pas uniquement à cause de la parité euro/franc suisse

Du côté des commerçants français contactés hier, on est unanime au moins sur un point: pour l’heure, la hausse du nombre de clients suisses n’a rien à voir avec celle constatée en juillet 2011, qui avait été vraiment importante. Néanmoins, augmentation il y a, mais elle n’est pas égale selon le type de commerce et, surtout, ne dépend pas forcément que de la parité Euro/Franc suisse. Ainsi, du côté des magasins de sport, «si un pic a bien été constaté le premier week-end qui a suivi la décision de la BNS, aujourd’hui la hausse est plus modérée», nous explique-t-on chez Intersport, à Pontarlier. «Mais il est difficile de l’attribuer uniquement au taux de change, puisque nos ventes dépendent, chaque année, des conditions d’enneigement qui sont actuellement très bonnes.»

Visiblement un peu plus gâté, du côté du voisin et concurrent Décathlon, on assure «avoir fait deux très gros week-ends», selon le responsable d’exploitation qui, s’il n’a pas de chiffres à fournir, affirme avoir eu la visite de «plusieurs clients suisses qui venaient pour la première fois».

De nouveaux clients suisses qui, jusqu’ici, se sont faits très discrets, voire inexistants, dans les petites boutiques et chez les artisans contactés outre-frontière. Se sont-ils alors concentrés dans les grandes surfaces? Là non plus, les choses ne sont pas si nettes, à en croire Olivier Gouy, responsable de la région Doubs du groupe Schiever, propriétaire notamment des enseignes Proxi Marché, Flunch, Bricoman, Auchan et Atac. «Nous constatons effectivement une hausse du chiffre d’affaires dans nos magasins, mais elle n’est pas aussi significative que cela. Peut-être parce que l’accès routier à nos magasins, que l’on vienne depuis le canton de Vaud ou de celui de Neuchâtel, est délicat par mauvais temps, ce qui est le cas depuis plusieurs jours. De plus, il est difficile de mesurer quelle part est attribuable aux clients suisses, puisque la parité offre également un pouvoir d’achat plus important aux frontaliers, qui peuvent donc consommer davantage.»

Aussi, le seul véritable gagnant, au terme de plusieurs appels, semble être le magasin Bébé Cash New Baby, à Pontarlier, spécialisé, entre autres, dans les accessoires, meubles et vêtements autour des jeunes enfants. «Entre le mois de janvier 2014 et le mois de janvier 2015, la hausse du chiffre est de 17%», explique le gérant. «Nous avons vraiment très bien travaillé ces derniers jours, et pas seulement les week-ends », assure celui qui, parmi ses derniers nombreux clients, compte beaucoup de Suisses, «au vu du nombre de formulaires de détaxe remplis».

Mais, là encore, la lecture mérite un bémol: le fait que, de ce côté de la frontière, entre Yverdon-les-Bains et Vallorbe, l’offre dans ce secteur est très limitée.

Raphaël Muriset