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Greffe réussie!
Les deux compères, Gabin Cardinaux (à g.) et Gaël Lavorel, devant leur pépinière qui, malgré la saison, continue de vivre. C’est en effet le moment où les arbres issus de greffages sont déracinés et vendus.

Greffe réussie!

11 février 2025 | Texte: Robin Badoux | Photos: Gabriel Lado
Edition N°3889

La Pépinière du Suchet, création de deux amis d’enfance, finit par porter ses fruits après quatre ans de persévérance, d’expérimentations et de greffages. A la rencontre d’un petit projet qui pousse fort.

«Au début, il n’y avait rien ici, c’était juste un pré», explique Gaël Lavorel en agitant sa main en direction de ce qui, aujourd’hui, se présente comme une pépinière comportant plusieurs centaines d’arbres à divers stades de maturité.

Il ne lui a fallu que quelques années pour créer, avec son compère Gabin Cardinaux, ce petit champ d’expérimentations aux nombreuses variétés d’arbres fruitiers. «A la base, on voulait juste créer un verger haute tige et avec une haie, simplement par amour des fruits et de la nature», poursuit Gaël Lavorel. Rapidement, en 2021, il se lance, sur ce terrain à l’entrée du village, dans diverses expériences de greffage, un sujet qui passionne le jeune homme, alors fraîchement diplômé de l’école d’horticulture de Lullier.

Chirurgiens botanistes

«Le greffage permet de multiplier à l’infini une variété de pomme, de poire ou de cerise qu’on trouve intéressante, présente le pépiniériste. C’était juste une expérience pour moi à la base, mais cela a tellement bien marché qu’on a vite décidé de lancer une vraie production.»

En apparence simple, le greffage nécessite tout de même un certain savoir-faire. D’une main habile, le pépiniériste pratique une entaille sur un porte-greffe, un arbuste pas plus épais qu’un crayon, et y glisse un bourgeon ou un rameau du végétal qu’il souhaite multiplier, tout en coupant le sommet du porte-greffe. Avec un peu de chance, le tronc mutilé reprendra sa croissance et créera un nouvel arbre à partir de ce bourgeon. «Il faut alors être vigilant, car le porte-greffe va tenter de rejeter le greffon en faisant pousser diverses branches qu’il faut couper rapidement.»

Le végétal ainsi créé additionne les qualités de l’arbuste qui a reçu la greffe, tout en reprenant à l’identique les propriétés de la variété du greffon. C’est notamment par ce procédé de clonage qu’il est possible d’obtenir, saison après saison, les mêmes pommes Gala ou Golden Delicious, par exemple.

Les poires comptent pas pour des prunes

De leur côté, les deux pépiniéristes préfèrent se tourner vers des variétés plus originales. «On aime les variétés locales, surtout les anciennes, qui sont plus résistantes, plus rustiques et qui ont plus de caractère que celles qu’on trouve en magasin. On aimerait bien remettre les poires au goût du jour, par exemple, parce qu’elles étaient très cultivées autrefois pour toutes sortes d’utilisations, comme pour faire de la raisinée.»

Leurs expérimentations les ont amenés à faire pousser des noyers, cerisiers, pruniers, plaqueminiers – l’arbre du kaki –, pommiers et poiriers, «et on étoffe avec des châtaigniers».

Si la greffe permet certaines libertés, il faut en revanche utiliser des porte-greffes qui présentent des affinités botaniquement, précise Gaël Lavorel. «On peut essayer de mélanger pomme et poire, mais pas pomme et prune, par exemple. Mais en général, un porte-greffe de pomme permettra de faire pousser n’importe quelle variété de pomme.»

Les arbres baladeurs

Après le greffage, il faut encore compter quelques années avant  que les arbres atteignent une taille permettant leur commercialisation. Au bout de trois ans, ils commencent à développer une couronne de branchage culminant à 1,80 mètre.

Les arbres sont alors prêts à entreprendre leur voyage vers leur nouveau propriétaire, mais seulement en hiver, lorsqu’il n’y a pas de feuillage. «Sinon, on peut être sûr de le voir mourir. On assure ensuite son entretien une fois replanté, parce que c’est un gros traumatisme pour un arbre. On lui coupe quelques racines, on le déplace brusquement, et c’est plutôt rare que les arbres se baladent dans la nature», rigole Gaël Lavorel.

Dès le mois de mars, les deux compères reprendront leur travail de greffage. Plus de 700 nouveaux arbres seront ainsi assemblés, contre 400 lors de la première plantation. Des cours de greffage sont également proposés en mars, afin de permettre aux curieux de s’essayer à cette technique botanique fascinante.