Nord Vaudois – Aujourd’hui, 40% des produits de gravière proviennent de l’étranger, alors que ce taux n’était que de 24% en 2006. Tous les bords politiques se fédèrent autour d’un postulat déposé au Grand Conseil, mardi dernier.
Une étude de la Direction générale de l’environnement révèle une tendance inquiétante. Entre 2006 et 2016, le pourcentage de produits de gravière issus de l’importation est passé de 24% à 40%, entraînant logiquement des conséquences néfastes pour les entreprises du Nord vaudois, mais également sur le trafic routier. Le postulat déposé par Yvan Pahud (L’Auberson) demande au Conseil d’Etat d’étudier l’opportunité d’utiliser en priorité des granulats d’origine vaudoise dans les chantiers de l’Etat, ou dans ceux que l’Etat subventionne. Une campagne d’information et de sensibilisation des communes et des acteurs de la construction a également été souhaitée.
Cercle vicieux
«On nous demande d’être le plus écologique possible, note Daniel Grandguillaume, de l’entreprise Sables et Graviers de La Poissine. On nous le serine chaque jour, mais j’ai un peu l’impression qu’en réalité on s’en fout. Dans les critères d’adjudication, le prix est majoritairement déterminant. L’empreinte écologique ? Jamais. Les entreprises comme la nôtre doivent rester concurrentielles. Du coup, les marges baissent, et les fonds prévus pour investir dans des nouvelles machines, plus performantes et plus écologiques, viennent à manquer. Une sorte de cercle vicieux, en somme.» De plus, la politique fédérale, clairement tournée vers l’Europe, ne semble pas donner le signal que les entrepreneurs de la branche attendent. «Dans ces conditions, je ne suis pas certain que le Canton ait les moyens de lutter contre une politique fédérale», ajoute, résigné, Daniel Grandguillaume.
Contraintes supplémentaires
De son côté, Antoine Maillard, de l’entreprise Cand-Landi, se montre particulièrement critique face aux contraintes imposées par la Canton. Celles-ci compliquent la tâche des entreprises pour rester concurrentielles par rapport à leurs homologues françaises. «On nous rajoute constamment des frais supplémentaires, détaille l’entrepreneur. Récemment, ce sont des interventions d’archéologues sur les sites de production. On ne sait jamais si ça va nous coûter 1000 ou 100 000 francs. On nous a aussi obligés à récupérer les matériaux recyclables pour les valoriser. C’est bien. Mais ensuite, dans le cadre de marchés publics, les collectivités ne font que rarement le choix des propositions qui comprennent des matériaux issus du recyclage. De plus, la problématique compliquée des surfaces d’assolement freine également certains dossiers et tout cela a un coût, qui nous contraint à encore resserrer nos marges.»
Au-delà des problèmes des entreprises et de l’impact environnemental, cette situation met aussi la pression, indirectement, sur les places de travail dans le Nord vaudois.
Les réactions de certains des députés qui se sont engagés en faveur de ce postulat
Yvan Pahud (UDC)
«A Sainte-Croix, 10 km de chemins forestiers ont été réaménagés récemment. Mais l’entreprise mandatée est allée chercher le tout-venant en France, alors que la carrière des Etroits est sur la commune de Sainte-Croix ! Il faudrait, dans les soumissions, intégrer la provenance des matériaux utilisés. Car c’est l’utilisateur final qui devrait pouvoir en décider, pas forcément l’entreprise mandatée. Cela a fonctionné avec le bois, il n’y a pas de raisons que ça ne marche pas avec le gravier.»
Alexandre Berthoud (PLR)
«C’est le bon moment pour se pencher sur ces questions de concurrence, pour faire un point précis de la situation et tenter de trouver des solutions. Est-ce que le marché se régulera-t-il de lui-même ou faut-il intervenir ? Et si ce devait être le cas, comment ? Il s’agira de se poser les bonnes questions. Par ailleurs, et dans le cadre du développement des entreprises concernées, les discussions sur la nouvelle Loi cantonale d’aménagement du territoire (LATC) pourrait encore ajouter de la pression sur les PME.»
Nicolas Rochat Fernandez (PS)
«On se retrouve dans une situation typique de tension entre l’économie et le développement durable. Car le choix de se tourner vers des matériaux qui ne sont pas indigènes génère un ballet de camions (ndlr : jusqu’à 200 par jour à la douane de Vallorbe) qui nuit logiquement à l’environnement. L’impact est immense. Il faut privilégier la proximité, même si cela a un coût. Par ailleurs, comme dans d’autres secteurs d’activité, cette situation met forcément de la pression sur les emplois.»
Vassilis Venizelos (Les Verts)
«Nous devons assumer la responsabilité du développement de notre région, même si cela peut créer des nuisances. Le site de La Poissine est relié au rail et il faut en profiter, afin de minimiser l’impact écologique. Pour ce qui est de la concurrence, nous ne pouvons pas agir sur le droit français ou sur les règlements d’extraction ou de gestion des déchets, de l’autre côté de la frontière. Nous devons donc trouver d’autres solutions et, dans ce sens, le postulat déposé mardi s’est avéré très intéressant.»